Le championnat d’Europe est évidemment un festival du football. On peut aimer, on peut détester, on peut chercher à comprendre. C’est ce qu’ont essayé de faire acteurs du football, sociologues et historiens pendant deux jours autour du métier d’entraîneur. [2] Mené par un trio de jeunes chercheurs talentueux, Jean Bréhon, Hugo Juskowiak et Loïc Sallé, un colloque organisé par l’université d’Artois s’est réuni à Liévin, à quelques kilomètres de Lens. [3] Là se vivait un match entre l’équipe de Tchéquie (eh oui, depuis avril dernier, tel est le nom officiel du pays de Vaclav Havel) et celle de Turquie, là se rencontraient des spécialistes du sport qui avaient fait du football le cœur de leurs investigations.
Le monde de la recherche est fait de rencontres précieuses. Echanger sur les responsabilités de Georges Boulogne dans les trajectoires professionnelles de sportifs du siècle dernier et sur d’autres pages de balle au pied avec Alfred Wahl, le père fondateur de l’histoire du football en France, est une chance inestimable pour tout historien de ce sport. Entendre Jean-Paul Barrière et Hyacinthe Ravet évoquer l’histoire de la formation des notaires ou l’exercice du métier de chef d’orchestre ouvre de riches perspectives de réflexion à qui réfléchit à la profession d’entraîneur. Suivre les pérégrinations de Frédéric Hantz ou de Jean-Marc Furlan, saisir la politique fédérale à travers les présentations du Directeur Technique National, François Blaquart, permet à la fois d’approcher la réalité du métier et de saisir les transformations profondes en cours. Profiter des observations et des intuitions de Patrick Mignon ou de Loïc Ravenel place la chose dans un contexte de vie et de lieu.
Un superbe colloque et deux partages de moments de football en direct. Le premier est ce que les participants purent voir de la diffusion de la rencontre entre l’Espagne et la Croatie. Peu nombreux étaient ceux qui prédisaient la victoire balkanique. Même au milieu de mondanités des plus conviviales et d’échanges intellectuels des plus profonds, un œil traînait sur l’écran et la passion ne tardait pas à s’exprimer à la moindre action dangereuse, pour une équipe comme pour une autre.
Le second temps est celui de la sortie de colloque. Entre Lens et Lille, alors qu’approchait un match entre l’équipe d’Italie et celle d’Irlande, une étrange caravane verte apparait au pied des terrils (voir ci-dessous).
Le véhicule cabossé est d’un autre temps, un temps oublié, celui de Michel Delpech et d’autoradios à cassettes. Peint de la couleur irlandaise, on y distingue quelques phrases chocs qui sont autant de marqueurs civilisationnels. Il faut oser rêver, rêver qu’une équipe réputée « petite » puisse faire un parcours honorable dans une compétition tendue. Il faut entonner, avec les supporters de Manchester United, un chant à la gloire de George Best, génie irlandais au mode de vie assez éloigné du rythme habituellement exigé des sportifs de haut-niveau. Il faut espérer avec le peuple vert que Will Giggs soit le digne héritier du glorieux prédécesseur. Il faut se réjouir de la qualité de chant des Irlandais de l’Ulster, cette Irlande du Nord restée dans le giron du Royaume-Uni par le Government of Ireland Act et qui commémore le centenaire des Pâques Sanglantes… Pâques 1916, le monde était alors en guerre et on se battait dans la région, comme le rappelle le tissu posé sur la vitre de la caravane, pendant que les femmes de Lille étaient déportées par l’occupant. En se rappelant à l’historien, le football montre toujours… un peu de l’histoire !
A suivre...
© François da Rocha Carneiro - Tous droits réservés. 24 juin 2016.
Voir en ligne :
- Episode 1, En route vers l’Euro...
- Episode 2, De quelques temps avant le match
- Episode 3, D’un canotier
- Episode 4, Des fantômes de rouge vêtus
- Episode 5, De l’encombrement des mémoires
- Episode 6, Des cartes Vidal de La Blache
- Episode 7, Du choix des focales
- Episode 8, De l’art du gazon
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