Par Anthony GUYON. [2]
Historien de l’environnement, Guillaume Blanc a été formé en Amérique du Nord. Dans sa thèse, il compare les parcs des Cévennes, Forillon au Canada et Simien en Éthiopie. C’est à dernier qu’il consacre son livre L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Eden africain, aux éditions Flammarion et préfacé par François-Xavier Fauvelle. Ce parc, il l’a abordé comme historien par les sources mais aussi comme randonneur en allant le découvrir armé de son sac à dos.
Le constat est sans équivoque : si sur tous les continents les parcs nationaux se pensent avec l’homme, la nature africaine se pense sans les Africains. Le problème étant que ce postulat est importé par les imaginaires occidentaux comme en témoignent Le Roi Lion ou Out of Africa. L’Éthiopien devient donc un élément perturbateur qui par ses pratiques mettrait en danger la survie même de son environnement. Avec la colonisation, les Européens ont eu le sentiment de retrouver en Afrique une nature perdue. C’est ici que naît le mythe de L’Eden africain avec des postulats coloniaux qui traversent le XXe siècle à l’image du braconnier africain, forcément destructeur de sa propre nature, opposé au courageux chasseur blanc venu faire acte de bravoure au cœur d’une nature qu’il s’imagine indomptée. Ce colonialisme vert survit aux décolonisations puisqu’en Éthiopie, l’UNESCO condamne les pratiques agro-pastorales qui seraient nocives pour la nature du parc Simien. Les « experts » occidentaux qui ne semblent guère connaître les pratiques locales imposent des expulsions violentes, souvent avec l’assentiment des autorités locales.
L’ouvrage de Guillaume Blanc, au-delà d’une solide approche chronologique, est profondément ancré dans l’actualité et témoigne d’un paradoxe difficilement compréhensible. Pendant que les sociétés agro-pastorales du parc Simien sont condamnées et expulsées sans ménagement, les Occidentaux viennent retrouver le mythe d’une nature vierge à coups d’avions, de 4x4 et de matériaux profondément polluants. Pendant que des sociétés à la faible empreinte écologique sont pointées du doigt, le « tourisme naturel » est érigé en modèle chimérique par lequel l’homme blanc retrouverait une nature imaginaire.
Le café est à réécouter ici :
© Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 23/03/2021