Ce prix récompense depuis quatre ans un film documentaire de télévision ou de cinéma produit et / ou diffusé entre le 1er juillet et le 30 juin de l’année suivante. Cette année 33 films ont été soumis au jury (liste complète sur le site des RVH). Après visionnage, a été établie une sélection de 12 films au sein desquels le Grand Prix et trois mentions ont été distingués. Les critères observés sont l’originalité du projet, les qualités de l’écriture, les traitements des archives et des témoignages. Le jury est composé des dix membres et présidé par l’historienne Raphaëlle Branche. Le grand Prix bénéficie d’une récompense de 1 000 euros et d’une projection à la Scam le 1er décembre 2014.
Grand Prix
La découverte ou l’ignorance, Histoire des mes fantômes perdus de Vincent Jaglin (France, 2014, 90 min, Chaz Productions)
C’est à la Scam que nous avons pu voir le documentaire le 1er décembre 2014. C’est l’histoire de l’itinéraire d’un jeune enfant qui aimait à se déguiser en résistant qui apprend un jour, en 1944, que ses grands oncles Job et Pierre, farouches nationalistes bretons s’étaient au nom d’une formation Perrot (nom d’un prêtre très nationaliste breton) sous uniforme allemand, battus contre la Résistance. C’est un choc. Après plusieurs années de recherche l’auteur, monteur de profession, va partir à la recherche de ses ancêtres en Bretagne, en Irlande, en Allemagne. Pourquoi l’Irlande ? Parce que l’Irlande n’a pas participé au conflit et a accueilli les chefs nationalistes. Ils avaient la détestation de la France et voulaient créer un Etat breton indépendant, avaient collaboré avec leurs protecteurs nazis et s’y étaient réfugiés. Vincent Jaglin a su marier dans son film difficile et sensible, la grande et la petite histoire. Il a utilisé les témoignages, les archives locales, irlandaises, allemandes, les lieux de vie, leur environnement. Vincent Jaglin est acteur dans le film et fait part de ses recherches et de ses états d’âme au service de la vérité difficile, c’est à dire en raison des réticences familiales à dévoiler un passé qui ne passe pas. Il faut regretter que l’auteur n’ait pas fait appel plus tôt à des historiens de cette période douloureuse (cf. le numéro spécial de la Revue Historiens et Géographes sur la Bretagne qui traite de la question du nationalisme breton). Mais cela n’enlève rien à la qualité du film et au contenu qui montre les déchirements d’une famille aux prises avec la grande Histoire.
Au total une soirée réussie et animée par Raphaëlle Branche, historienne, présidente du Jury et par Jean Marie Génard, responsable cinéma des Rendez vous de l’Histoire en présence de Vincent Jaglin, le réalisateur et d’Anne Grange, productrice. Une partie de l’équipe du film se trouvait aussi dans la salle pour le plus grand bonheur de l’assistance.
Les mentions
Sarajevo des enfants dans la guerre de Virginie Linhardt (France, 2014, 52, min, Cinétévé, France 3)
« En avril 1982 dans Sarajevo assiégée, une centaine d’enfants, victimes civiles grièvement blessées, sont évacués en France par Médecins sans Frontières. Leur exfiltration a été filmée par le cinéaste Romain Goupil. A partir des ces rushes, ce document s’interroge sur le destin des enfants. Que sont-ils devenus ? Soignés, ils ont passé plusieurs années au cours desquelles ils ont enregistré des messages à l’attention de leurs familles prisonnières du siège de Sarajevo. Vingt ans plus tard, ils regardent ces images oubliées et se souviennent de leur histoire ».
Les garçons de Rollin de Claude Ventura (France 2014, 85 min, Flach Film Productions, France 3).
Claude Ventura habite à 200 m de l’ancien Lycée Rollin, devenu depuis 1945 le lycée Jacques Decour. Car ce dernier professeur d’allemand, fondateur des Lettres Françaises avec Aragon, résistant a été arrêté en 1942 et fusillé au Mont Valérien. Ce lycée au pied du Sacré-Cœur, à la lisière des 9ème et des 18ème arrondissements en plein quartier populaire à l’époque, a connu le temps de l’Occupation et c’est l’histoire des ces jeunes gens, pris dans la tourmente de la guerre que conte le réalisateur. Certains ont résisté, ont eu une attitude héroïque et ont été fusillés ; d’autres ont collaboré, ont fait partie de la milice ou même de la Waffen SS. A travers les lignes des carnets des adolescents, le regard des jeunes gens sur les photos de classe ou sur les photos anthropométriques de la Préfecture de police. Des professeurs juifs (trois) ont été radiés par le gouvernement de Vichy en 1940, des élèves ont été déportés et ont été exterminés. Une plaque rappelle leur nom. Elle a été inaugurée par Simone Veil dont le père André Jacob a été élève du Lycée Rollin.
Avec le talent de documentariste qu’on lui connaît, Claude Ventura a su donner chair et vie à ces visages d’adolescents dont l’engagement différent a montré les déchirures de la société française de l’époque.
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Le 5 décembre 2014.