ÉDITORIAL Entre ombre et lumière

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Chères et Chers collègues,
Après les quatre saisons qu’a vécues l’APHG en 2012, il est nécessaire de faire le point sur notre situation un an après l’arrivée au pouvoir de François Hollande et les promesses que nous avions reçues. C’est pour cette raison que mon propos se situe entre ombre et lumière à la façon d’une arène où cohabitent, mais aussi luttent dans un duel permanent, « sol y sombra ». Dans la situation qui est la nôtre, il n’y aura ni torero en habit de lumière, ni une sombre mise à mort, mais seulement des points sur les « i » comme autant de constats lucides, peut-être un peu désabusés, en ce qui concerne nos matières, nos horaires, nos programmes et nos concours de recrutement.
Au-delà de l’ombre qui gagne actuellement sur la lumière, je ne peux, en cette mi-printemps qui semble tenir ses promesses, laisser entendre que l’APHG ne fera rien pour améliorer la situation, même si son combat s’inscrit dans la longue durée et a, plus que jamais, besoin d’un soutien massif des collègues, quel que soit leur engagement partisan ou syndical, quel que soit leur niveau d’enseignement. Il y va du maintien de l’histoire et de la géographie comme matières fondamentales - je ne répéterai jamais assez que nos matières en permettant de nouer temps long et temps présent, mémoires et territoires sont des vecteurs du mieux vivre ensemble - à tous les degrés de notre enseignement, de l’École primaire à l’Université en passant par le Collège et le Lycée qu’il soit d’enseignement général ou professionnel.
Mon éditorial mettant en avant davantage d’obscurité que de zones de lumière, ce constat n’entame nullement ma détermination et, je l’espère, la vôtre. Ceux et celles qui liront cet éditorial et qui ne sont pas encore membres de l’APHG, rejoignez nous, car nous avons besoin d’être encore plus nombreux pour être bien entendus. {{}}

Bruno Benoit, président de l’APHG

LE DOMAINE DES OMBRES

· Au domaine des ombres, il règne les horaires indécents en 1°S et TS. Indécents, cela a déjà été dit, mais il est nécessaire de le répéter et surtout de le faire savoir. Il est toujours possible de faire en 4 h 30 sur 2 ans, ce que nous faisions avant la réforme Chatel en 6 h. Il est toujours possible d’aller plus vite, de schématiser, de négliger des hommes et des dates, de glisser sur les territoires, de faire du factuel et non de l’analytique, bref de saborder nos matières pour satisfaire les bureaucrates de Bercy ou de la rue de Grenelle. Jamais ceux qui taillent dans les horaires, au nom d’impératifs budgétaires, voire de critères plus difficiles à avouer, ne pensent aux élèves qui ont besoin non d’un professeur TGV qui ne cherche qu’à arriver à l’heure des programmes en fin d’année car telle est sa feuille de route, mais de professeurs qui donnent du rythme à leur enseignement en fonction des besoins de leur classe, qui savent accélérer quand ils sentent que le groupe/classe suit et qui ralentissent quand ils voient que le même groupe décroche. Sachez messieurs les bureaucrates que nous travaillons avec de la matière vivante et non avec un annuaire Chaix ! Cette question des horaires est cruciale dans les classes qui viennent d’être citées, mais elle est aussi d’actualité au collège où les collègues sont aussi soumis à des exigences et à des publics qui ne peuvent entrer dans les horaires attribués.
· Au domaine des ombres rode aussi la question des programmes. Que cela soit clair, jamais l’APHG n’a cautionné les programmes actuellement en application, que ce soit de l’école primaire au lycée. En revanche, les commissions de l’APHG travaillent sur des propositions que nous soumettons à ceux qui nous le demandent, mais jamais dans le projet final, l’APHG n’a eu son mot à dire. Que certaines de ses idées aient pu être récupérées, cela ne fait pas pour autant un programme complet !
Nous demandons à ce que dans le grand projet de refondation de l’école qui est sur le point d’être annoncé nous soyons consultés en ce qui concerne l’Histoire et la Géographie, que le Ministère prenne aussi le temps de consulter les enseignants. Qu’on ne renouvelle pas l’erreur des programmes actuels qui ont été « parachutés » sans réel aller- retour, excepté par quelques professeurs « testeurs » choisis comme représentatifs, ce qui ne peut plus être accepté. Il faut une réelle démocratie dans le choix des programmes afin que ceux-ci durent et ne soient pas renouvelés à tous les changements de majorité ! L’Histoire et la Géographie ne sont pas des variables d’ajustement, mais des matières nobles qui méritent le respect à tous les niveaux de la hiérarchie de la prise de décision.
· Dans le domaine des ombres s’agite le spectre des concours en particulier celui du Capes et celui du recrutement des professeurs d’école. Soyons clair, il ne peut y avoir de bons enseignants que si ceux-ci maîtrisent leur matière. La pédagogie s’apprend lors des stages après la réussite du concours, stages que nous avons défendus et qui vont être rétablis, mais aussi avec la pratique du métier. Le Capes est un concours pour recruter des professeurs d’Histoire et Géographie et dans les épreuves de ce concours, la dimension scientifique doit largement l’emporter sur la fameuse approche didactique, comme nous l’a promis l’Inspection générale lors de notre entrevue en février 2013 (voir le compte rendu sur notre site). Il reste des doutes sur les épreuves. Sans ce fort ancrage scientifique, nous ouvrons la boîte de Pandore à la formation privée, et donc payante, des enseignants que le Ministère recrutera. Les concours internes montrent que les collègues ont soif de formation supplémentaire et que leur enseignement s’améliore lorsqu’une mise à niveau est faite. Qu’une réelle formation permanente soit mise en place avec ordre de mission, frais de déplacement. Je viens d’apprendre que pour le recrutement des professeurs d’école, alors que le Ministère ne cesse de proclamer la priorité de ce segment de notre enseignement, l’Histoire et la Géographie ne seraient plus des matières obligatoires, mais des matières facultatives à l’oral ! NON Messieurs, cela n’est pas acceptable. L’Histoire et la Géographie sont des matières à part entière et participent à la formation des élèves du primaire. Pour cela, il faut des enseignants qui les maîtrisent et non les abîment, qui donnent le goût à ces jeunes générations de découvrir le vaste monde et de resituer le temps présent par rapport au passé, voire de rêver aux grands espaces et aux grandes aventures de l’humanité.

LES ZONES DE LUMIÈRE

· La première zone de lumière est le rétablissement de l’enseignement obligatoire de l’Histoire et de la Géographie en TS et du retour de l’épreuve du baccalauréat dans cette même classe en 2015. Ceci n’est pas rien. L’APHG a obtenu, par sa détermination et sa mobilisation ce succès que nous apprécions encore un an après. Dans la longue histoire de l’APHG, la date de 2012 est une date porteuse de mémoire. Qu’on se le dise, la grande loi de 1901 est une loi qui permet l’existence d’associations qui livrent des combats que d’autres institutions professionnelles délaissent. Les collègues qui ont participé à ce succès méritent de le savourer.
· La deuxième zone de lumière est le courrier que nous recevons de la part de nombreux parlementaires, même de l’actuelle majorité, qui par des questions écrites soutiennent nos revendications et s’appuient sur notre Manifeste publié à la suite des Etats généraux de l’Histoire et de la Géographie de janvier 2012. Le travail fait en amont trouve ici sa justification et témoigne que le combat que nous menons n’est nullement corporatiste et égoïste, mais bien citoyen.
· La troisième zone de lumière est notre revue, Historiens et Géographes, qui mérite tous les louanges de ceux et celles qui la lisent. Certes, elle doit mincir raisonnablement, elle doit évoluer dans les années à venir, voir son comité de lecture s’étoffer, être davantage mise en ligne pour être lue plus largement par un public de chercheurs qui délaisse le papier pour le numérique, mais elle reste une revue de qualité alliant dimension scientifique et témoignages pédagogiques, ce qui est la base d’un bon enseignement et est au cœur de notre association.
· La quatrième zone de lumière est le dynamisme de nos régionales, certaines l’étant plus que d’autres, mais globalement, ces régionales ont fait traverser le désert de la formation, orchestré pendant longtemps par les différents ministres de l’Education nationale, à des milliers de collègues et ce, en partenariat avec l’Université qui a mis à leur disposition de façon bénévole des universitaires spécialistes des questions nouvelles ou renouvelées des programmes. Il faut aussi souligner, au niveau académique, le soutien des IPR à ces journées de formation.
Ajoutons que l’APHG sait aussi organiser des grandes manifestations, les Agoras. La prochaine a lieu à Bordeaux à la Toussaint 2013. Le programme scientifique est alléchant, le programme de découverte de la région est riche et varié. Inscrivez vous nombreux et venez soutenir ces actions qui sont des grands moments de convivialité. Parallèlement, l’APHG organise des journées, comme celle du 13 avril 2013 en partenariat avec la mission du Centenaire de la Grande guerre, journée qui fut une réussite et qui démontre le soutien que nous avons de la part de nombreux organismes s’intéressant à la mémoire. De même, le samedi 27 mai 2013 se tient à Paris une journée sur les programmes que nous avons élaboré avec l’Association des Professeurs d’Histoire contemporaine du supérieur. Là aussi venez nombreux.
• La dernière zone de lumière est la bonne santé financière et humaine de notre association qui lors du dernier renouvellement de son Conseil de gestion a vu le nombre de candidats être supérieur au nombre de places disponibles et le nombre de votants témoigner d’un réel intérêt pour la vie de l’association.

Merci à vous tous. J’ai conscience que le domaine des ombres semble gagner sur les zones de lumière. Ce n’est que provisoire. Cela ne tient qu’à nous pour être plus réactifs dans nos établissements auprès de nos collègues, être plus explicatifs de nos enseignements auprès des parents d’élèves, être plus actifs au sein des régionales et des instances nationales. Je compte sur vous.
J’écris cet éditorial avant la parution du texte sur la refondation de l’école qui doit être publié par le ministère lundi 22 avril 2012. Il sera commenté, si besoin est, dans le prochain éditorial.

Bruno BENOIT Paris, Lyon 18 avril 2013