Le président de la commission débute la réunion en précisant que plusieurs membres de la commission sont excusés pour des questions de grèves dans les transports ou de calendrier de fin d’année très chargé. Les échanges ont porté sur trois points principaux.
I– Compte-rendu des consultations avec le ministère depuis février 2018
Deux remarques préliminaires : la concertation est devenue la règle, et c’est une nouveauté, sauf pour l’enseignement professionnel totalement écarté ; nous avons obtenu des avancées importantes mais d’autres points restent encore inquiétants.
Une délégation de l’APHG (Hubert Tison, Christine Guimonnet, Marc Charbonnier et Emmanuel Mathiot) a été reçue le 8 février par Mme Bourhis, conseillère vie scolaire du ministre. Nous avons réaffirmé notre opposition à l’annualisation des horaires, à travers la semestrialisation proposée par le rapport Mathiot, et notre volonté d’obtenir un horaire décent de 3 h dans le tronc commun en HG de la seconde à la terminale. Ces deux points ont été repris par le ministre dans sa présentation de la réforme le 14 février. Par contre, nos inquiétudes demeurent quant à la mise en place d’épreuves de contrôle continu dès la classe de première et à l’organisation d’une épreuve orale finale.
Le 9 mars, une rencontre a eu lieu avec la présidente du Conseil Supérieur des Programmes, Mme Ayada, et d’autres participants. Nous avons présenté notre analyse des programmes et des épreuves actuelles. Une « note d’analyse et de propositions », publiée début mai par le C.S.P. et disponible en ligne, reprend plusieurs de nos constats :
- encyclopédisme, programmes actuels intéressants mais trop chargés, difficultés avec certaines questions (ex : socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne...) ;
- en histoire, la priorité donnée parfois à l’approche thématique au détriment de la chronologie ne facilite pas l’apprentissage de repères fondamentaux (ex : tout particulièrement en classe de 1ère...) ;
- en géographie, un enseignement parfois trop conceptuel, pas assez ancré dans les territoires et qui néglige trop souvent la dimension physique de cette discipline ;
- les spécificités des épreuves d’HG (composition, analyse d’un ou deux documents et croquis en géographie) seront maintenues tout en améliorant certains points ;
Plusieurs membres de la commission interviennent alors pour évoquer l’actuelle épreuve de composition, qui est surtout une question de cours, et qui pourrait gagner à être davantage un exercice d’argumentation, tout en veillant à ne pas rendre l’exercice plus difficile. D’autres évoquent les limites actuelles de l’épreuve du croquis (simple restitution par cœur...) tout en réaffirmant leur attachement à un exercice cartographique. Plusieurs pistes alternatives sont évoquées : réalisation d’un croquis à partir de plusieurs cartes ou d’autres documents (statistiques, textes...), ou réalisation d’un commentaire de croquis...
Par contre, l’APHG n’a pas été entendue, lors de l’audition au C.S.P., à propos de l’enseignement de spécialité HG Géopolitique Sciences Politiques (voir II).
Une délégation de l’APHG conduite par le Président Franck Collard a été reçue par le Doyen François Louveaux, à l’Inspection Générale, le 26 mars. L’échange a montré certaines convergences à propos de :
- la volonté d’introduire plus de souplesse dans les futurs programmes : développer les questions au choix et ne plus imposer autant d’études de cas en géographie ;
- notre volonté de ne pas bouleverser entièrement les programmes actuels mais de limiter leur encyclopédisme (ex : ne pas transformer totalement le programme de seconde mais surtout le rendre moins dense...) ;
Par contre, nous ne sommes pas d’accord sur certains points de l’organisation actuelle des concours de recrutement.
II– Nos préoccupations et nos exigences à propos de certains points de la réforme
La mise en œuvre du contrôle continu a été le point le plus débattu. La commission regrette la disparition des épreuves écrites nationales anonymes d’HG ce qui constitue une rupture avec les réformes précédentes, un changement de philosophie. Plusieurs membres sont préoccupés par la mise en œuvre d’épreuves écrites de contrôle continu dès la classe de première car les modalités sont encore assez floues et les risques de dérives nombreux :
- lourdeur d’organisation des épreuves dans les établissements (2 épreuves en 1ère ; une en terminale...) : risque d’un bachotage généralisé dès la 1ère ; limitation de notre liberté pédagogique avec l’obligation de progressions communes dès la 1ère...
- le calendrier des épreuves pose aussi problème : risques de renforcement de l’absentéisme des élèves après les épreuves du tronc commun...? Comment y remédier ?
- plus inquiétant, tous les collègues soulignent leur crainte d’une pression accrue, de toute part, à l’encontre des enseignants : parents, administration, élèves...
- enfin, les risques de renforcement des inégalités entre les établissements par, notamment des différences de notation, sont aussi soulevés. Y aura-t-il des commissions d’harmonisation entre les établissements comme dans les épreuves actuelles ?
Pour l’instant, le dernier rapport du C.S.P. parle seulement de copies anonymisées, corrigées par des professeurs n’ayant pas les élèves et d’une banque nationale de sujets suffisamment large pour éviter le bachotage des différents sujets proposés.
La mise en œuvre d’une nouvelle épreuve orale terminale pose plusieurs interrogations. Même si l’épreuve ne s’appelle plus « Grand oral » et ne dure plus 30 minutes, suite aux différentes concertations avec le ministère, la commission des lycées de l’APHG s’inquiète encore à propos de plusieurs risques de dérives et dénonce le flou du dernier rapport du C.S.P. dans sa mise en œuvre. Il est seulement indiqué que « l’oral devra s’appuyer sur les connaissances et compétences liées aux deux enseignements de spécialité ». Nos inquiétudes portent sur :
- la préparation de cette épreuve orale finale : même si l’oral se prépare dans toutes les disciplines, aurons-nous la possibilité d’y préparer nos élèves, durant les enseignements de spécialité, avec des groupes à effectifs réduits ou à 35 élèves ?
- l’épreuve sera-t-elle finalement un TPE bis avec toutes les dérives que l’on connaît aux actuels TPE ;
- la composition du jury : nous ne souhaitons pas trois personnes (dont une extérieure à l’établissement) comme l’évoquait le ministre, mais plutôt un jury de deux professeurs n’ayant pas les élèves durant l’année.
L’enseignement de spécialité « HG Géopolitique Sciences Politiques » pose aussi de multiples questions. Si l’APHG se félicite de la création de cet enseignement de spécialité attractif et ouvert, elle s’inquiète de son partage avec une autre discipline. La question du partage de cet enseignement avec les S.E.S. fait débat. Le rapport du C.S.P. précise toutefois que cet enseignement devra être partagé (ce que regrettent certains collègues mais que d’autres comprennent). C’est d’ailleurs aussi le cas pour l’enseignement « Humanités, littérature et philosophie » qui devra être partagé entre les littéraires et les philosophes (mais pas avec les historiens géographes...). Pour l’HGGSP le rapport propose deux scénarios : le scénario A, avec 75% de l’horaire aux historiens géographes, et le scénario B, 50/50 avec les politistes. La commission des lycées dénonce plusieurs points :
- le partage de cet enseignement, avec plusieurs « scénarios » horaires, est une mauvaise idée : la concurrence entre matières, au niveau de chaque établissement, sera renforcée et peut être évitée par un cadrage national unique à propos des horaires ;
- le contenu de cet enseignement de spécialité reste très vague (notions transversales,
- « objets d’études communs »...) : oui à la complémentarité entre HGG et SP mais non à la confusion entre des disciplines qui doivent garder leurs spécificités et dont les approches sont souvent différentes ; une dominante HG Géopolitique s’impose ;
- l’évaluation de cet enseignement de spécialité : nous réclamons des sujets et des correcteurs différents pour les épreuves écrites finales de terminale et dénonçons le flou actuel du rapport du C.S.P. ;
- cet enseignement de spécialité ne sera-t-il pas aussi porteur de nouvelles inégalités entre les établissements, entre les territoires : y aura-t-il au moins une ouverture de la spécialité HGGSP dans tous les établissements, y compris de petite taille, à partir de quels seuils...?
Cet enseignement de spécialité est un plus pour nos disciplines, avec des gains horaires par rapport au Bac actuel, mais à condition que le ministère opte pour des clarifications quant aux contenus et aux épreuves, qui doivent reposer sur des exigences disciplinaires. La spécialité « Arts » est l’autre spécialité où des historiens de l’art pourront intervenir et, nous l’espérons, des enseignants ayant aussi la certification « patrimoine ». Cette réforme peut renforcer nos disciplines à condition, notamment, de :
- ne pas se traduire par un renforcement des inégalités entre les établissements et les élèves ;
- ne pas entraîner une nouvelle dégradation des conditions de travail des professeurs et des élèves par un bachotage accru dès la classe de 1ère.
III– Synthèse rapide des premières propositions envoyées au CSP
Suite à l’audience avec le C.S.P. le 9 mars dernier, à l’initiative de la commission des Lycées, l’APHG a lancé une grande enquête nationale en ligne auprès de nos adhérents ou sympathisants. Celle-ci porte sur les nouveaux programmes et les épreuves d’HG. Le contenu des premières propositions envoyées au C.S.P. fin mars, élaborées à partir des précédents travaux de la commission et des premiers résultats de l’enquête, est alors abordé.
- Concernant le tronc commun, avec 3 heures dans les 3 niveaux, dans les grandes lignes (voir les propositions détaillées dans les derniers rapports de la commission) :
- en seconde, maintien de l’architecture générale du programme avec néanmoins des
- « allègements » par rapport au programme actuel dans les deux disciplines (ex : finir en 1815 plutôt qu’en 1848 en histoire ; supprimer les chapitres introductifs...) ;
- en première, refonte globale du programme d’histoire, du début du XIXème siècle jusqu’en 1945. La question de la place de la seconde guerre mondiale a été débattu. En géographie, maintien de l’approche multiscalaire (régions, France, Europe) mais avec un ancrage plus grand dans les territoires et des thématiques plus « attractives » ;
- en terminale, refonte globale du programme d’histoire, de 1945 à nos jours, avec, par exemple, une réintroduction de la guerre froide, grille de lecture et de compréhension du monde contemporain. Une nouvelle approche de la mondialisation est proposée avec de nouveaux éclairages à propos des aires continentales (Afrique, Amérique, Asie...) en géographie.
A propos des épreuves d’HG, nous avons proposé le maintien des spécificités des épreuves d’HG actuelles tout en proposant certaines améliorations (déjà évoquées dans le I). Nous souhaitons le maintien d’épreuves de restitution et d’analyse avec une parité entre l’histoire et la géographie. Concernant les épreuves écrites de l’enseignement de spécialité une large majorité se dessine dans l’enquête en faveur d’épreuves identiques (composition, analyse d’un ou deux documents, croquis) mais avec une adaptation des exigences plutôt que des épreuves différentes.
Nos premières propositions concernant l’enseignement de spécialité « HG Géopolitique Sciences Politiques » sont encore assez générales :
- cet enseignement est à concevoir à la fois dans une esprit d’approfondissement du tronc commun mais aussi de découverte de nouvelles questions, de nouvelles approches ( ex : une initiation à l’épistémologie, aux démarches de l’historien et du géographe est proposée en Tle ) ;
- nous proposons de combiner les approches historiques, géographiques et géopolitiques (ex : géopolitique de l’Union européenne en première) ;
- nos propositions s’inscrivent dans un esprit d’ouverture, avec des questions au choix, et en histoire, parfois transversales ou pas uniquement en période contemporaine, notamment en première (ex : les esclavages depuis l’Antiquité...) ;
L’APHG compte poursuivre la concertation avec le ministère pour obtenir de nouvelles avancées ou clarifications notamment à propos de cet enseignement de spécialité. La commission des lycées a vocation à être une force de propositions, en s’appuyant notamment sur les résultats de l’enquête nationale, et réclame une participation active dans la préparation des programmes d’HG auprès du C.S.P.
Emmanuel MATHIOT, président de la commission nationale des Lycées de l’APHG. Paris, le 9 juin 2018.
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