Historique de la nacre à Méru Exposition temporaire au Musée de la Nacre et de la Tabletterie

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Exposition temporaire
Lieu : Musée de la Nacre et de la Tabletterie
51, rue Salengro 60110 Méru
Tél : 03 44 22 6174
www.musee-nacre.com

Jusqu’au 27 décembre 2014
Ouvert tous les jours de 14h à 18h sauf le mardi

Compte-rendu de voyage et d’exposition par Brigitte Defernez pour Historiens & Géographes

Abrité dans une ancienne usine du 19ème siècle, le Musée de la Nacre et de la Tabletterie de Méru (Oise) s’efforce de conserver et de mettre en scène un artisanat local autrefois florissant en passe de disparaître. Les métiers de boutonnier et de tabletier, porteurs d’une tradition multiséculaire du travail de la nacre et de matières semi-précieuses (corne, écaille, ivoire, os, bois exotiques, etc.)

A 50 km de Paris, sur la route de Beauvais cette exposition présente la nacre et ses métiers (du XVIIè au XXè siècle). Une exposition consacrée à Matisse est, par ailleurs, présentée dans les mêmes locaux.

Jusqu’au 27 décembre 2014, tous les jours, de 14h à 18h sauf le mardi

Historique de la nacre à Méru

Ce voyage de presse organisée par l’Agence Heymann-Renoult fut fort intéressant et a permis de découvrir le musée de Méru. Il est installé dans des anciens ateliers de tabletterie Dégremont, bâtiments en brique rouge, avec aménagement de verrières, bel exemple de réussite architecturale, alliance entre ancien et contemporain. Née de la révolution industrielle ce complexe a été édifié à partir de 1857.Il est constitué de trois bâtiments en briques.100 ouvriers y travaillaient sur 1200 m2 .Dans les années 1970 un groupe de passionnés d’histoire locale songe à créer un musée. Ils sont rejoints pas des associations culturelles. Ils sauvent un grand nombre d’objets et de machines, recueillent des témoignages oraux, bibliographiques et photographiques. Les bâtiments récupérés « en l’état » et rénovés par la communauté de Communes des Sablons sont inscrits à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Ouvert en 1999, le Musée reçoit plus de 20 000 visiteurs par an.

Les opérations de réhabilitation du site ont été conduites sur le plan architectural avec le souci de respecter l’originalité et les évolutions liées à l’histoire. Les fenêtres ont fait l’objet d’une restauration poussée. Les pièces de fonderie ont été forgées artisanalement. Les architectes d’intérieur se sont inspirés des coquillages et de leurs reflets. Le choix des coloris évoque l’irisation de la nacre. La muséographie est attractive. Elle est ludique et interactive. Les supports sont variés : cartels mais aussi bornes multimédia, diaporama et commentaires des guides conférenciers
Méru est une ville d’environ 14 000 habitants, à 50km de Paris, sur la route de Beauvais, située dans le département de l’Oise en Picardie. La plupart des résidents travaillent à Paris.

En ce début d’automne, le directeur de musée Geoffrey Martinache présente un historique de la nacre importée dès le 17e siècle. C’est à cette période que les paysans s’exercent à la tabletterie durant les longues périodes d’hiver. Les nourrices aussi ont commencé à travailler la tabletterie (dominos, gratte langue, boutons) avec de la nacre, de l’os, de l’ébène, de la corne ou de l’écaille. La nacre arrivait des ports de Marseille ou du Havre. Les paysans fabriquaient des montures, des accessoires de mode, des lampes. Au XXe siècle cet artisanat s’industrialise. Dans les années 1910 près de 15 000 artisans et ouvriers exercent ce métier. Méru est la capitale internationale de la nacre. Dans les années 1950 la concurrence du plastique va tuer la fabrication de ces objets en nacre. Aujourd’hui il n’a ya plus que 15 fabricants !

Exposition Matisse

L’exposition montre une centaine d’œuvres de l’artiste organisée en trois sections. Il existe des échanges commerciaux entre la France et Tahiti depuis le XIXème. A la fin du XIXe Tahiti représente un paradis sur terre inédit .Matisse avait envisagé de partir aux îles Galapagos ou aux Caraïbes, finalement il choisit Tahiti. Poussé par le souvenir de Gauguin et la découverte des sculptures du Trocadéro, Matisse quitte la côte d’Azur avec F.Hervé pour Tahiti en 1930. Sur place P.Schill, reporter photographe qui vit à New York et a traversé les Etats-Unis en train et est venu en bateau jusqu’à Papeete, le guide.

Geoffrey Martinache le commissaire de l’exposition, dit l’avoir construite à partir de correspondances de Matisse avec Amélie, sa femme à qui il relate tous les problèmes qu’il a pu ou qu’il peut rencontrer dans son travail au cours de son séjour sur les formes plastiques et formelles de la nacre. Matisse s’intéresse à la végétation et aux perles (il existe une première ferme perlière).

Matisse cherchait à renouveler ses techniques. La végétation que le peintre découvre à Tahiti va être déterminante pour son travail. Il fait part dans sa correspondance de son amour et de son désamour pour l’île (il s’ennuie). Mais comme il veut renouveler sa perception de l’espace et de la lumière, après s’être rendu au Maroc, puis en Algérie, Tahiti lui offre la possibilité de renouveler son expression. Vers 1940 il relit la correspondance qu’il a eue avec Amélie. C’est pour lui une façon de se souvenir de Tahiti. Il repense à la sensation d’envahissement qu’il a pu éprouver. Matisse n’est pas un photographe et lorsqu’il veut peindre des habitants de l’île, il se heurte à des refus (une jeune femme refuse de poser nue).D’ailleurs il n’a pas de chevalet, mais un carnet de croquis. Il est plus intéressé par l’espace vide et le paysage que par l’espace physique plein. Il retient du paysage tahitien le rapport de la figure au fond jusqu’à ce qu’elle se dissolve dans celui-ci et disparaisse. Sur place il est confronté à l’altérité, à la différence. Pour mieux appréhender l’environnement, il va sur les marchés et retrouve la population. Il apprivoise progressivement l’exotisme. Même s’il n’est pas photographe il utilise la photo pour se situer dans l’espace. Il cherche à se placer dans la végétation. Il est choqué par les arbres que l’on coupe à son retour à Nice. Ce qui l’intéresse, c’est le foisonnement de la nature.

Matisse va faire plusieurs esquisses sur ses souvenirs de Tahiti. Skira lui demande d’illustrer les poèmes de Mallarmé. De même il va illustrer les poèmes de Ronsard (les amours du poète) Il va se livrer à une purification de l’expérience tahitienne à travers la mémoire et le dessin. Il engage progressivement son œuvre dans une simplification des formes et des traits et dans l’utilisation des couleurs et leur rapport à la forme. Pour le peintre l’abstrait est le prolongement de la figuration. Ainsi l’algue prolonge la fleur. Dans un grand nombre de ses papiers découpés, on trouve une forme courbée et ondulée (1936). L’algue représente pour lui le devenir de la nature, le dynamisme de la vie. En 1943 pour les éditions Tériade il utilise la technique du pochoir. On retrouve à nouveau l’algue. Ses étoiles peuvent être des algues, des chevaux, des tigres…En 1946 il est en pleine expérimentation des papiers découpés. Il fait de la peinture architecturale pour la décoration. Le ciel et la terre sont en complète confusion. Matisse va essayer de transcrire cette nouveauté en tapisserie. Mais ce fut un échec (la couleur sable ne facilite pas le travail). L’artiste visite la même année les ateliers des Gobelins, de Beauvais .Pour relancer la tapisserie, les plus grands peintres sont sollicités comme Picasso, Matisse va réaliser (1664-1964) la tapisserie pour le tricentenaire.

Comme l’écrit Geoffrey Martinache dans un article sur le motif végétal dans l’œuvre de Matisse celui-ci invente une démarche qui consiste à créer le ou les conditions particulières pour que l’œuvre faite (puisqu’elle est devant nous) soit perçue comme une œuvre en train de se faire L’énergie de celle-ci n’est pas visible au sens où il ne s’agit pas d’un objet exhibé, mais elle est produite par la composition qui crée des tensions entre les formes. « Il ne suffit pas de mettre des couleurs si belle soient- elle, les unes auprès des autres », a dit Matisse à propos de Jazz, « il faut encore que ces couleurs réagissent les unes sur les autres ». Matisse perturbe le regard du spectateur en proposant un espace afocal. L’énergie et le mouvement des formes apparaissent comme un événement visuel. »

Visite des ateliers de la tabletterie

Le conférencier va nous montrer tout le parcours pour fabriquer des dominos, des dés dans le Jura. Le métier de tabletier est ancien. Les tables à jeux, les tables à écrire existent depuis le 13ème siècle. A la veille de la Révolution française les métiers se regroupent : les couteliers à Thiers, les facteurs de pipe à Saint Claude. Le tabletier utilise la nacre, l’ivoire, la corne, l’écaille. Il fabrique des jetons, boîtes, manches de couteau, montures d’éventail, chapelets, etc. Il se sert d’outils comme la scie ou la lime. La technique du tournage était fréquemment utilisée. Dans le pays de Thelle, beaucoup de tabletiers se sont spécialisés dans le travail de la nacre. Les beaux coquillage nacrés, comme l’huître perlière, le burgau, la goldfish ou le troca étaient pêchés en Australie, au Japon ou encore à Tahiti et arrivaient à Méru par wagons entiers.

La production des tabletiers était appréciée et exportée (montures d’éventail, dièses de piano, boules de billard, jumelles de théâtre, crosses de révolver) Elle fut exportée en Europe, en Amérique et en Afrique. La production de boutons de nacre naît au 19ème et se développe : boutons gravés, boutons teints pour les manteaux les chemises, les bottines.

Le visiteur découvre des ateliers en fonctionnement et suit la fabrication d’un bouton de nacre et d’un domino en os et bois d’ébène.
Pas moins de 28 étapes sont nécessaires pour une seule pièce. On part de l’os (bœufs importés des Etats-Unis et de l’Argentine), car les os sont plus résistants. et vont subir une macération. Pour coller on utilise la colle de poisson, puis on polit le dé.
Dès l’âge de 9 ans des enfants travaillent au XIXe dans ces ateliers. Pour un jeu de dominos, il faut compter jusqu’à 28 trous. Les ouvrières doivent faire par heure 3300 trous ! D’où l’expression « ne plus avoir les yeux en face des trous ! » Méru et sa région vivent jusqu’en 1960 au rythme des usines de bouton. Les plastiques condamnent peu à peu cette industrie.

Des montages audiovisuels complètent astucieusement cette visite. On peut admirer de superbes éventails et de multiples objets de tabletterie.

© Brigitte Defernez. Tous droits réservés Historiens et Géographes
Novembre 2014

Catalogue : « Le voyage de Matisse à Tahiti », Editions Snoeck, 25 euros, 176 pages sous la direction de Geoffrey Martinache.

Conférences :

  • Le textile dans l’œuvre de Matisse,
    22 novembre à 15h
  • Le thème de la Danse dans l’œuvre d’Henri Matisse,
    20 décembre à 15h

> Derniers jours !! Le voyage de Matisse à Tahiti au Musée de la Nacre - jusqu’au 27 décembre