Ajoutons que des métrages muets sur des films affichés sont projetés sur des écrans télévisés géants, permettant de donner vie aux affiches. Du matériel de projection, des plaques de verre éducatives et religieuses, des magazines et des fauteuils des années 1900 à 1920 sont aussi présentés. Des séances ont été proposées aux scolaires avec animations et questionnaires réservés aux écoles, collèges et lycées.
Le catalogue éponyme de l’exposition - tout en couleurs et en vente pour 17 euros - rappelle d’emblée Le cinéma s’affiche en grand , le catalogue de l’exposition éponyme présentée en 2015 au Palais des rois de Majorque de Perpignan. L’IJV crée-t-il une nouvelle collection de livres d’affiches ? Ladite exposition avait été présentée dans différentes et grandes salles, offrant chacune une thématique particulière. La présente s’étend dans une salle unique, nonobstant immense en superficie et en hauteurs de plafond (nous sommes dans une église médiévale), dévoilant plus discrètement des thématiques, au fil du cheminement mural du spectateur.
L’ouvrage peut être divisé en sept parties, les textes oscillant chacun entre 2 et 4 pages, la priorité étant naturellement donnée à l’affiche en couleurs. Il s’en dégage trois grandes thématiques : l’aventure et le crime par Alain Carou, ou le serial, film en de nombreux épisodes qui renoue avec le charme du roman-feuilleton du XIXe avec notamment Judex ; le burlesque par Jacques Verdier, avec une myriade de pitres acrobates : Calino, Onesime, Babylas, Faty, Dudule, sans oublier Bébé et Willy ; les films et séries d’Art français par François de la Bretèque. Mais - coup de foudre en visitant l’exposition - je privilégierai une quatrième et magique, au sens propre et figuré, thématique : la féerie cinématographique et ses affiches. Comme le précise Béatrice de Pastre, la féerie au cinéma s’appuie sur les contes. Ses personnages sont les fées, sorcières, magiciens et ogres, ses objets sont les baguettes magiques, bottes à sept lieux et chaudrons infernaux, ses lieux sont les grottes, châteaux et forêts. Si les copies et négatifs des films ont disparu, les affiches en sont les dernières traces. La poule aux œufs d’or de Gaston Velle de 1905 (Candido Aragonez de Faria affichiste) magnifie avec une chaude pluie de pièces d’or la poule magique aux œufs rémunérateurs, qui n’est pas sans rappeler le florissant coq de Pathé frères. Les armures (mystérieuses) de Segundo de Chomon de 1907 (Henri Gray affichiste) voit une guerrière en corset de fer et cotes de mailles présenter horizontalement une lame d’épée transformée en arène étroite où s’affrontent 4 walkyries lilliputiennes, 4 statues impassibles appuyées sur leurs épées leur servant d’arbitres. Aloÿse et le Ménestrel de Charles Torquet de 1909 (V. L. Heilbronn affichiste) s’inscrit dans un cadre décoratif inspiré des enluminures médiévales de frontispices.
L’argent envolé, anonyme de 1911 (V. L. Heilbronn affichiste), dévoile une forêt où les dryades et hamadryades souriantes espionnent les hommes entrés en leur sombre territoire, une fée ondine rayonnant de beauté. Le petit poucet de G. A. Lacroix de 1912 (E. Villefroy affichiste) montre un ogre endormi, le petit Poucet voulant lui ôter ses bottes magiques, sous l’œil affolé de petits lapins blancs ; une autre scène, sous le titre, rappelant le moment où les parents perdent leurs enfants dans la forêt. Faust de Gérard Bourgeois de 1922 (François Florit affichiste) met en avant le "poème fantastique de Goethe" et vante commercialement "Film en relief, Procédé Parolini, Breveté en France en Allemagne et en tous pays" et "Propriété Mondiale d’Edition et d’Exploitation de la Société Azur, Paris 19°, Rue Bargue (XV°)".
Enfin, clôturant l’ensemble, des pages originales avec noms et signatures des affichistes et celles de mini reproductions d’affiches avec les titres des films et pages permettent de naviguer rapidement dans l’ouvrage. Un petit livre d’art plaisant, érudit et surabondamment illustré, à découvrir.
© Albert Montagne pour Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 05/11/2016.