Du mensonge technocratique (épisode 15 & dernier) Chronique de l’Euro

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La Rédaction du site internet de l’APHG et d’Historiens & Géographes publie en plusieurs parties une tribune libre sur l’Euro de Football dont la 15e édition se déroule en France, du 10 juin au 10 juillet 2016... Merci d’avoir été si nombreux à nous suivre tout au long de ces 14 épisodes ! Aujourd’hui, le dernier volet de la série (épisode 15)...
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Par François da Rocha Carneiro [1]

Voilà, c’est fini ! L’équipe de France n’a pas réussi à emporter le championnat d’Europe organisé chez elle et a été vaincue en finale par l’équipe du Portugal. Cela laisse un goût amer de constater que les vainqueurs sont ceux qui ont montré le jeu le plus désagréable, le moins attrayant, le moins spectaculaire pendant toute la compétition, la confrontation contre la Hongrie mise à part. Cette équipe a mal joué, mais elle a bien joué. En effet, alors même que le spectacle qu’elle livrait était de la plus médiocre qualité, avec un étonnant mélange de lenteur, d’apathie et d’antijeu, le football des Portugais se révélait d’une redoutable efficacité. Endormis, comme englués et étouffés, les équipes adverses ne parvinrent pas, match après match, à mettre en place leur propre système de jeu, laissant finalement aux Portugais les avantages de cette anesthésie. Sans se montrer, ils plaçaient leurs pions jusqu’à prendre le pouvoir face à des adversaires diminués et épuisés. Un peu comme si un ancien Premier ministre avait pu endormir son monde en devenant un Président de la Commission Européenne sans charisme avant de se placer au sein d’une grande banque américaine. Ni vu, ni connu. Un peu comme un triste sire dont le nom est Personne et derrière qui se cacherait, sous de multiples hétéronymes, un des plus grands écrivains de tous les temps. Celui-là même qui, dans Le livre de l’intranquillité, écrit : « Seul sait vaincre celui qui ne gagne jamais ». [2]

L’équipe de France, pas plus que les autres et malgré toutes les qualités démontrées pendant la compétition, n’a su se défaire de ce poison portugais. Elle eut quelques occasions, certes, mais ne sut pas les « mettre au fond ». Sur peu de choses, le match s’est joué, ne se déroulant probablement pas selon la tactique programmée. A quelques minutes de la fin de la prolongation, il suffit d’un tir portugais bien placé pour tromper l’excellent Hugo Lloris et envoyer les compatriotes du défunt Eusebio vers leur premier titre international. L’auteur de ce but, entré en jeu en cours de rencontre, avait déjà bien usé la défense française par son impact physique. Il démontrait par ce tir victorieux ses qualités de buteur. Eder, tel est son nom. Un nom que les supporters du LOSC commencent à bien connaître et à scander régulièrement. Après une demi-saison passée à Swansea, où il n’est pas parvenu à inscrire un seul but, il est prêté lors du « mercato d’hiver » à Lille où il devient d’autant plus rapidement un joueur-cadre de l’équipe, qu’il marque très régulièrement, ce que peinaient à faire les autres attaquants jusqu’alors. La réussite de la rencontre entre Eder et son nouveau club temporaire est telle que fin mai, alors qu’il a rejoint ses partenaires de l’équipe du Portugal pour se préparer à l’Euro, il signe un contrat de 4 ans pour devenir pleinement un joueur du LOSC.

Cela amoindrit un peu la peine que de savoir que c’est un joueur du club que l’on supporte qui a marqué le but qui défait l’équipe de France. Et cela permet aussi de dégonfler le ballon de baudruche et de remettre les pieds sur terre : comme toute compétition, comme tout « événement », tout cela n’était que de l’ordre de l’exception. L’Euro est terminé. Le quotidien et l’ordinaire maintenant peuvent revenir. Bientôt le championnat, bientôt la rentrée. Allez le LOSC !

Nous sommes les enfants de la Déesse,
Nous sommes les enfants de Lille,
On chante et on se bat pour toi,
Et on ne te lâchera pas !

Fin de la Chronique de l’Euro 2016...

© François da Rocha Carneiro - Tous droits réservés. 11 juillet 2016.

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NDR : La forme des titres donnés aux épisodes de cette chronique est directement inspirée non pas de Montesquieu mais d’un autre Aquitain célèbre, Jean-Michel Larqué, dont l’opuscule Du football (1987) constitue un des plus beaux textes écrits sur ce sport.

© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes, 11/07/2016. Tous droits réservés.

Notes

[1Secrétaire général adjoint de l’APHG, Membre de la Rédaction d’Historiens & Géographes, « chronique sportive ».

[2Fernando Pessoa, O Livro do desassossego por Bernardo Soares, Ed. Ática, Lisbonne, 1982. Traduit en français en 1988. NDLR.