Après les attentats. Sous les auspices de Voltaire La laïcité expliquée à Loritz. L’Est Républicain.

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L’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) lance une enquête auprès de ses adhérents, enseignants d’histoire-géographie et éducation civique, sur l’écho des événements terroristes dans les établissements, sur les réactions des élèves en classe et les réponses apportées par les adultes.
La Rédaction du site internet national et de la revue Historiens & Géographes publie une série de tribunes libres envoyées au siège de l’association par des collègues de terrain. Ces textes proposent des points de vue, des analyses qui appellent à la discussion. Ils n’engagent ni l’association ni la Rédaction (voir les autres contributions dans la rubrique AGHORA et Tribunes http://www.aphg.fr/-AGHORA-et-Tribunes-)

L’article qui suit a été publié le 15 janvier 2015 dans l’Est Républicain. Il nous a été transmis par notre collègue Franck Schwab, dont l’enseignement et la classe de terminale S au Lycée Loritz de Nancy fait l’objet du reportage réalisé par Philippe Nivet, qui en est l’auteur.Voir également en pièce jointe.

Franck Schwab est président de l’antenne régionale de l’association des professeurs d’histoire et de géographie. [1] Il est connu pour sa diplomatie et le sens du mot juste.
Enseignant au lycée Loritz, à Nancy, il a brossé une large fresque historique pendant une heure ce jeudi matin [8 janvier 2015] devant ses 29 élèves de terminale S, comme il le fera devant d’autres classes pour expliquer la laïcité, la liberté d’expression, le fondamentalisme et le fanatisme.
Une fresque placée sous les auspices de Voltaire, dont il a brandi symboliquement dès le début du cours un exemplaire du Dictionnaire philosophique, publié pour la première fois en 1764. "Il luttait déjà pour la liberté, déjà contre le pouvoir religieux. Au XVIIIe siècle, l’Eglise catholique était différente de celle d’aujourd’hui, elle était toute-puissante. Nous sommes aujourd’hui un pays laïc qui n’obéit à aucune loi religieuse (cela relève de la vie privée) mais à celle des hommes".

Un silence quasi...religieux règne dans la classe.
Seulement interrompu lors de rares questions et quand l’enseignant convie successivement plusieurs élèves à lire un article de L’Est Républicain consacré à Charlie Hebdo, journal qui fait "souffler un esprit libertaire qui a toujours existé".
Preuves à l’appui, sous forme de transparents, les dessins des caricaturistes assassinés sont projetés à la classe. Un dialogue s’instaure autour du décryptage. Les élèves, peu causants, n’en boivent pas moins les paroles de leur prof. Qui ose : "Pas de quoi casser trois pattes à un canard ces dessins". Puis reprend : "Mais on peut comprendre que des croyants soient heurtés par les caricatures de Mahomet. Ils peuvent déposer plainte, c’est le jeu démocratique. Ils ont été déboutés".
Brahim, élève parmi les plus réactifs et attentifs, se confie à l’issue du cours : "Je suis Marocain d’origine, arrivé il y a 6 ans, je ne parlais pas français. J’ai dû faire des efforts pour m’intégrer, j’ai été bien accueilli. Je suis musulman pratiquant, je ne me sens rien de commun avec ces terroristes. L’Islam, c’est la religion du cœur, de la paix, et cela relève du domaine privé. Les dessins m’ont heurté. Mais je conçois que des caricaturistes aient le droit d’en faire. J’ai lu Voltaire. Je connais Camus".

Et s’il arrivait à l’école d’être à la hauteur de l’apprentissage des valeurs républicaines ?

Philippe Rivet - L’Est Républicain, édition du 15 janvier 2015. DR

Transmis par Franck Schwab, Professeur d’Histoire-Géographie et ECJS. APHG Tous droits réservés 18/01/2015.

Voir en ligne : L’Est Républicain Nancy

Photo Romain Vignest DR

Notes

[1Régionale de Lorraine de l’APHG. NDLR