Présentation de l’intervenante
Delphine Diaz, ancienne élève de l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm et agrégée d’histoire, est maîtresse de conférences à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, où elle est membre du Centre d’études et de recherche en histoire culturelle. Elle a publié en 2014 aux éditions Armand Colin un livre issu de sa thèse, Un asile pour tous les peuples ? Exilés et réfugiés étrangers dans la France du premier XIXe siècle, qui a reçu en 2015 le prix Augustin Thierry du Comité d’histoire de la ville de Paris. Elle coordonne depuis 2016 un programme de recherches « jeunes chercheuses jeunes chercheurs » financé par l’Agence nationale de la Recherche, AsileuropeXIX, qui vise à faire une histoire de l’accueil des réfugiés en Europe de l’ouest et du sud entre les années 1830 et 1870.
Liens vers l’émission APHG Brèves de classe n° 3
- https://anchor.fm/breves-de-classe/episodes/03--Rvolutions--Restaurations-en-Europe-avec-Delphine-Diaz-e9j28v
- https://www.youtube.com/watch?v=sVi06UA6OUo
- Déjà disponible sur Spotify et bientôt sur les autres plateformes de Podcast.
© APHG Brèves de classe. Yohann CHANOIR et Nicolas CHARLES. Générique : « Dissolution ». Musique originale. © Renaud MIELCAREK et Bernard COLLOT - tous droits accordés pour l’APHG. Janvier 2020.
Documents présentés dans l’émission
Portrait de Cristina di Belgioso par Henri Lehmann, 1843
Texte de Cristina di Belgioso
« La guerre de Lombardie, le siège et la capitulation de Milan »
« Lorsque la révolution milanaise éclata, je me trouvais à Naples. Je ne pus résister au désir de rejoindre aussitôt mes concitoyens, et je me hâtai de louer un bateau à vapeur qui devait me transporter à Gênes. À peine le bruit de mon départ s’était-il répandu, que je pus reconnaître combien la cause lombarde éveillait de chaudes sympathies dans la population napolitaine. Des volontaires de toutes les classes venaient me supplier de les emmener avec moi en Lombardie, et, pendant lesquarante-huit heures qui s’écoulèrent avant mon embarquement, ma maison ne désemplit pas : près de dix mille Napolitains voulaient partir sur-le-champ, mais le bateau à vapeur que j’avais loué ne pouvait contenir que deux cents passagers. Ce fut donc un corps de deux cents volontaires seulement que je consentis à transporter en Lombardie, et la petite phalange, on le devine, ne tarda pas à se trouver au complet. On avait rarement vu toute une population s’arracher aussi brusquement à un long repos sous l’influence d’une même pensée de guerre et de dévouement. Parmi les jeunes gens qui demandaient à me suivre en Lombardie, les uns, appartenant aux premières familles de Naples, s’étaient échappés furtivement de leurs maisons pour venir me trouver, et n’emportaient sur eux que quelques carlins ; les autres, modestes employés, échangeaient sans regret contre la vie des camps la place qui les faisait vivre ; des officiers s’exposaient au châtiment des déserteurs pour aller porter le mousquet contre l’Autrichien ; des pères de famille s’éloignaient de leurs femmes et de leurs enfans, et un jeune homme, dont le mariage long-temps attendu devait être célébré le lendemain du jour fixé pour mon départ, faisait passer la défense de la patrie avant les plus chers devoirs.
Je n’oublierai jamais le moment de ce départ. Le temps était admirable, et l’embarquement devait avoir lieu à cinq heures du soir. Lorsque j’arrivai au bateau, la mer était déjà couverte de légères embarcations accourues de toutes parts afin de nous souhaiter un heureux voyage. Au milieu de cette foule de navires, le nôtre était aisément reconnaissable à la rangée d’armes étincelantes qui couvraient le pont et dépassaient le bordage. Mes volontaires m’attendaient. Pendant les courts instans qui furent remplis par les derniers préparatifs, nous fûmes encore assaillis d’innombrables demandes. De tous les petits bâtimens qui entouraient le nôtre s’élevaient des voix suppliantes pour nous conjurer d’inscrire un nom de plus sur notre liste, déjà complète. Nous ne pûmes malheureusement opposer que des refus réitérés à ces instances si pressantes, et, lorsque notre bateau se détacha du rivage, un seul cri partit de cent mille bouches ; tous nous laissaient pour adieu ces mots : « Nous vous suivrons ! »
Notre traversée fut des plus rapides. A Gênes, nous trouvâmes un accueil vraiment cordial. La population milanaise s’était préparée également à saluer notre arrivée par des témoignages de sympathie auxquels le gouvernement provisoire jugea prudent de s’associer. Mes deux cents volontaires étaient, après les soldats piémontais, les premiers Italiens venus en Lombardie pour prendre part à ce que l’on appelait alors la croisade et la guerre sainte. La présence à Milan du premier corps de volontaires napolitains semblait garantir que la guerre contre l’Autriche allait devenir une guerre italienne, au lieu d’être une guerre lombardo-piémontaise. […] Quand j’arrivai à Milan, les Autrichiens n’avaient quitté la ville que depuis huit jours, et les barricades encombraient encore les rues. C’était la première fois que je voyais les couleurs italiennes flotter sur les murs de la capitale lombarde. J’éprouvais une joie profonde et sans mélange. Tout m’annonçait que l’enthousiasme politique n’était pas refroidi, mais tout aussi ne tarda pas à me prouver que la situation du pays n’était pas comprise par ceux à qui était échue la difficile mission de la dominer et de la diriger. »
Cristina di Belgiojoso, « L’Italie et la révolution italienne de 1848 », Revue des Deux Mondes, t. 23, 1848, p. 139-142.
Retrouvez les épisodes précédents sur le site de l’APHG
- Episode 1. L’Espagne médiévale avec Gabriel Martinez-Gros
- Episode 2. Lumières et Sciences avec Jan Synowiecki
© APHG Brèves de classe - Yohann Chanoir et Nicolas Charles pour Historiens & Géographes, 01/01/2020. Tous droits réservés.