Il propose à des élèves de 3e de répondre notamment à la consigne suivante à partir de documents (nous citons in extenso) : "Nous sommes le 24 novembre 1942, la bataille de Stalingrad fait rage. Vous êtes employé au ministère du Reich à l’éducation au peuple et à la propagande. Le Führer, en colère, vient de commander à Joseph Goebbels un discours à faire entendre aux troupes, sur le front, afin de les galvaniser. Le ministre de la propagande vous demande d’élaborer ce discours en insistant sur les enjeux idéologiques et territoriaux de cette bataille pour l’Allemagne national-socialiste. Le messager chargé de faire parvenir le discours sur le font sera prêt dans 1 h 30, vous n’avez que ce temps là pour répondre aux volontés du führer et du ministre".
Les réactions face à cet exercice ont été extrêmement vives, notamment sur les réseaux sociaux, dans la presse nationale et par des courriers directement adressés au Rectorat. La polémique des 22 et 23 juillet porte en particulier sur le caractère pédagogique d’une telle consigne au regard des valeurs de l’école de la République. Le Rectorat de l’académie de Bordeaux a retiré le document en question de son site internet, dès le 22 juillet, en fin de matinée.
Le travail présenté et publié en ligne depuis 2014 relève d’une forme pédagogique spécifique (la tâche complexe) et bien des commentaires lus ces deux derniers jours ignorent ce qu’il en est précisément. Il s’agit d’un travail en autonomie des élèves, accompagné par le professeur, le plus souvent en groupe et avec une consigne scénarisée. Pour les enseignants qui pratiquent cette forme d’exercice, le sujet propose ainsi une mise en perspective du contexte, privilégie la confrontation avec des sources historiques (à partir d’un dossier documentaire en appui ou de ressources en ligne) et permet une pédagogie différenciée selon le niveau de chacun. Cette situation d’apprentissage s’inscrit dans la variété des outils à disposition des professeurs, elle n’est pas la seule et ne peut être aisément systématisée comme l’illustre la très grande maladresse de la formulation ci-dessus, qui constitue incontestablement une dérive inadmissible dans la mise en situation proposée à des élèves de 3ème.
Pour l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie, ce débat appelle plusieurs remarques, à approfondir collectivement :
- Attachée depuis sa fondation à la liberté pédagogique de tous les enseignants, l’APHG défend également une formation initiale et continue de qualité, parfois sacrifiée, notamment sur les enjeux, trop souvent méconnus, de l’enseignement de la Seconde Guerre mondiale. Notre association y contribue avec d’autres, par exemple à travers sa revue Historiens & Géographes [1] et l’organisation de Journées d’étude (voir le dernier éditorial de Bruno Benoit : https://www.historiens-et-geographes.fr/la-revue/no-434-avril-mai-2016/article/editorial-l-aphg-debout).
- L’APHG souhaite également que les questions pédagogiques en Histoire en particulier, ne soient pas systématiquement instrumentalisées au profit de polémiques et d’un emballement médiatique qui affaiblissent le rôle du professeur d’Histoire-Géographie. Seul un enseignement disciplinaire rigoureux permet de dispenser aux élèves des savoirs précis, des méthodes sérieuses et un appareillage conceptuel, grâce auxquels ils pourront comprendre le monde. C’est donc d’une vraie liberté pédagogique (et non de fiches "prêt-à-penser" parfois rédigées à la hâte) dont les collègues ont besoin, pour adapter leurs méthodes d’enseignement en fonction du contexte dans lequel ils évoluent au quotidien.
- Au-delà de la polémique, c’est toute la question des situations d’apprentissage qui doit se poser à la profession. Il faut réaffirmer l’interdépendance compétences / connaissances de nos disciplines. N’en déplaise, l’acquisition d’un véritable savoir-faire pour tous en Histoire-Géographie (qui suppose une prise de distance avec les faits et leurs acteurs) passe en effet par l’apprentissage de savoirs qui leur sont particuliers ; dire cela ce n’est pas renoncer à une autre forme de pédagogie pour cacher un supposé immobilisme, c’est simplement rappeler que la pédagogie est un moyen et non une fin. La tâche complexe, comme d’autres situations d’apprentissage est un outil pédagogique qui peut être appréciable s’il est bien pensé, fondé sur la construction par l’échange et la production commune. Cette pédagogie ne saurait être uniformément identique pour tous les élèves dans tous les établissements, et si elle passe par l’acceptation de l’effort face au travail, c’est que c’est au professeur qu’il revient de faire la part des choses entre le ludique et le rébarbatif.
L’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) réaffirme son engagement pour une pédagogie différenciée mais démocratique dispensée avec passion par des maîtres de raison. [2]
Le Bureau national de l’APHG. Le 22 juillet 2016.
© Les services de la Rédaction de l’APHG et d’Historiens & Géographes. 23 juillet 2016. Tous droits réservés.