Elisée Reclus (1830-1905) n’en finit pas d’être redécouvert. Lui qui apparaissait pour les géographes du début du vingtième siècle comme une source utile mais représentant d’une géographie un peu dépassée, est aujourd’hui probablement le géographe français le plus connu. Sa remise au goût du jour avait été initiée dans les années 1970 par l’équipe d’Yves Lacoste, en particulier par son élève Béatrice Giblin, ainsi que par de petites associations. Depuis, livres et articles y faisant référence se sont multipliés.
Voilà maintenant un film-documentaire de 52 minutes réalisé par Nicolas Eprendre. Le résultat est assez heureux, même s’il peut sembler un peu pointilliste. Intitulé « la passion du monde », reprenant le très juste titre de la magistrale biographie qu’Hélène Sarrazin lui avait consacrée (1985), ce film brosse un portrait des grandes facettes du personnage et de son œuvre. Le point de départ est un texte lu dans lequel Reclus fustige le principe du vote comme abdication. Visiblement, l’auteur du film a d’abord connu Reclus comme anarchiste. Ensuite, les différentes étapes de la vie de Reclus sont évoquées avec justesse grâce à des citations ou encore à des entretiens. Ainsi, Philippe Pelletier parle avec finesse de l’engagement anarchiste de Reclus qui a introduit en France les ouvrages de Bakounine et Kropotkine. Hélène Sarrazin rappelle assez justement la personnalité de Reclus et Federico Ferretti, probablement aujourd’hui le meilleur spécialiste de l’œuvre géographique de Reclus, donne certains fondements de ses réflexions géographiques. A noter aussi les très belles évocations de l’écrivain Kenneth White. Bien sûr, on regrette de ne pas écouter ici Béatrice Giblin qui a su mettre en évidence ses analyses de géopolitique et de géographie sociale ou encore du neurobiologiste Jean-Didier Vincent qui, à travers une biographie récente, a fait connaître Reclus à un plus large public.
Au total, ce film, volontairement lent, constitue davantage une évocation qu’un documentaire et invite à la méditation sur un personnage atypique révélé par petites touches, sans souci d’exhaustivité. On note aussi dans les suppléments du DVD, une présentation tout à fait intéressante par F. Ferretti de pièces des « disques globulaires » conservées à Genève : il s’agissait de produire des cartes respectant la courbure de la Terre, pour enseigner la géographie avec plus de justesse.
© Philippe SIERRA pour les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes, 15/05/2016. Tous droits réservés.