Depuis le 12 mars, le musée de Cluny (musée national d’histoire du Moyen Âge) propose à ses visiteurs une exposition qui, à n’en pas douter, fera date : « Les arts en France sous Charles VII (1422-1461) ». Le commissariat de cette exposition est assuré par Mathieu Deldicque [2] , Maxence Hermant, Sophie Lagabrielle et Séverine Lepape.
Après les expositions « Paris 1400. Les arts sous Charles VI » (2004) et « France 1500. Entre Moyen Âge et Renaissance » (2010), ce nouveau projet vient combler une lacune dans la connaissance du XVe siècle et, pour tout dire, réévaluer le rôle des décennies médianes du siècle dans les différents champs de la création artistique, en particulier des années 1450.
Le parcours met successivement l’accent sur les principaux acteurs de ce moment de renouveau politique et artistique et sur les principaux foyers de création sous le règne de Charles VII. Il apparaît, en effet, que l’entourage du roi a joué un rôle important dans la commande artistique : le cas de Guillaume Jouvenel des Ursins, chancelier à partir de 1445 et connu à travers le beau portrait que fit de lui Jean Fouquet (v. 1460-1465), est ainsi mis en lumière. L’exposition insiste, par ailleurs, sur le dynamisme d’une série de foyers artistiques au sein du royaume qui a été documenté avec précision, au cours des dernières années, par le programme de recherches piloté par Frédéric Elsig [3] . Il faut, à cet égard, souligner l’originalité de la scénographie qui tire le meilleur parti possible de l’espace dédié aux expositions temporaires au sein du musée de Cluny (l’ancien frigidarium du vaste complexe de thermes sur lequel fut construit, à la fin du XVe siècle, l’hôtel de Cluny).
Le projet conçu par les commissaires est ambitieux : aux côtés d’œuvres conservées au musée de Cluny (la Pietà de Tarascon, par exemple) sont réunis une série de chefs-d’œuvre prêtés par de grandes institutions nationales (la Bibliothèque nationale de France, le musée du Louvre…) et internationales (le J. Paul Getty Museum de Los Angeles a ainsi prêté le manuscrit d’un livre d’heures présenté à la fin du parcours ainsi que le panneau central du magnifique Triptyque de Dreux Budé). Que l’on nous permette ici de mentionner quelques œuvres qui nous ont semblé particulièrement marquantes, en particulier les Pleurants du monument funéraire du duc Jean de Berry (Étienne Bobillet et Paul Mosselmann, v. 1450, val de Loire, Paris, musée du Louvre) et le Triptyque de Dreux Budé d’André d’Ypres (Paris, v. 1450), aujourd’hui démembré et exceptionnellement réuni [4] . Assez logiquement, l’exposition met l’accent sur les grands noms de la production artistique du milieu du XVe siècle (Jean Fouquet, Barthélémy d’Eyck, Enguerrand Quarton) ; mais elle permet également de mieux connaître le travail d’enlumineurs de grand talent tels que Jean Haincelin (Maître de Dunois) ou Haincelin de Haguenau (Maître de Bedford), tous deux actifs à Paris.
On conseillera également à celles et ceux qui souhaiteraient prolonger leur expérience de visite le passionnant catalogue d’exposition qui réunit les contributions des meilleurs spécialistes de cette période, parmi lesquels figurent bien entendu les commissaires de l’exposition mais aussi des historiens (Olivier Mattéoni [5]) et des historiens de l’art (Gennaro Toscano, Jean-Marie Guillouët) de premier plan.
La visite de l’exposition sur « Les arts en France sous Charles VII » est une expérience marquante : nous ne saurions trop la recommander à nos collègues !
©Philippe Prudent pour Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 21/05/2024.