Compte rendu de la Commission des Lycées (mai 2017) Paris-Sorbonne, samedi 20 mai 2017 / LGT et LP

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Après une passation de pouvoir entre notre ancien président François DA ROCHA CARNEIRO et notre nouveau président Emmanuel MATHIOT (on ne pouvait pas mieux s’inscrire dans le contexte présidentiel), la commission a entrepris un bilan de l’enseignement de l’Histoire-Géographie depuis les réformes Chatel, afin d’être force de proposition à l’occasion du changement de majorité présidentielle.

I – UNE TENTATIVE DE BILAN

Classe de seconde

L’autonomie toujours plus poussée de nos établissements amène des situations très différentes et de plus en plus différenciées.

Du point de vue des horaires, toutes les classes disposent de 3 heures d’histoire-géographie mais l’utilisation du volant d’heures à discrétion des établissements entraîne pour certains cas une heure dédoublée, alors que pour d’autres les classes sont constamment en classe entière.

Tous les collègues remarquent l’augmentation du nombre d’élèves pour atteindre des chiffres de 35, 36, voire 37 élèves. Sachant que le niveau est de plus en plus hétérogène, les difficultés des élèves les plus faibles s’accentuent et deviennent rédhibitoires : certains parlant de la classe de Seconde évoquent « une boucherie » (Vincent SCHWEITZER, Lorraine). Pascale COUMAU (Paris) ajoute que depuis deux ans la mise au travail des élèves est de plus en plus difficile. Certains semblent avoir totalement perdu toute habitude de travail au collège. Cécile DELFOLGE (Picardie) remarque que demander des devoirs revient aujourd’hui à demander l’impossible. L’A.P. qui est censé remédier à ce type de problèmes s’organise de manière très différente d’un établissement à l’autre : de 35 élèves à 15 élèves avec des buts très différents : remédiation, disciplinaire avec ses élèves, avec d’autres.

Les programmes sont, quant à eux, difficiles à boucler (Cécile DELFORGE, Picardie), on sacrifie la fin, le XIXe siècle en histoire notamment. Tout le monde est d’accord pour dire que la meilleure évolution serait de supprimer le thème introductif d’histoire qui n’est pas assez concret. Un débats’engage aussi sur le chapitre concernant la citoyenneté romaine. Pour Daniel MICOLON (Aix-Marseille), c’est trop compliqué, il faudrait se concentrer sur la romanisation, Pascale COUMAU (Paris) pense de son côté que la citoyenneté c’est le sommet de la romanisation et que donc le chapitre se tient bien.

Franck DORY (Languedoc Roussillon), s’interroge sur l’idéologie du programme d’histoire-géographie. Marc CHARBONNIER (Paris) regrette le thème sur la Méditerranée qui permettait d’aborder une histoire interconnectée et de sortir d’une histoire européano-centrée. Odile DAUPHIN (Paris) ajoute qu’il faut ouvrir à d’autres mondes. Loïc VERKARRE (Reims) précise qu’il y a encore bien des ouvertures aux autres mondes dans le programme actuel et qu’il peut-être bon que les élèves connaissant leur monde avant celui des autres.

Daniel MICOLON (Aix-Marseille) pense de son côté que l’enseignement du fait religieux va revenir et qu’il n’est pas assez présent aujourd’hui par exemple pour ce qui est des guerres de religions.

En géographie, la présence du développement durable, dès le thème introductif et dans chaque chapitre entraîne une lassitude des élèves qui l’étudient depuis le collège et dans les autres disciplines (Marc CHARBONNIER, Paris et Anton MANRUBIA, Toulouse).

Les difficultés se poursuivent et s’accentuent en classe de première avec les passages automatiques qui accentuent la démotivation des élèves pour le travail (Brice BOUSSARI, Créteil).

Classe de première

Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut remettre de la chronologie et réaménager en remettant le programme « à l’endroit ». Odile DAUPHIN (Paris) note que ces programmes ont supprimé tout lien entre le politique, l’économique et le social.

Marc CHARBONNIER rappelle que c’est une proposition ancienne de l’association et que déjà en 2013, la DEGESCO a refusé ce réaménagement. Hubert TISON précise que l’on nous oppose la difficulté à mettre d’accord les dizaines de membres du conseil supérieur de l’enseignement (CSE). La solution ne peut alors venir que d’une décision politique. D’où la nécessité d’être reçu par le ministre, l’APHG va le demander et espère l’être au mois de juin.

En géographie, le programme semble trop lourd à beaucoup. Mais il semble surtout se gargariser de concepts, c’est une géographie désincarnée. Vincent SCHWEITZER (Lorraine) revient sur le rôle de Michel LUSSAULT et précise que l’on ne peut pas faire de géographie sans territoire. Daniel MICOLON (Aix-Marseille) remarque qu’une partie de la géographie est maintenant confiée aux professeurs de SVT. Marc CHARBONNIER (Paris) s’inquiète de l’avenir de l’enseignement de la géographie dans la mesure où les géographes du supérieur ne s’investissent plus systématiquement dans la préparation des enseignants, même s’il nuance en rappelant qu’une minorité agit pour un retour dans celle-ci (tribune rédigée par notamment par Yann CALBERAC). [1]

Classe de terminale

Les programmes apparaissent impossibles à faire au regard du volume horaire en classe de S. En revanche, ils sont faisables en ES et L mais trop conceptuels. En histoire, Anton MANRUBIA (Toulouse) remarque que l’absence de repères chronologiques en première ne permet pas une bonne compréhension de l’approche thématique en terminale. En géographie, le centrage constant sur la mondialisation entraîne de nombreuses redites. L’APHG demande depuis longtemps des aménagements notamment pour ce qui concerne les études de cas sur Mumbai et le Sahara.

Le Bac

Il est devenu une épreuve de restitution (Loïc VERKARRE, Reims) lorsque l’étude de document n’est pas proposée. Il faut revoir la forme de l’épreuve et envisager en géographie quelque chose de plus réflexif. En ce cas, il faut augmenter le temps d’épreuve en TS, trop courte et ne permettant pas un vrai temps pour l’analyse et la rédaction. L’APHG demande, en outre, et ce depuis longtemps, le choix entre deux sujets en épreuve mineure.

Le Bac est le seul sujet sur lequel le nouveau Président de la République s’est prononcé. Il propose la limitation à 4 épreuves terminales, le reste serait évalué en contrôle continu. L’APHG revendique le maintien de l’histoire-géographie en épreuve terminale dans toutes les filières. Nos matières au regard de leur utilité civique doivent y être maintenues.

Hubert TISON est optimiste sur ce point arguant de la difficulté pour le pouvoir de « sacrifier » des matières si importantes pour la République. Vincent MAGNE (Reims) et les membres de la commission LP nous rejoignent entièrement sur ce point. Marc CHARBONNIER (Paris) propose l’adoption d’une motion adressée au comité national. Pour conclure, Vincent SCHWEITZER note qu’il faut faire une vraie évaluation de la réforme du lycée alors que le CSP est de plus en plus critiqué et pourrait perdre ses prérogatives au profit de l’inspection générale.

II – QUELQUES RÉFLEXIONS AUTOUR DES NOUVELLES PRATIQUES PÉDAGOGIQUES

Les membres de la commission remarquent que l’innovation permanente devient le centre de la pédagogie. Îlots (Cécile DELFORGE, Picardie), tâches complexes (Daniel MICOLON, Aix-Marseille), classes inversées (Cécile DELFORGE), ilots bonifiés (Séverine TAMBERI), élèves construisant l’ensemble du cours, nous devenons des « facilitateurs de tâches » alors que nous sommes des enseignants ! Parfois les élèves ne savent plus nous écouter, ne supportent plus de ne pas être mis en groupe ou devant un ordinateur. Pascale COUMAU (Paris) remarque que notre rôle est de structurer le travail de l’élève alors que tout est déstructuré. Certaines méthodes sont, en outre, à l’origine d’inégalités entre les élèves ayant accès à la culture à la maison, au matériel informatique et les autres, entre ceux qui trouvent le bon groupe et les autres.

Tous les enseignants sont conscients qu’il faut avant tout varier les méthodes pour éviter le décrochage. Le travail de groupe doit être une « respiration » (Odile DAUPHIN, Paris). L’APHG réaffirme son attachement à la liberté pédagogique des enseignants.

Plus globalement, on développe une école pour les meilleurs où le savoir restera présent et une école pour les autres ou l’on prétend innover mais on ne cherche qu’à distraire (Vincent SCHWEITZER, Lorraine). Anton MANRUBIA (Toulouse) fait remarquer que certains inspecteurs reprochent des cours trop fournis en connaissances… on n’apprend plus qu’à apprendre.

Texte de la motion : « Attachée aux valeurs de la République et au principe d’égalité des territoires, la commission des lycées de l’APHG, qui souligne les finalités civiques, intellectuelles et culturelles de l’enseignement de l’Histoire-Géographie, souhaite affirmer sa volonté de maintenir les épreuves terminales du Baccalauréat dans toutes les séries générales, technologiques et professionnelles. »

Séverine TAMBERI et Loïc VERKARRE, représentants lycée de la Régionale Champagne-Ardenne.

© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 06/07/2017.

Notes

[1"Alerte sur le Capes d’Histoire-Géographie", 30 août 2016, site de l’APHG, en ligne