Communiqué commun sur la Réforme du Lycée Texte de la Conférence des associations de professeurs spécialistes

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Communiqué de la Conférence des associations de professeurs spécialistes [1] sur la réforme du baccalauréat et du lycée.

Associations signataires : APBG, APHG, APMEP, APLettres, APPEP, APSES, APEMU, APFLA, CNARELA, SAUVER LES LETTRES, SLNL, UBPM et UDPPC.

La mise en place de la réforme au sein des lycées confirme et renforce les craintes que les associations siégeant au sein de la Conférence ont déjà exprimées dans leurs différents communiqués. Le ministère est resté sourd et les méfaits de cette réforme du lycée général et technologique, menée à marche forcée, avec des consultations, mais sans entendre véritablement les arguments des professeurs, et rejetée en octobre dernier par le Conseil Supérieur de l’Éducation, sont d’ores et déjà patents.

Contrairement au but affiché par le ministère, cette réforme n’offrira pas davantage de liberté de choix aux élèves. Alors que les recteurs devaient initialement fixer et dévoiler la carte des enseignements de spécialité en janvier prochain, les établissements sont en ce moment informés de leur « offre » : elle varie d’un lycée à l’autre, selon la dotation de l’établissement et les « ressources humaines » disponibles. Pour suivre la spécialité de leur choix, des élèves seront contraints de se rendre dans un autre lycée, parfois très éloigné de chez eux, ou de suivre un cours par correspondance, quand ils ne renonceront pas purement et simplement à leur vœu au vu des obstacles. La mutualisation des enseignements par « bassins (ou réseaux) d’établissements », logique que nous dénonçons, cache mal le fait que l’égalité des chances et des territoires pâtira gravement de la réforme. Preuve en est l’ouverture de seulement cinq spécialités dans un certain nombre de lycées, alors que la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) avait fixé à sept le nombre plancher des spécialités proposées dans chaque établissement [2]. Cette offre au rabais est incompréhensible et inadmissible pour les élèves à qui l’on distribue des plaquettes de présentation dans lesquelles figurent douze spécialités. Les arrêtés de la réforme promettent donc une offre qui n’est pas financée. La DGESCO organise les coupes claires en imposant un régime sévère aux académies, méprisant les choix des élèves et le travail des professeurs.

Cette réforme transforme le lycée en un marché où les professeurs seront obligés de « vendre » leur discipline auprès des élèves. L’ouverture des enseignements de spécialité dépendant de la « demande », les professeurs sont d’ores et déjà invités par leur chef d’établissement à faire la promotion de leur discipline auprès des élèves de seconde et devront, à partir de l’année prochaine, convaincre les élèves de Première de la conserver en Terminale. Cette mise en concurrence des disciplines ne peut qu’être préjudiciable à la relation pédagogique ainsi qu’aux relations entre les professeurs. Elle compromettra la justesse de l’évaluation.

La mise en place de spécialités partagées, telle qu’elle est actuellement envisagée, crée des enseignements hybrides qui effacent l’identité des disciplines, hormis les langues vivantes. Il est impossible de renvoyer les discussions au niveau local alors qu’un nécessaire cadrage national sur la répartition des heures et des contenus s’impose dans le cas des enseignements pluridisciplinaires.

Cette réforme, dont le Ministre Jean-Michel Blanquer n’a pas caché qu’elle permettra de supprimer 2 600 postes, affectera les conditions de travail des professeurs. Nous craignons qu’elle ne morcelle les services et les emplois du temps, n’augmente le nombre d’élèves par classe et le nombre de classes par professeur, ne renforce les inégalités sociales liées à une « liberté de choix » qui profitera avant tout aux élèves les mieux informés. La charge de travail des professeurs sera considérablement alourdie, et le temps consacré aux élèves considérablement diminué.

À l’inverse de la volonté présidentielle d’une « simplification du baccalauréat », l’introduction du contrôle continu désorganisera les lycées, qui devront mettre en place trois sessions d’épreuves ponctuelles durant le cycle terminal. La notation des professeurs sera soumise aux pressions locales (parents, élèves, hiérarchie).

Contrairement à ce que dit le ministère, la Conférence estime qu’il sera techniquement impossible d’intégrer à ParcoursSup les notes des épreuves de spécialité, passées à la rentrée des vacances de printemps.

La Conférence, enfin, alerte le ministère sur le risque d’un absentéisme massif et généralisé des élèves de terminale au troisième trimestre. Après les épreuves communes du deuxième trimestre, les 12 heures hebdomadaires de cours compteront pour une part insignifiante (1,2 %) de l’examen ; et après les épreuves de spécialité passées au retour des vacances de Pâques, il ne restera aux élèves d’utiles pour le baccalauréat que 4 h hebdomadaires de philosophie et quelques cours de préparation au grand oral.

En outre, la réforme du Lycée professionnel (LP) supprimera des heures de cours dont les lycéens les plus fragiles ont pourtant besoin.

Pour toutes ces raisons, la Conférence demande à être reçue au plus vite par le Ministre, afin que ces réformes du lycée, du baccalauréat, du lycée professionnel puissent être remises à plat, véritablement discutées et que nos avis soient réellement pris en considération.

Associations signataires :

Paris, le 19 décembre 2018.

Contact presse : conferenceassociationsspecialistes@orange.fr

© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 20/12/2018.

Notes

[1La Conférence des associations de professeurs spécialistes, ou conférence des présidents est le regroupement volontaire de la plupart des associations de professeurs en une structure souple de discussion et d’action. La participation des associations est entièrement libre : la plupart des associations en font partie, très rares sont celles qui refusent d’y participer. Il n’y a pas de critère particulier (par exemple numérique) pour en faire partie, et l’égalité des membres va de soi.

C’est donc une instance unique en son genre, qui représente la très large majorité des disciplines, et un lieu rare où dialoguent aussi bien les disciplines techniques et professionnelles que les disciplines dites d’enseignement général, les disciplines littéraires que les disciplines scientifiques, les disciplines enseignées en classes préparatoires que les disciplines enseignées dans le premier et le second degré.

Relativement informelle, ses réunions n’ont pas de périodicité propre : la Conférence se réunit en fonction des besoins de l’actualité et de l’urgence, mais aussi pour traiter des questions de fond, comme la formation continuée.

Elle est un lieu de dialogue, au sein duquel les différentes disciplines peuvent faire entendre leurs voix et parvenir à un accord elle permet aux différentes associations de mieux se comprendre, par exemple en termes de vocabulaire et de notions (ainsi de compétence) qui varient parfois selon les différentes disciplines, et d’aboutir à des constats et des analyses partagées par tous.

Elle est aussi un lieu d’action. Ces discussions débouchent sur des perspectives concrètes, et donnent lieu à des actions concertées ou communes comme le communiqué ci-dessus.

L’APHG est membre de la Conférence. Elle y est représentée par Christine Guimonnet et Nicolas Lemas.

[2Note au B.O. du 6 septembre 2018.