La chronologie
Une fois encore, est-il nécessaire de rappeler le bien-fondé de la chronologie, tant pour les futurs programmes que pour les élèves et ce, aussi bien en histoire qu’en géographie. Se repérer dans le labyrinthe du temps est une nécessité afin de donner de la profondeur au présent, mais aussi de pouvoir mener des études comparées qui permettent de porter des regards parallèles sur les États à un moment donné de leur évolution politique et économique, d’enregistrer des mutations tant dans le fonctionnement des sociétés que dans les aménagements et les transformations des territoires quant au développement, enfin de saisir l’importance symbolique et mémorielle d’une date qui peut se décliner en heure, en jour, en mois, en année, telle est la date de l’armistice de la fin de la Grande Guerre qui a lieu le lundi 11 novembre 1918 à 5 h1 5 heure française. Mon éditorial est symboliquement signé du 21 avril, date historique depuis 2002 au sein de la République française.
La chronologie est aussi, outre une démarche d’acquisition de savoirs utiles dans le fonctionnement de nos matières, un instrument de culture qui, je le réaffirme haut et fort, n’est pas aujourd’hui un objectif dépassé. Il ne faut pas laisser la culture aux seules élites du pays. Nous professeurs d’Histoire et de Géographie nous nous devons de la transmettre afin que nos élèves deviennent des hommes et des femmes capables de comparer des évolutions et de dater des retards de développement, d’analyser le présent à l’aune du passé, bref d’exercer pleinement leur statut de citoyen et de citoyenne.
La chronologie avait sa place dans une démarche classique où elle n’était nullement archaïque. L’école de Jules Ferry qui a formé les citoyens de la République a eu le mérite d’ancrer dans les têtes quelques dates qui sont autant de repères dans une société qui, elle, en cherche. Quant à la démarche « curriculaire » qui semble être celle du CSP, l’APHG est ouverte à toutes les innovations à condition que celles-ci soient porteuses d’enrichissement pour les professeurs et les élèves. L’APHG espère être invitée, comme cela nous a été dis, aux réunions sur les futurs programmes organisés par le CSP, elle dira alors ce qu’elle en pense.
Les compétences
Qu’appelle-t-on compétences en ce qui concerne l’enseignement de l’histoire et de la géographie ? Ce terme est répété à l’envi et nul ne sait exactement ce qu’il signifie. Soyons clair, être compétent se décline à deux niveaux : celui de l’enseignant qui doit maîtriser ce qu’il enseigne et celui de l’élève qui doit comprendre le pourquoi de ce qu’il apprend. C’est donc un savoir- enseigner et un savoir-apprendre dans un double but qui est de mieux transmettre un savoir en ce qui concerne le professeur et de mieux intégrer ce savoir de la part de l’élève ou de l’étudiant. Pour que les compétences soient acquises, il faut les maîtriser. Le professeur d’histoire et géographie doit bénéficier, comme tout salarié, de formations au cours de sa carrière. Jusqu’à cette année, l’APHG a été le fournisseur essentiel de formation au sein de ses régionales dans ses journées où sont associés universitaires, professeurs de classes préparatoires et inspection pédagogique régionale. Disons le humblement mais fermement, l’APHG a remplacé le Ministère dans sa mission qui est de fournir à son corps enseignant une mise à niveau permanente afin que les compétences des enseignants suivent la recherche universitaire. Qu’il existe des structures annexes de réflexion sur le métier et sur nos matières enseignées, cela répond au besoin des enseignants de confronter leurs réflexions, mais l’APHG rappelle qu’elle pratique ces échanges depuis longtemps dans ses commissions collège, lycée et université et que son atelier AGHORA est là pour offrir ce lieu d’échanges utiles à l’acquisition toujours renouvelée de compétences.
En ce qui concerne les compétences de l’élève ou de l’étudiant, elles ne consistent pas seulement en connaissances. Il faut que celles-ci soient accompagnées de méthodes de travail que je livre en vrac : lectures commentées de textes, d’images, de caricatures, prise de notes, rédaction de paragraphes, travail en groupes, réalisation de croquis à différentes échelles, recherches au CDI, définition de problématique, construction d’un plan, prises de parole en cours à l’occasion d’exposés ou de débats organisés par l’enseignant, bref toute une série de compétences acquises tout au long de sa scolarité et utiles tant dans la vie professionnelle que dans la poursuite d’études supérieures.
Les connaissances
Est-il nécessaire d’écrire - pourtant je le fais - qu’aucune réflexion en Histoire ou en Géographie ne peut se faire sans connaissances maîtrisées ! Les connaissances sont fondamentales pour définir une bonne problématique à une leçon, à un exposé, à un devoir. Or, il semblerait que les connaissances soient aujourd’hui moins valorisées que les compétences, ce qui, permettez-moi de le penser, va à l’encontre de toute démarche pédagogique pour un professeur. Des connaissances maîtrisées, ce ne sont pas des connaissances accumulées, mais bien des connaissances ordonnées, précises, approfondies et régulièrement enrichies par les nouveaux travaux universitaires. En effet, c’est un devoir pour tout enseignant d’aller au-delà de ce qu’il sait, car les connaissances sont infinies.
Ces connaissances n’ont pas pour but d’étaler des savoirs encyclopédiques, mais d’avoir des outils qui permettent à un collègue d’aller plus loin que le manuel qu’il utilise en classe, d’offrir à ses élèves des éclairages pertinents qui sont le sel de nos matières et surtout de construire, devant ses élèves, un cours qui offre une vue synthétique sur la question traitée, au-delà des détails qui seront vite oubliés.
C’est grâce à des connaissances solides et digérées que le professeur creuse un sillon dans lequel pousse l’intelligence de nos élèves, loin du bachotage qui n’a jamais permis à un élève de devenir maître de sa réflexion, mais aussi loin de ces rumeurs qui rôdent dans certains établissements autour du complot des Iluminati qui formeraient un groupuscule élitiste qui nous manipulerait, nous pauvres citoyens ordinaires ! Ne relâchons pas nos efforts quant à nos combats contre toute forme de discrimination, de racisme et d’antisémitisme.
Les connaissances que nous devons transmettre doivent être adaptées au niveau de classe et n’ont pas pour seul objectif d’être apprises par cœur, apprentissage qui cache l’horizon à atteindre qui est celui de la compréhension du monde d’où nous venons et auquel nous appartenons.
Le quatrième C
Celui-ci porte sur les constats actuels. À l’heure où j’écris nul ne peut dire ce que seront les futurs programmes, tant du primaire que du secondaire. L’APHG espère déléguer des collègues lors des discussions qui auront lieu au CSP avec comme message de refuser des programmes qui ne seront pas applicables et faisables par les collègues dans les horaires qui seront alors précisés. L’APHG ne veut pas que se renouvelle le syndrome des derniers programmes de lycée, programmes qu’elle a dénoncés dans leur faisabilité et qui ont dû être réaménagés en catastrophe. Elle veut des programmes nationaux qui évitent des doublons trop pesants durant la scolarité primaire et secondaire. Elle est très ouverte aux innovations, si celles-ci sont porteuses de chronologie, de connaissances et de compétences. Enfin, elle espère que les examens, le DNB et le BAC fourniront cette année, et à l’avenir, des épreuves valorisant nos matières et accompagnées de corrigés qui prennent en compte ce qu’est un élève de classe de Troisième, de 1°S et de terminales ES et L.
Loin de l’APHG l’idée de défendre des positions traditionnelles. Ses membres sont des professeurs engagés dans les différents débats qui traversent le monde de l’enseignement, participent aux rencontres de St-Dié et de Blois, animent un site vivant et ne refusent pas le débat avec tous et celles qui aiment parler d’Histoire et de Géographie sans apriorismes.
Cependant, l’APHG peut annoncer une bonne nouvelle à ses membres et à tous les professeurs d’Histoire et de Géographie de collège. Par les contacts qu’elle a eus, elle a obtenu l’assurance du président du groupe de l’enseignement moral et civique (CSP). Pierre Kahn, professeur des universités à l’université de Caen a obtenu l’assurance et la « certitude » de la part de l’inspection générale - je remercie personnellement Alain Bergounioux, qu’au collège l’Education civique sera bien enseignée par les professeurs d’Histoire et de Géographie. Quant à l’enseignement moral, il donnera lieu à une approche plurielle où les professeurs d’Histoire et de Géographie auront leur mot à dire dans le cadre de l’heure de vie scolaire.
Bruno BENOIT
Président de l’APHG.
Châlons en Champagne - 21 avril 2014