La Conférence des associations de professeurs spécialistes a pris connaissance du projet de réforme du collège et constate : [1]
• que ce projet abandonne aux arbitrages locaux l’organisation de 20 % du volume horaire des enseignants.
• qu’il se solde par la perte d’heures d’enseignement disciplinaire.
• qu’il prévoit la globalisation des enseignements.
• que les langues anciennes cessent d’être enseignées pour elles-mêmes : elles seront désormais intégrées à l’enseignement du français (sous la forme d’« éléments culturels et linguistiques ») et au thème intitulé « langues et cultures de l’Antiquité » dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI).
• que les sections européennes et les classes bi-langues sont vouées à disparaître.
La Conférence désapprouve la précipitation qui préside à la mise en œuvre de cette réforme. Au fur et à mesure que les gouvernements se succèdent, les réformes s’empilent. Plutôt que de déclarer à l’emporte-pièce que le collège suscite « l’ennui, voire la perte du goût pour le travail et l’effort », le ministère se devrait d’établir un bilan objectif et précis des réformes antérieures et de tirer les leçons du présent et du passé.
Ainsi, est-il judicieux d’introduire au collège des heures d’accompagnement personnalisé dans ces conditions quand on sait que, au lycée, elles ne permettent pas de garantir aux élèves un suivi individuel et de les aider à résoudre leurs difficultés, mais servent très souvent de variable d’ajustement de la dotation horaire globale ? Est-il judicieux d’introduire au collège des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires quand on sait que le bilan des Travaux Personnels Encadrés est très mitigé, car aucun temps n’a été aménagé pour que les professeurs puissent se concerter, et que les itinéraires de découverte ont été progressivement abandonnés ?
Par ailleurs, la Conférence des associations de professeurs spécialistes juge ce projet de réforme inquiétant et préjudiciable aux élèves :
• En laissant aux établissements davantage d’initiative dans la détermination des contenus d’enseignement, ce projet rompt le principe d’égalité républicaine. Les enseignements dispensés au collège varieront d’un établissement à l’autre, ce qui accentuera les disparités et creusera les inégalités. Les professeurs seront par ailleurs contraints par des décisions administratives locales, puisque les thèmes des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires seront décidés par les chefs d’établissement.
• Ce projet risque de renforcer la logique « consumériste » qui s’installe de plus en plus dans les établissements scolaires. La « philosophie » de cette nouvelle réforme consiste en effet à substituer à l’articulation raisonnée de savoirs définis dans le cadre de programmes nationaux une « offre » de thèmes déterminés localement, qui pourront varier d’un semestre à l’autre. Mais sous couvert d’introduire de la souplesse dans un système supposé trop « monolithique » et de laisser aux élèves la possibilité de choisir les enseignements qui les intéressent, ne les pousse-t-on pas à passer d’un enseignement à l’autre, sans rien s’approprier, sans rien approfondir ? Par ailleurs, cette « offre » étant variable, qu’est-ce qui garantira aux élèves la continuité des enseignements qu’ils auront choisis ?
• Ce projet remet en question le principe d’un enseignement disciplinaire. Ainsi, rien ne garantit que l’enseignement des langues anciennes sera dispensé par des professeurs spécialistes. Par ailleurs, la globalisation des enseignements ne permettra plus de déterminer de façon précise quelles heures seront attribuées à telle ou telle discipline. Cette indétermination risque d’accentuer la mise en concurrence des disciplines.
La Conférence des associations de professeurs spécialistes juge hypocrite la justification qui est donnée par le ministère à cette réforme. On supprime des options sous prétexte qu’elles renforceraient « les inégalités et la ségrégation ». Telle est la justification qui a été donnée par la DGESCO lors de l’audience qu’elle a accordée à la Conférence en février dernier. Mais ne faudrait-il pas plutôt maintenir les options qui garantissent l’excellence de l’école publique, et faire en sorte que tous les élèves puissent réellement en bénéficier ? La justification avancée par le ministère cache une logique tristement comptable, à savoir la volonté de faire des économies.
La Conférence des associations de professeurs spécialistes tient à souligner qu’elle n’est nullement hostile au principe d’interdisciplinarité. Mais la mise en œuvre d’un enseignement interdisciplinaire suppose deux conditions que la réforme proposée ne garantit pas : premièrement, le maintien des disciplines qui, pour contribuer sérieusement à un enseignement interdisciplinaire, doivent d’abord être reconnues comme telles ; deuxièmement, des moyens alloués à la formation des professeurs et à l’organisation d’un temps de concertation permettant un dialogue entre les disciplines. En tout état de cause, une telle réforme ne peut se faire à moyens constants. Il ne saurait être question d’introduire de l’interdisciplinarité en sacrifiant des heures disciplinaires.
La Conférence des associations des professeurs spécialistes tient à rappeler son attachement indéfectible à :
• un enseignement national, dispensé également à tous les élèves, sur tout le territoire.
• un enseignement disciplinaire qui, seul, permet de dispenser aux élèves des savoirs précis, des méthodes rigoureuses, et un appareillage conceptuel, grâce auxquels ils pourront comprendre le monde.
• un enseignement exigeant des langues, vivantes comme anciennes, qu’on ne saurait réduire à des éléments de communication ou à de vagues connaissances culturelles.
Associations signataires :
1. Associations de professeurs spécialistes :
AFPE (Association Française des Professeurs d’Espagnol)
ANPBSE (Association Nationales des Professeurs de Biotechnologies Santé-Environnement)
APAP (Association Nationale des Professeurs d’Arts Plastiques)
APEG (Association des Professeurs d’Economie-Gestion)
APFLA-CPL (Association des Professeurs de Français et Langues Anciennes en Classes Préparatoires Littéraires)
APHG (Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie)
APLettres (Association des Professeurs de Lettres)
APLV (Association des Professeurs de Langues Vivantes)
APPEP (Association des Professeurs de Philosophie de l’Enseignement Public)
APSMS (Association des Professeurs de Sciences Médico-Sociales)
APV (Associations des Professeurs de Vente et disciplines associées)
CNARELA (Coordination Nationale des Associations Régionales des Enseignants de Langues Anciennes)
SLNL (Société des Langues Néo-Latines)
UPBM (Union des Professeurs de Physiologie, Biochimie et Microbiologie)
2. Autres associations :
APABAA (Association des Professeurs Agrégés et Bi-Admissibles à l’Agrégation)
SDAU (Société des Agrégés de l’Université)
Paris, le 15 avril 2015.
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