Bac 2016. De Pondichéry à Bad Godesberg ! Réflexion pédagogique sur le programme de Terminale

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La Rédaction du site internet national et de la revue Historiens & Géographes publie une série de témoignages pédagogiques afin d’ouvrir le débat dans le cadre des réflexions de la communauté éducative. Ces textes proposent souvent des points de vue, des analyses qui appellent à la discussion.

Nous remercions vivement notre collègue Chantal Le Guillou-Porquet, Présidente de la Régionale de Poitou-Charentes et Professeure en lycée, qui nous a transmis un texte à vocation pédagogique qui sera d’une grande aide et peut-être plus rassurante pour les élèves et les collègues à l’approche du Bac...

Par Chantal Le Guillou-Porquet [1]

Ou comment faire face à un sujet de Bac apparemment difficile...

Voici ce qui est tombé en étude critique de document au Bac ES/L à Pondichéry en avril dernier [2] :

Ce document a l’air très difficile ! Et surtout tellement décalé… Comment un jeune de 17 ans qui vit au sud de l’Inde peut-il appréhender un pareil sujet ?

La cour, Lycée Français de Pondichéry, 2003, Photo George Azariah-Moreno, via https://commons.wikimedia.org.

Pourtant il n’y a pas de piège au Bac !

Mais tout candidat doit connaître les thèmes qui sont dans son programme, comment ils s’articulent les uns avec les autres.

Un élève qui a travaillé sait donc qu’il y a dans le programme de Terminale un chapitre intitulé « Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875 ».

Ce chapitre semble un peu isolé et « bizarre » dans notre programme (il est le seul à parler de l’Allemagne) et pourtant il nous raccroche à des préoccupations politiques très présentes en France aujourd’hui (mais aussi ailleurs dans le monde et notamment en Inde après l’Indépendance) : qu’est-ce que le socialisme à la fin du XIXème siècle ? Et aujourd’hui en 2016 ?

Ce chapitre nous oblige à réviser les grandes phases chronologiques de l’évolution de l’Allemagne et à revoir la chronologie de la Guerre Froide et nous fait réfléchir sur la notion de socialisme en prenant un exemple.

Car dans ce chapitre, on suit sur la longue durée un parti dont le sigle est SPD.

Si on n’est pas germaniste on n’a pas besoin de savoir que ce parti est le « Sozialdemokratische Partei Deutschlands » (car on a toutes les chances de faire des fautes sur ce nom) mais, comme tout sigle qu’on utilise dans une copie de Bac, on doit connaître sa signification. SPD est le sigle du parti socialiste allemand.

A l’origine (dernier quart du XIXe siècle), c’est un parti « marxiste-léniniste » virulent lequel va progressivement choisir la voie du « réformisme » et, pendant la Guerre Froide, au Congrès de Bad Godesberg (1959) abandonner totalement cette référence marxiste-léniniste et son électorat ouvrier pour devenir le parti social-démocrate qu’il est aujourd’hui et qui s’adresse au peuple allemand tout entier.

C’est là l’intérêt majeur de cette question : comment un parti politique sur un échiquier politique pluripartiste réussit-il à traverser plus d’un siècle quand les conditions économiques, politiques, sociales et géopolitiques se transforment autant ? Il est forcément amené à évoluer !

Mais malheureusement pour comprendre ce petit résumé sur l’évolution du SPD il faut avoir en arrière-plan des connaissances plus générales. C’est là la grande difficulté de notre programme actuel de Terminale. Ce qui déroute le plus nos élèves.

J’ai mis entre guillemets les 2 expressions-clés qui irriguent tout ce chapitre et permettent de le comprendre : « marxiste-léniniste » et « réformiste » auxquels se rajoutent ces deux concepts de « socialisme » et « communisme »

Un parti « marxiste-léniniste » est un parti qui s’inspire des idées de Karl Marx philosophe allemand du XIXe siècle (mort en 1883) qui a analysé le capitalisme en Angleterre à un moment où la classe ouvrière anglaise endure des conditions de travail terriblement difficiles (parce que le Royaume Uni est à l’époque la 1ère puissance industrielle du monde). Marx en tire cette conviction : le « prolétariat » (c’est ainsi qu’il désigne ces ouvriers qui ne possèdent rien et doivent vendre leur force de travail contre un salaire) doit se battre contre le « patronat » dont le seul objectif est le profit. Et pour cela, seule la « lutte des classes » entre le patronat et le prolétariat est efficace en utilisant comme moyen principal la grève générale et, si nécessaire en faisant la révolution.

Pour que cette stratégie le soit davantage il appelle à l’unité (« Prolétaires de tous les pays unissez-vous »). Marx crée une « Internationale ouvrière » (la Première internationale) en 1864. Elle regroupe des leaders appartenant aux courants « socialistes » différents pays d’Europe en cours d’industrialisation (France, Allemagne, Belgique, Italie, Suisse, Royaume Uni).

Le terme de « socialisme » désigne donc à l’époque tous les mouvements qui veulent transformer la société pour améliorer le sort des plus démunis c’est-à-dire principalement des ouvriers. (Les autres mouvements politiques veulent juste une stabilité de la société et des lois qui garantissent la liberté d’entreprise : ils sont « libéraux »).

Parmi ces mouvements socialistes on peut distinguer des syndicats ouvriers – qui sont des organisations professionnelles dont l’objectif est d’obtenir des améliorations des conditions de travail (durée, salaires, sécurité, congés…) et des partis ouvriers qui veulent faire élire des représentants pour défendre les intérêts de la classe ouvrière.

L’idée de Marx est que le capitalisme finira par s’effondrer empêtré dans ses contradictions et que viendra un monde sans propriété privée où la formule « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » (chaque individu pourra ainsi vivre à l’abri du besoin en travaillant en fonction de ce qu’il peut faire) sera appliquée et où l’on atteindra alors le stade du « communisme ».

Sauf que, dans la réalité, la vision de Marx ne se réalise pas ! En mars 1871 les ouvriers parisiens lancent certes le premier mouvement révolutionnaire de ce type : la « Commune de Paris ». Mais il est écrasé dans un bain de sang en mai 1871… La Troisième République, qui se met alors en place, est un régime politique plutôt favorable à la bourgeoisie et notamment au patronat et pas spécialement aux ouvriers.

Peut-être que la Révolution n’est donc pas une bonne manière de faire entendre sa voix ? Mais que peut-on faire d’autre ? Les leaders de la Première Internationale se déchirent et elle disparaît en 1872.

Une Deuxième Internationale (ou Internationale Socialiste) voit alors le jour après la mort de Marx (en 1889) regroupant les différents courants socialistes d’Europe notamment le SPD allemand et, à partir de 1905, le parti socialiste français fondé par Jean Jaurès qui s’appelle pour cette raison la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière).

Les points de vue divergent entre ces socialistes sur la manière de mener cette « lutte des classes » : faut-il vraiment faire la révolution ou simplement bloquer le pays par la grève générale ? Ou alors jouer le jeu du pouvoir, participer aux élections au suffrage universel, faire élire des représentants des partis socialistes qui voteront des lois favorables aux ouvriers ? Et faut-il aller jusqu’à ce que les syndicats négocient des améliorations des conditions de travail avec le patronat ?

Globalement le mouvement socialiste allemand (à la fois les syndicats socialistes et le parti SPD) choisit précocement la deuxième option qu’on peut qualifier de « réformiste » considérant qu’elle sera plus profitable à l’Allemagne.

Et logiquement ceux qui ne sont pas d’accord et trouvent le SPD trop « mou » quittent le parti et fondent un parti plus virulent le KPD, le parti communiste allemand, qui veut faire la révolution exactement comme les Bolcheviks russes de Lénine la mènent en octobre 1917 à Saint-Pétersbourg.

Le « réformisme » est donc, pour un mouvement socialiste, le fait d’adopter une position plus modérée (pas de révolution et pas même de grève générale) et de négocier avec le patronat si l’on est un syndicat, de s’allier électoralement avec des partis modérés pour faire passer des lois sociales si l’on est un parti socialiste.

Évidemment ceux qui pensent que c’est une mauvaise tactique que de négocier avec les patrons vous traitent de « traître à la cause ouvrière » et dans leur bouche le terme « réformiste » est une insulte ! C’est ainsi que tous les partis communistes dans les pays où ils sont au pouvoir et où ils sont des partis uniques (en URSS de 1917 à 1991, dans les démocraties populaires d’Europe de l’Est –Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, Roumanie, Bulgarie, RDA de 1949 à 1989 -, en Chine –depuis 1949 -) traitent de « réformistes » leurs membres dès qu’ils les trouvent trop « mous » et ils s’empressent alors de les emprisonner !

Bref être réformiste dans une démocratie pluraliste est plutôt un avantage : sur le long terme cela permet de très grandes avancées sociales pour les ouvriers : c’est ce que montre la stratégie du SPD sur plus d’un siècle. Mais dans un régime communiste c’est le meilleur moyen de terminer au Goulag ou en prison !

Ceci étant posé, on n’écrira pas ce qui précède dans sa copie de Bac parce que ce n’est pas le but de l’exercice mais sans cet arrière-plan général on ne comprend juste pas le chapitre… et donc on n’arrive pas à le mémoriser et on risque de se noyer dans des sigles, des dates, des personnages.

Que faire face à un tel document le jour du Bac ?

Premier réflexe à avoir : raccrocher le(s) document(s) proposé(s) au programme !

Normalement c’est facile car le(s) document (s) sont précédés d’un titre qui nous met sur la voie. Ici : le socialisme en Allemagne. puis retrouver immédiatement quel le chapitre du programme qui est concerné et dans quelle partie il s’insère.

Ensuite au brouillon se rappeler l’idée majeure qui est ressortie de ce chapitre : l’exercice va principalement nous demander d’exprimer cette idée qui est souvent abordée de manière implicite dans le document proposé.

Donc cela veut dire que pour chacun de nos chapitres au programme nous devons :

  • avoir mémorisé l’architecture du programme (son titre, ses grandes parties, les intitulés des chapitres
  • « avoir en stock » une petite fiche très simple avec quelques lignes rédigées correspondant à cette idée générale.

Une fiche de quelques lignes rédigées avec l’idée majeure qui ressort du chapitre

Un exemple pour le chapitre « Une gouvernance économique mondiale depuis 1944 » :

« La crise économique des années 1930 a tellement affecté les échanges internationaux que les États-Unis (1ère puissance économique mondiale) et leurs partenaires ont décidé à la fin de la Seconde Guerre mondiale de mettre en place un système monétaire international (celui de Bretton Woods 1944 ) et de favoriser le libre-échange (GATT 1947 ). Sauf que ce système n’a pas survécu (abandon de la convertibilité du dollar en or 1971) aux soubresauts liés à la montée de nouvelle puissances la mondialisation et la fin de la Guerre Froide et que l’on est en train de tâtonner pour essayer de trouver une forme de coopération plus aboutie (OMC – 1995- ; G 20 depuis-2008) ».

Normalement tout document qu’on nous donnera à analyser sur ce chapitre illustrera d’une manière ou d’une autre cette évolution et seules ces 5 dates spécifiques au chapitre (Bretton Woods 1944 ; GATT 1947 ; fin de la convertibilité du dollar 1971, OMC 1995, G 20 2008) se rajoutent à des chronologies générales déjà connues en Première (celle de la Seconde Guerre mondiale, celle de la Guerre Froide, celle de l’évolution économique et sociale depuis 1850.

La chronologie est le nerf de la guerre !

En histoire, il faut vraiment être au clair avec le cadre chronologique. Il ne s’agit pas de connaître beaucoup de dates concernant les chapitres au programme mais de bien percevoir comment ces dates s’enchaînent et surtout comment elles se raccrochent au cadre chronologique général qui est celui sur lequel nous travaillons depuis la classe de Première : le monde depuis 1850.

  • La 2e Révolution industrielle après 1890 (qui touche tout particulièrement l’Allemagne et les États-Unis et, dans une moindre mesure, la France)
  • La Première Guerre mondiale (1914-1918)
  • La crise des années 1930 (qui touche tout particulièrement les États-Unis et les échanges commerciaux à travers le monde et aboutit à la montée du nazisme en Allemagne)
  • La Seconde Guerre mondiale (1939-1937 en Chine - 1945)
  • La Guerre Froide (1947-1991)
  • La période actuelle qui est tellement complexe qu’on ne peut pas lui trouver un nom acceptable et qui marqué par l’accélération de la mondialisation et la montée en puissance de nouveaux États (Chine, Inde, Brésil…)

Une chronologie plus précise pour chaque chapitre

Ainsi pour pouvoir analyser correctement le texte du Congrès du SPD de Bad Godesberg, il faut aussi avoir dans sa besace les éléments chronologiques (et factuels suivants) concernant l’évolution politique de l’Allemagne et qui s’insèrent dans le cadre chronologique global :

Empire allemand (1871-1918) (régime politique autoritaire mais tolérant plusieurs partis dont le SPD (parti socialiste) ; régime avec à la tête Empereur (Guillaume Ier puis Guillaume II) ; le Chancelier (= chef du gouvernement). Bismarck (qui est un conservateur) joue un rôle très important jusqu’en 1890 en luttant contre la montée du socialisme et en essayant de la désamorcer en faisant voter des lois sociales.

La République de Weimar (1918-1933) (régime démocratique avec pluripartisme dont SPD, KPD, NSDAP ; Friedrich Ebert le leader du parti SPD joue un rôle important au départ en écrasant la révolution spartakiste des membres du KPD avec l’aide de l’extrême droite puis en devenant Président de la République (jusqu’en 1925) ; la gauche est donc très divisée entre deux partis devenus des « frères ennemis » le SPD modéré et le KPD plus virulent ; le parti nazi (NSDAP) d’Hitler va profiter de cette division pour s’imposer.

Le Troisième Reich (1933-1945) (régime totalitaire dirigé par Hitler - qui est au départ nommé légalement Chancelier de la République de Weimar puis prend les pleins pouvoirs, devient « Führer » et interdit les autre partis – SPD, KPD, partis de droite - ; avec parti unique : le parti nazi (NSDAP), police secrète, propagande, embrigadement de la jeunesse).

Période transitoire d’occupation (1945-1949), l’Allemagne vaincue qui a capitulé sans conditions le 8 mai 1945 est divisée en 4 zones d’occupation (soviétique à l’est), britannique, américaine et française (à l’ouest) ; la capitale Berlin (dans la zone soviétique) est elle-même divisée en 4 secteurs d’occupation (soviétique à l’est ; britannique, américaine et française (à l’ouest).

Partition de l’Allemagne en 2 États (1949-1990) :

RFA République Fédérale d’Allemagne (démocratie avec pluripartisme : 3 partis CDU – union chrétienne démocratique à droite, le SPD – parti social-démocrate à gauche, les FDP – parti libéral au centre ; le parti communiste y est interdit car on est en pleine Guerre Froide et le communisme est perçu en RFA comme une menace directe du fait de la partition du pays en deux États, de la proximité du rideau de fer et de la présence du mur de Berlin (à partir 1961).

RDA République Démocratique Allemande (« démocratie populaire » comme le sont également la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie) ; régime politique calqué sur l’URSS avec un parti unique le SED –parti socialiste unifié d’Allemagne- et une police secrète de sinistre réputation (la Stasi)

République Fédérale d’Allemagne réunifiée (depuis 1990) : le pays est réunifié en 1990 et adopte le système politique de l’ancienne RFA : sa « Loi Fondamentale » (dans les autre pays on appelle cela plutôt une Constitution) et conserve ses partis : CDU, FDP, SPD ; le SED disparaît en même temps que le communisme ; toutefois depuis 2007 un nouveau parti apparaît sur la gauche : « Die Linke » (La Gauche) qui réunit d’anciens du SED et des déçus du SPD perçu comme trop « mou ».

Analyse de la consigne !

Lors de la dernière réforme du Bac les questions qui étaient proposées en même temps que le document ont été supprimées et remplacée par une consigne.

C’est à mon avis une excellente idée car souvent les élèves ne comprenaient pas bien les questions et répondaient à côté. La consigne laisse donc une grande liberté au candidat. Malheureusement sa formulation est souvent alambiquée comme si on avait peur que les candidats passent à côté de l’essentiel. Ainsi la consigne à Pondichéry était :

« Montrez que ce document témoigne des héritages et des transformations du projet politique du SPD jusqu’à la fin des années 1950. Pourquoi le contexte dans lequel ce programme est adopté permet-il de comprendre cette évolution ? »

Personnellement cette consigne me semble confuse et je propose pour la comprendre de la remplacer par :

« Après avoir présenté le document vous montrerez ce qu’il peut apporter à la connaissance de l’évolution du SPD en Allemagne au tournant des années 1950 ».

En fait toutes les études critiques de documents que je propose à mes élèves ont cette même consigne

« Après avoir présenté le document… » = cette proposition rappelle quelque chose d’essentiel en analyse de document, qu’on sait depuis la Sixième : il est nécessaire de présenter un document (nature, auteur, date et contexte historique, thème) avant d’en tirer la moindre information. Cela doit être un réflexe !

Or la consigne du Bac oublie de nous rappeler cela ! Elle parle juste de « contexte »

« … ce qu’il peut apporter… » De même qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, un document tout seul ne fait pas l’histoire. Par conséquent le document qu’on nous propose n’apporte qu’un éclairage partiel sur le thème qu’on étudie. Il ne peut pas tout apporter : le candidat a besoin de connaissances extérieures pour faire cet exercice.

« … à la connaissance de l’évolution du SPD en Allemagne au tournant des années 1950 ». La fin de cette consigne nous ramène au thème d’étude qui au programme. En faisant cela on nous demande clairement de nous remettre en tête ce qu’est l’évolution du SPD à cette date, bref de montrer qu’on connaît notre cours.

Quelle est la précision des connaissances qui est attendue ?

Le Bac n’est qu’un examen très généraliste. En aucun cas on n’attend d’un élève de Terminale générale ES ou L une érudition qu’il n’est capable d’atteindre que s’il va à l’Université étudier l’histoire.

Deux exemples : a-t-on besoin de se rappeler qu’avant de devenir le SPD, le parti est d’abord l’ADAV, puis le SDAP puis le SAP ? Ce qui est surtout important c’est qu’on a un parti socialiste unique en Allemagne à partir de 1875 suite au Congrès de Gotha (comme on en a un unique en France, la SFIO, à partir de 1905).

Doit-on connaître Ferdinand Lassalle, Wilhelm Liebknecht, Karl Liebknecht, Rosa Luxemburg, Walter Ulbricht, Willy Brandt, Ulrike Meinhof… ?

Si déjà on connaît les idées de Karl Marx et le rôle d’Hitler entre 1933 et 1945, cela sera nettement plus important pour aborder ce chapitre à notre niveau de candidat au Bac.

Bref on a surtout besoin d’être capable de replacer un document dans son contexte historique général.

Pour traiter ce document il est donc plus important de bien connaître la chronologie et la logique de la Guerre Froide, que d’être très précis sur des aspects ponctuels concernant le socialisme allemand.

La présentation du document

Au brouillon identifier les éléments suivants :

  • Nature du document : ici extrait du programme d’un parti politique, le SPD, qui s’adresse a priori à ses futurs électeurs
  • Auteur du document : la direction politique du parti et notamment son secrétaire général. Attention il est totalement inutile un jour de Bac de dire que ce texte figure dans le 2e volume de l’ouvrage de l’historien Bernard Lachaise intitulé Documents d’histoire contemporaine : le XXe siècle et paru aux Presses Universitaires de Bordeaux en 2000 ! C’est une information qui intéresse un étudiant pour aller directement travailler sur le texte original ; le candidat au Bac n’en a pas l’usage mais doit au moins comprendre ce que signifie cette manière de présenter la référence.
  • Date du document : 1959
  • Contexte historique : c’est là que le prof d’histoire attend un développement important dans lequel l’élève va expliquer qu’on est en pleine Guerre Froide et que l’Allemagne est coupée en 2 depuis 1949.
  • Thème du document : extrait du programme qui marque le basculement du SPD vers la social-démocratie.

La deuxième phase de l’analyse sera d’aller prélever des bribes du texte en les citant entre guillemets, en les reformulant si nécessaire (c’est cela qu’on appelle « paraphrase »), en les explicitant avec des connaissances extérieures puis en prenant du recul. Le texte est très long on ne pourra pas l’analyser d’un bout à l’autre.

Bref, il y 4 moments dans l’analyse :

  • CITER (facile… encore faut-il avoir lu le texte, penser à le faire et choisir des morceaux pertinents et pas très longs)
  • PARAPHRASER (facile si on sait écrire en français et qu’on a compris le texte
  • EXPLICITER (faisable si on connaît son cours, encore faut il penser à le faire)
  • METTRE EN PERSPECTIVE (très difficile…pour tout le monde même pour le professeur)

La « paraphrase » n’est utile au lycée que pour reformuler une expression difficile ; au collège cette phase montre que l’élève comprend ce qu’exprime le texte ce qui est déjà un point important). Si on s’arrête à la paraphrase ce n’est pas une analyse

Le début d’introduction

On peut systématiquement commencer de cette manière :

« Le document que nous allons analyser est un extrait du programme du SPD, parti socialiste de la République Fédérale d’Allemagne après le congrès de Bad Godesberg de 1959 ».

Dans cette première phrase j’ai tous les éléments –nature, date, auteur, thème -.

puis :

« Ce document nous permet de réfléchir sur la manière dont la position du SPD, parti socialiste marxiste-léniniste né en 1875 a progressivement évolué vers un socialisme réformiste puis vers la social-démocratie. »

Dans cette deuxième phrase j’ouvre déjà sur la portée du document et tant qu’à faire je montre déjà au correcteur de Bac que je connais l’idée principale du chapitre.

Je n’ai pas besoin d’annoncer le plan de l’analyse (ce n’est pas une composition).

La suite : présentation détaillée du document

C’est à ce moment qu’on va reprendre en précisant les points suivants :

  • Nature (au Bac on a des discours, des mémoires d’hommes politiques, des caricatures, des extraits de traités ou de déclarations suite à des conférences internationales)
  • Auteur (que sait-on de l’auteur à cette date qui nous permet de comprendre le document ?)
  • Date et contexte historique (que se passe-t-il à cette époque qui nous permet de comprendre le document en commençant du général -Guerre Froide - au particulier - coupure des 2 Allemagne - puis problème précis du SPD)
  • Thème (de quoi précisément parle le document ?) Attention il ne s’agit pas encore à ce stade d’expliquer le contenu mais seulement

Un candidat même en difficulté est capable s’il a travaillé de faire cette « critique externe » comme on l’appelle à l’Université tandis que la phase suivante la « critique interne » est beaucoup plus délicate.

Une image facile à retenir est de comparer la critique externe à la phase de relevé d’une scène de crime (on ne touche à rien on observe) et la critique interne à l’autopsie du cadavre.

Juste un petit bout d’analyse…

« Le mouvement socialiste remplit une mission historique. Il est né de la protestation naturelle des travailleurs salariés contre le système capitaliste », c’est ainsi que le SPD rappelle son histoire depuis près d’un siècle.

Effectivement en Allemagne le SPD, s’est unifié au Congrès de Gotha en 1875. Il s’inscrit dans le courant socialiste qui se développe au XIX e siècle dans les pays d’Europe occidentale. Le philosophe allemand Marx est notamment à l’origine du développement de ce courant de pensée qui considère qu’il faut intervenir pour améliorer la société.

Car dans les pays qui sont touchés de plein fouet par la Révolution industrielle, où l’exode rural et l’urbanisation galopante ont pour effet de gonfler la classe ouvrière, les conditions de travail deviennent très difficiles, beaucoup plus que dans la société pré-industrielle antérieure. Les ouvriers n’ont rien d’autre que leur salaire pour vivre et sont donc totalement dépendants du système capitaliste : du niveau des salaires comme de la conjoncture économique fluctuante.

J’explicite le passage du texte avec des connaissances tirées du programme de Première : thème I « Croissance économique, mutation des sociétés et mondialisation depuis 1850 ».

On peut remarquer que le document n’utilise pas le terme de « prolétaires » - qui est typique du langage marxiste - ni de celui de « classe ouvrière » - qui est utilisée en URSS et dans les pays communistes - mais une expression beaucoup plus neutre et modérée celle de « travailleurs salariés ». C’est justement sa manière de se démarquer du communisme et de montrer ainsi que le SPD n’est plus marxiste et a évolué précocement vers le réformisme ;

Voilà une petite remarque qui montre qu’on est attentif aux termes utilisés et qu’on comprend qu’ils ne sont pas neutres dans le discours politique.

Pour conclure

Il est inutile de nier que l’exercice reste difficile, cependant un élève de Terminale qui :

  • connait l’architecture du programme de Terminale
  • est bien au clair avec sa chronologie générale depuis la fin du XIXe siècle
  • et a compris la démarche de l’exercice (présenter un document avant d’en tirer de l’information tout en restant prudent sur la portée de cette information)

a toutes les chances d’avoir une très bonne note au Bac.

Mais pour cela, travailler en Première dans la perspective d’avoir à réutiliser les éléments de connaissance en Terminale est très important et peut permettre de gagner beaucoup de temps dans la mise en œuvre des programmes et pour les révisions.

C’est déjà trop tard pour le Bac de 2016 mais pas pour les suivants !

© Chantal Le Guillou-Porquet
Agrégée de Géographie
Présidente de l’APHG Poitou-Charentes

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© Les services de la Rédaction de l’APHG, 08/06/2016. Tous droits réservés.

Illustration en "une" : [source->https://en.wikipedia.org/wiki/Final_examination)