ÉDITORIAL Les quatre saisons

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L’année 2012 étant terminée et 2013 pointant son nez, je vous adresse tous mes vœux amicaux et professionnels. En ouverture de cet éditorial, je tiens à mettre l’accent, sans que cela soit un scoop, sur le fait que le monde de l’École est en train de changer, tant dans sa manière d’enseigner que par les publics que nous avons dans nos classes ou amphithéâtres. Loin de moi d’être nostalgique d’un temps passé, car l’historien - je rajouterai sans aucune restriction le géographe -, comme aimait à le dire Marc Bloch, est citoyen de son temps. Or, il suffit d’ouvrir la presse, d’écouter la radio ou de regarder la télévision pour entendre que nous vivons une période de mutations où l’École est partie prenante.
Ce constat fait, que dire de l’enseignement de l’Histoire et de la Géographie à l’école primaire, au collège, au lycée et à l’Université ? Avant d’aligner quelques remarques sur les horaires et les programmes, thèmes qui animent la blogosphère de la part de nombreux internautes, j’aime à rappeler que l’APHG demeure et demeurera la gardienne du temple, non par son ancienneté, ce qui n’a jamais été un critère de pertinence, mais par sa capacité à produire une action non rétrograde mais porteuse de dialogue et de réflexion nourris par le terrain, c’est-à-dire par tous les enseignants membres de notre association et qui animent les différentes régionales.
Avant d’évoquer les perspectives 2013, une lecture « vivaldienne » de l’année 2012 est maintenant nécessaire pour rappeler les joies, les combats, les victoires et les peines de l’APHG.

Bruno Benoit, président de l’APHG

L’hiver

L’hiver fut très chaud

L’APHG avec ses États généraux de l’Histoire et Géographie le 28 janvier au lycée Louis le Grand et à la Sorbonne occupe le devant de la scène contestataire à la réforme Chatel. Par sa mobilisation des collègues et des médias, par les travaux d’ateliers sur différents thèmes au cœur des préoccupations des collègues, l’APHG porte un coup mortel à la volonté du Ministère de vouloir transformer l’enseignement de nos deux matières en option facultative en Terminale S, et d’ancrer dans la durée l’épreuve du bac en Histoire et Géographie en 1 °S. Ces États Généraux, dans la grande tradition de l’APHG, outre
la convivialité de la journée, déclenchent, ce qui est notre objectif, chez certains candidats à l’élection présidentielle - en particulier le discours du 9 février 2012 de François Hollande à Orléans -, une prise de parole encourageante par la remise en cause des deux changements évoqués plus haut.
L’APHG, une fois ce moment passé, ne baisse pas sa garde et multiplie les courriers, les contacts avec des élus et des personnalités de tous bords, tant au niveau national que régional. La température mobilisatrice reste élevée lorsqu’est rédigé un Manifeste des États généraux de l’Histoire et de la Géographie qui, par la force des idées énoncées, s’inscrit comme notre carnet de route. L’hiver s’est donc terminé dans la chaleur suscitée par les espérances envisagées au cours de mois de mobilisation.

Le printemps

Il fut chaud
Le printemps commence à peine que le 26 mars, l’APHG est invitée rue de Solférino. La rencontre avec des conseillers de François Hollande en charge du dossier éducation est positive, car l’APHG est écoutée sur ses grandes revendications : rétablissements en TS, horaires, programmes, formation. De plus, le 11 avril, l’APHG présente son Manifeste1 [1] au Lycée Louis le Grand devant un aréopage garni de collègues et d’amis de notre Association, tant dans la société civile que dans le monde des associations de Résistants et de Déportés. Cette publication lui a permis de faire connaître ses idées, ses revendications, ses travaux. L’APHG est reçue en juin par le député Yves Le Déault, Membre du Pôle Education du candidat François Hollande, Michel Kaplan, membre de la délégation de l’APHG, le 11 exactement (encore une date historique !) plaide par la création d’un ministère spécifique de l’enseignement supérieur, demande une augmentation des postes aux concours des agrégations d’histoire et de géographie (...) et propose un plan.
L’élection de François Hollande nous donne de grandes espérances quant au retour de l’enseignement obligatoire de l’Histoire/Géographie en TS et du retour de l’épreuve de bac pour ces matières en TS. En effet, ce retour est bien acté par le nouveau Président et son ministre de l’Éducation nationale. En revanche, si l’APHG soutient qu’il est nécessaire d’améliorer le fonctionnement de l’école primaire et de revenir à un horaire de 4 jours et demi, elle-même a mis l’accent sur l’incohérence des programmes d’Histoire à l’école primaire, les propos du ministre Vincent Peillon évoquant une volonté de diminuer les horaires en lycée et sa priorité absolue pour l’enseignement primaire entraînent une baisse de température et font craindre un refroidissement hors de saison !
Le l8 juin - date ô combien historique - une rencontre entre une délégation de l’APHG et deux conseillers de Vincent Peillon a lieu au Ministère de l’Education nationale, au lendemain de la victoire du PS aux législatives et à la veille de la « grande concertation pour la « Refondation de l’École », à laquelle nous ne sommes pas invités. Cette rencontre, voulue par le Ministère, nous permet de réaffirmer ce pour quoi nous nous battons depuis plusieurs mois : horaires décents, programmes de 1 °S aménagés, retour du bac en TS, formation des enseignants, augmentation des postes aux concours, capes et agrégation et remise de ces deux concours dans le même tempo chronologique, travail d’ensemble sur les programmes et ce depuis l’école primaire. On nous écoute, voire on nous entend, mais aucune promesse solide ne nous est faite. Le printemps s’est donc terminé avec une réelle baisse de température quant aux espérances envisagées.

L’été

Il fut tiède
La rupture estivale débouche sur un mois de septembre qui fait succéder le chaud et le froid d’où cette tiédeur ressentie. Début septembre, une délégation de l’APHG est reçue à la Dgesco où la question des horaires pour le couple 1 °S/TS commence à faire débat, puisqu’un horaire de 5 heures pour ces deux classes est alors avancé par l’administration scolaire, la répartition 1 °S/TS n’étant pas alors faite. L’APHG campe sur 5 heures et demie. Un léger vent froid commence à souffler depuis le Ministère, vent renforcé par le souffle d’autres acteurs de la scène éducative qui plaident pour la portion congrue pour l’Histoire/Géographie2 [2]. L’APHG plaide aussi fortement pour des aménagements immédiats dans les deux matières afin d’apporter aux collègues et aux élèves une réponse attendue en 1°S face à l’enseignement des nouveaux programmes démesurés dans leurs ambitions et, pour l’Histoire, orphelins d’une véritable chronologie. Les nouvelles qui nous arrivent quant au pourcentage d’élèves de Terminales ayant choisi l’option à la rentrée 2012 nous confortent dans notre combat citoyen et permette de réchauffer l’atmosphère.

L’automne

Il fut glacial
La réunion du 9 octobre à Paris avec l’Inspection générale et le groupe d’experts, un cercle de collègues choisis par la Dgesgo et elle, et dont un seul d’entre eux est membre de l’APHG, est une douche froide. L’APHG arrive à la réunion avec l’espoir des 5 heures et demie et d’un minimum de 5 heures. Or, une décision vient d’être prise au plus haut niveau sur un horaire 1°S/TS de 4 heures et demie, alors que nous devions, lors de cette réunion, nous mettre d’accord sur les horaires ! Ô rage, ô désespoir, qu’a donc fait l’APHG pour cette infamie ! La tension est grande, l’APHG réagit fortement, mais les dés semblent jetés. La matinée se termine par un débat sur le programme de 1°S où nous présentons nos aménagements attendus et sur une présentation de notre réflexion sur les programmes de Terminales. Le froid s’est abattu, même si les rencontres de Blois font remonter la température et si l’APHG n’hésite pas à « tisonner » (!) les braises du printemps auprès de pas mal d’interlocuteurs, dont l’Inspection générale mais aussi syndicats et associations. Cependant la messe est dite et les 4 heures et demie sont entérinées.
L’APHG voit ses aménagements retenus pour la 1 °S, mais si cela s’avère fondamental pour un enseignement où la préoccupation essentielle est l’élève, la parution toute récente au JO de 2 heures et demie en 1°S et de 2 heures en TS confirme que l’hiver est de saison puisqu’il est cette fois, à la différence de 2012, glacial3. [3]
Le froid glacial souffle lors de la réunion du 21 janvier 2013 avec la Dgesco et le même interlocuteur depuis mars, Monsieur Jean-Pierre Delahaye, devenu directeur général de la Dgesco. Il nous est confirmé l’horaire indécent pour les 1 °S/ TS. Il nous est dit que cela correspond à une période transitoire... vous avez dit transitoire... !!!!
Cette décision est inadmissible. Outre la gestion de la demi-heure par les chefs d’établissement, cet horaire est un recul historique et citoyen contre lequel l’APHG ne cessera de se battre aujourd’hui, demain et après-demain au nom de ceux et celles qui pensent qu’une génération de scientifiques porteurs de références fortes historiques et géographiques donneront des ingénieurs, des managers plus à même d’agir dans la société et le siècle.

Perspectives 2013

L’APHG reste persuadée qu’une refonte entière des programmes, à laquelle elle tient à être associée est indispensable. Tous les programmes sont trop ambitieux compte tenu des horaires alloués, trop coupés de la chronologie en histoire, trop éloignés des savoirs fondamentaux en histoire et en géographie, en particulier en géographie physique. L’APHG aime à rappeler que la préoccupation de ses membres - espérant que cela doit être aussi la préoccupation de tous les professeurs et de l’Inspection - est l’élève et non une satisfaction intellectuelle de faire de beaux programmes sur le papier, mais difficiles, voire impossibles, à transférer avec des horaires indécents dans des classes de plus en plus hétérogènes. Cette remarque est applicable de l’école primaire au lycée. L’APHG rappelle qu’elle n’est nullement contre des initiatives nouvelles dans la façon d’aborder les grandes questions historiques et géographiques, à condition de ne pas sacrifier les fondamentaux, car l’absence de ceux-ci se révèle catastrophique quand on veut bâtir de façon plus ambitieuse.
C’est pourquoi l’APHG a mis en place, outre ses commissions spécialisées, des équipes qui réfléchissent, non à bâtir une architecture complète, mais à dessiner quelles devraient être les grandes lignes, adaptées à chaque niveau, des futurs programmes, afin que l’élève trouve dans nos matières de quoi se structurer intellectuellement, scientifiquement et méthodologiquement, sans stress dû à une course permanente et permettant - je le dis aux fédérations de parents d’élèves - d’être le « passeur » de connaissances et d’explications, celui qui ouvre des horizons spatio-temporels.
La volonté de l’APHG est de continuer à faire de l’Histoire et de la Géographie deux matières attractives pour les élèves par leur contenu, mais aussi fondamentales dans l’acquisition de la citoyenneté et du vivre ensemble. Nous les enseignants d’Histoire et de Géographie de l’APHG sommes conscients de l’importance de nos matières dans le devenir professionnel de nos élèves dans le monde qui sera le leur. Pour réussir ce challenge qui nous tient à cœur, le Ministère doit comprendre qu’on ne peut pas faire cela avec des horaires au rabais et des programmes qui visent l’intellectualisme et non le réalisme, qui lui, est contenu dans la lecture structurée du temps qui passe et des territoires dans lesquels l’homme évolue.
Parmi les nombreux points à revoir, l’APHG dénonce un décalage au DNB4 [4] pour les épreuves en fin de Troisième entre les consignes valables pour le brevet professionnel et le brevet général5 J [5] Il est possible d’établir la même grille de questions pour ces deux filières, car le Front populaire mérite d’être connu par tous les jeunes Français ! Il en va de même pour la décolonisation qui ne porte plus pour le premier brevet que sur l’Algérie et non sur l’Inde, curieux ce repli sur le francocentrisme à une époque où les émergents sont appelés à jouer un rôle essentiel !
L’APHG se réjouit de l’augmentation, certes légère, des candidats aux concours, mais elle constate que l’Histoire ou la Géographie sont souvent diluées dans des parcours où la spécificité de nos matières est de moins en moins lisible. De plus, l’APHG refuse de voir le CAPES devenir un concours où la dimension scientifique s’effacerait devant l’approche professionnalisante au profit des sciences de l’Éducation, ce qui semble être l’orientation comme il nous l’a été dit le 21 janvier 2013. Enfin6 [6], il faudrait repenser le parcours M1 et M2 pour que les étudiants aient une bonne formation à la recherche et que cela permette un recrutement de qualité des futurs enseignants. Je rappelle que gouverner c’est prévoir, non à court terme, mais à long terme !
Enfin, l’APHG renouvelle cette année en partie son Conseil de gestion et son Comité national, puisque des élections sont en train d’avoir lieu au moment où je rédige cet éditorial. Je tiens à ouvrir largement les instances de l’association à des collègues jeunes, en poste devant les élèves ou les étudiants, sans pour cela se séparer des savoirs et des conseils des plus âgés qui, jusque dans un passé récent, ont œuvré au fonctionnement et à la réussite de l’APHG. Pour cela je les en remercie et je les encourage à continuer à nous soutenir.

Bruno BENOIT président de l’APHG

Notes

[1Sur la page de garde, je tiens à rappeler ce qui est réclamé autour du mot DANGER : programmes et horaires à revoir, des professeurs à former, le retour de l’HG en TS, le tout accompagné de « Quels citoyens voulons-nous former pour refonder l’école et la citoyenneté républicaines ? ».

[2Voir mon éditorial du n° 420 de la revue Historiens et Géographes de novembre 2012.

[3Arrêté du 13 décembre 2012 (voir annexe)

[4DNB : diplôme national des collèges

[5’invite les collègues à consulter le rapport de la Commission collège du 24 novembre 2012.

[6De même, j’invite les collègues à lire le rapport de la Commission universitaire du 24 novembre 2012.