Par Serge Barcellini [2]
La préparation des cérémonies du Centenaire de la bataille de Verdun vient d’être ternie par une polémique. De quoi s’agit-il ?
La municipalité de Verdun a annoncé un important programme de festivités liées au Centenaire, avec un concert du rappeur Black M à la date du 29 mai en soirée, juste après la visite sur place du président François Hollande et de la chancelière Angela Merkel. Le chanteur, paraît-il très apprécié dans la jeunesse française, est membre d’un groupe appelé Sexion d’Assaut (allusion douteuse aux SA nazies).
Cette annonce a enflammé les esprits
Il y a ceux qui contestent le choix de ce rappeur et dénoncent le caractère antisémite et antifrançais de certaines de ses chansons ; ceux qui au contraire soutiennent ce choix et soulignent l’adéquation du chanteur avec la jeunesse ainsi que l’importance du rôle joué par les combattants coloniaux durant la Grande Guerre, le chanteur Black M à qui on a découvert opportunément un grand-père tirailleur devenant alors le représentant post-mortem de ces combattants ; il y a enfin le gouvernement qui a soutenu que ce concert n’était pas inscrit dans le programme national de la bataille de Verdun et qu’il ne lui appartenait pas de censurer la culture.
Devant l’ampleur de la polémique, le concert a été annulé.
En ma responsabilité de Président général du Souvenir Français, je tiens à faire connaître notre position qui repose sur trois idées simples.
1- La bataille de Verdun a duré 300 jours et 300 nuits. Le programme commémoratif validé et cofinancé par l’État concerne l’ensemble de cette période du Centenaire. Il appartient au Comité de coordination du Centenaire de connaître et valider chaque initiative.
L’absence de validation est la traduction d’un dysfonctionnement de la Commission.
2- Les combattants coloniaux [3] ont joué un rôle important durant le Première Guerre mondiale. Il est essentiel de rappeler ce rôle mais il est de notre devoir de respecter l’histoire et de ne pas surdimensionner la place des combattants africains dans la Grande Guerre.
Rappelons les chiffres : combattants français mobilisés sur le front entre 1914-1918, 7 740 000 dont 134 000 combattants des pays de l’Afrique occidentale et équatoriale française (1,75%) ; combattants français "Mort pour le France", 1 397 000 dont 30 000 combattants de l’AOF et AEF.
3- Le rap a toute sa place dans la politique mémorielle. C’est une musique française écoutée aujourd’hui par des millions de jeunes mais il appartient aux acteurs des politiques de mémoire d’être d’une grande vigilance. La commémoration est un moment d’histoire partagée où l’émotion est fortement présente. Un groupe de rap dont les chansons seraient susceptibles de déclencher une polémique n’a pas sa place dans une commémoration comme celle-ci.
© Serge Barcellini, président général du Souvenir Français
15 mai 2016
Serge Barcellini, contrôleur général des Armées, a longtemps dirigé la mission Histoire de la Meuse et s’est beaucoup impliqué à ce titre dans les commémorations du Centenaire de la Grande Guerre.
Il a été directeur de cabinet et conseiller spécial de l’actuel secrétaire d’État aux Anciens Combattants Jean-Marc Todeschini.
Le 17 avril 2015, il a été élu à la présidence générale du Souvenir Français, une association fondée en 1887, qui compte 200 000 membres et entretient la mémoire de tous ceux qui sont morts pour la France et l’ont servie.
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© via le secrétariat du Souvenir Français / Hérodote.net
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