Climat & capitalisme vert Compte-rendu d’ouvrage

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La Rédaction remercie vivement son collègue Michel Barbe (APHG Aix-Marseille) pour lui avoir transmis ce compte-rendu d’actualité. Les conclusions de l’auteur et du recenseur n’engagent ni la Rédaction ni l’association.

Philippe PELLETIER, Climat & capitalisme vert, nada éditions, 2015.

Un brûlot d’actualité utile à nos collègues, nos élèves et nos étudiants. Le sous-titre complet : « De l’usage économique et politique du catastrophisme » ne peut qu’attirer l’attention dans un contexte politique favorable avec la tenue récente du sommet sur le climat (COP21).

Question : existerait-il un « capitalisme vert », distinct, ou bien un intérêt particulier que le capitalisme attacherait à l’exploitation de l’environnement pour détourner l’attention des habitants sur les véritables sources de profits pour en créer de nouvelles fort juteuses… ou, au contraire, aux difficultés sociales et politiques à affronter pour imposer sa dictature par une culpabilisation systématique des « consommateurs négligents » ?

Certes, l’auteur, qui se proclame membre des géographes anarchistes, n’est pas marxiste. Mais l’accusation frontale qu’il lance au mode de production capitaliste rejoint la critique marxiste sans ambiguïtés !

138 pages, écrites au vitriol, vite lues, en trois parties équilibrées : 1) Le climat à l’épreuve des faits. 2) La nouvelle géopolitique du climat. 3) Place à une autre réflexion. Pour conclure par un épilogue en forme de rituel « Climat et anarchisme » ne peuvent passer inaperçues dans le déluge anesthésiant actuel de la philosophie « du durable » tous azimuts… Capitalisme et environnement sont deux catégories antinomiques, tant la recherche fébrile du profit ne peut que dévorer l’espace « naturel  » rendant « l’homme » responsable de destruction de l’air, de l’eau et de la terre !

L’auteur donne un exemple d’enfumage de l’opinion en étant obligé de protester (p.29) « Non, ce n’est pas l’eau de fonte des glaciers [de l’Himalaya] qui permet la culture irriguée des plaines très densément peuplées de l’Inde/…/mais la mousson ».

Notons qu’en passant, dans un dialogue permanent avec eux comme véritables interlocuteurs du débat, l’anarchiste lance un coup de chapeau à Marx et à Engels. A propos d’un « nécessaire encadrement de la croissance par la logique organisatrice du capitalisme », il écrit : « Karl Marx et Frédéric Engels, eux-mêmes, décrivent l’acharnement des capitalistes à économiser les moyens de production « pour que rien ne se perde ni ne soit gaspillé », quitte à recourir à l’utilisation des résidus de la production » (p.54). Pourquoi ne précise-t-il pas que ces deux attitudes, apparemment convergentes, recouvrent des objectifs et des intérêts de classe radicalement opposés avec un capitalisme à la fois triomphant et moribond qui laisse derrière lui des montagnes de poubelles et de ruines qui empoisonnent l’air, l’eau et la terre ? Dommage.

L’auteur attire l’attention du lecteur sur l’intérêt d’étudier « La fondation du Club de Rome » à l’origine de l’écologisme contemporain. Citons l’un de ces éminents pedigree, celui du « Prince Bernhard des Pays Bas (1911-2014) [qui] joue un rôle déterminant dans sa création [celle du groupe Bildberg], en 1954. Ancien membre du parti nazi (1933-1937) et même de la SS /…/ est également le président fondateur, de 1962 à 1967, de World Wildlife Fund (WWF). Il s’y illustre par des positions radicales, mais controversées, sur la politique démographique puisqu’il souhaite une réduction drastique de la population mondiale de sept à deux milliards d’individus. » (p.65)

Bien entendu le brûlot que nous lance Philippe Pelletier appelle en renforts les Grands Maîtres de la conception libertaire de la géographie : Elisée Reclus, Piotr Kropotkine et Léon Metchnikoff dont il avait développé la pensée dans un précédent livre.

Mais peut-on refermer ce concentré d’indignation sans évoquer l’enfumage spécifique lancé dans ce débat par « Le discours religieux » ? « En fait, la Nature a remplacé Dieu dans les sociétés anciennement industrialisées, et son principal bras armé est le climat.  » (p.106)

Une lecture roborative sans concessions d’un monde de l’univers du capitalisme mondialisé confronté à la lutte des classes qui le tétanise parce que celle-ci n’a pas dit son dernier mot en dépit des critiques bien connues, quoiqu’infondées, de Kropotkine contre Marx (p.426)

On ne peut que partager la conclusion de cette déclaration de guerre au « capitalisme vert  » en « remett[ant]la question sociale au cœur de la problématique climatique[qui] est un bon moyen de nous sortir de l’enfumage médiatique et idéologique ambiant. »

© Michel Barbe. Marseille. Dimanche 28 février 2016.

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