Des enseignants privés de formation continue Tribune de l’APHG

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La réforme du collège commence par priver les enseignants de formation continue

La communication du ministère de I’Education nationale a beau forger des « éléments de langage » pour faire croire que la réforme du collège prévue à la rentrée 2016 rencontre l’adhésion des professeurs, hormis quelques grincheux tournant le dos au progrès et voulant le malheur des « enfants » (le mot « élèves » est trop connoté « vieille école »), l’hostilité au dispositif et à son processus d’application demeure profonde. Elle vient de trouver de quoi s’alimenter avec un très mauvais et inquiétant coup porté à la formation continue des enseignants du secondaire dans leurs disciplines.

L’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) y joue depuis longtemps un rôle majeur en organisant année après année, dans les académies, des rencontres scientifiques appelées forums. Y viennent à leurs frais et en partie sur leur temps libre des professeurs à qui ces journées donnent l’occasion de se retrouver et de se stimuler en effectuant, au contact d’universitaires et de spécialistes de haut niveau, la nécessaire actualisation de leurs savoirs sur les questions qu’ils ont à enseigner. L’APHG assure ainsi en moyenne chaque année environ 80 formations réunissant à travers la France plus de 1 500 enseignants d’Histoire et de Géographie. Elle joue là un rôle capital que peinent parfois à remplir les ESPE dont c’est pourtant l’une des missions.

Les conditions dans lesquelles cette action de formation est menée se détériorent régulièrement depuis des années à cause des tracasseries de l’administration. La relégation, par ceux qui pensent le système scolaire français, des compétences disciplinaires derrière d’autres priorités est un autre facteur de détérioration, et des plus préoccupants. Le processus a trouvé une première expression dans la réforme du Capes, aujourd’hui constitué aux trois-quarts d’épreuves didactiques. Il vient de se manifester dans la réforme du collège qui réduit encore les horaires déjà bien maigres alloués aux disciplines au prétexte de la mise en place des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) réplique, à un niveau inapproprié, des TPE de lycée au bilan contrasté.

La réforme du collège a été brutalement imposée, au mépris de toute prise en compte de l’expérience du terrain et en dépit des remontées très négatives venant des établissements qui l’ont déjà expérimentée. Elle vient de faire un premier dégât rien moins que collatéral avant même son entrée en vigueur dès la rentrée 2016, décrétée, contre toute raison et tout bon sens. Conformément à la logique anti-disciplinaire qui l’inspire et la structure, elle prive en effet pour cette année les professeurs de collège qui s’y étaient inscrits avant l’été des stages de formation continue mis en place par l’APHG et d’autres associations homologues. Les instances rectorales ont opposé un refus systématique aux demandes des enseignants au motif de la priorité absolue à donner, dans les plans académiques de formation, aux stages laborieusement mis en place par l’Institution, pour former les personnels à la réforme.

« Forcez-les à entrer », la fameuse formule de saint Augustin, voilà le mot d’ordre de la Directrice générale de l’Enseignement scolaire qui parcourt le pays depuis des semaines pour marteler « l’éducabilité » des éducateurs tout en affichant un parfait déni devant l’immense malaise des enseignants. Gare aux récalcitrants, ils seront signalés à l’attention des autorités, ainsi que la récente affaire de l’académie de Toulouse vient de le révéler. La seule discipline qui vaille aux yeux des actuel-le-s responsables de l’Education nationale est celle de la menace et de la caporalisation. Rarement réforme a été moins « participative ».

L’APHG a donc vu juste en n’adhérant pas à une réforme qui va encore aggraver le « manque à apprendre » des élèves et accentuer le mal-être des professeurs. La mesure prise dans les académies en est une première conséquence tout à fait cohérente avec son plan d’ensemble et sa philosophie. L’association dénonce vigoureusement l’atteinte portée au droit à la formation continue disciplinaire des professeurs de collège, atteinte qui plus est discriminante puisque les enseignants de lycée ne sont pas (encore) concernés. Insupportable est le mépris qu’une fois de plus l’Institution manifeste à l’encontre de collègues brutalement déboutés de leur demande, et à l’endroit des associations disciplinaires obligées de revoir tous les dispositifs d’action auxquels elles consacrent bénévolement de la peine et du temps.

L’APHG ne laissera pas détruire ainsi la formation continue disciplinaire qui constitue une de ses missions essentielles et concourt à la qualité des enseignants. Elle réclame d’abord avec force son rétablissement, dès l’an prochain, en histoire, en géographie et dans tous les autres domaines d’enseignement. Elle demande aussi instamment aux ESPE d’établir avec les associations disciplinaires, dans chaque académie, un partenariat confiant et constructif et exige la pleine reconnaissance de ces associations comme acteurs indispensables de l’indispensable réforme du système. Ce n’est pas en coupant l’appétit intellectuel des professeurs par des décisions coercitives et du gavage imposé qu’on leur rendra foi en leur métier ni confiance en leur ministère.

Le Président Bruno BENOIT et le Bureau national de l’APHG, le collectif de réflexion et d’action}

Formation APHG organisée le 22/01/2015 au Musée des Confluences de Lyon, en partenariat avec l’Académie de Lyon, l’Université Jean Moulin - Lyon 3 et Canopé.

Le Secrétariat général de l’APHG - Tous droits réservés. 16/10/2015.