Hommage à Rolande Trempé (1916-2016) Communiqué de l’APHG et d’Historiens & Géographes

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Rolande Trempé (1916-2016), grande historienne du mouvement ouvrier.

Par Rémy Pech [1] et Rémy Cazals. [2]

Fille d’un père tué en juillet 1918 dans l’Aisne, pupille de la nation, elle est élevée en Brie par ses grands-parents journaliers agricoles. Rolande, formée à l’école primaire supérieure et à l’école normale d’institutrices, débute sa carrière d’enseignante d’histoire et géographie à Charleville en 1940. Elle poursuit des études en Sorbonne, assurant parallèlement le rôle d’ agent de liaison et de renseignements pour la Résistance. Ardente militante du PCF dans les Ardennes à la Libération, en butte à des manœuvres d’appareil, elle conserve ensuite avec le parti une proximité critique concrétisée par son attachement à l’histoire ouvrière.

Nommée en 1947 professeur à l’École Normale d’Apprentissage de Toulouse, elle forme de nombreux professeurs de l’enseignement technique. Elle mène à bien sous la direction de Jacques Godechot la première thèse d’histoire ouvrière sur les mineurs de Carmaux (1971), devenant la meilleure spécialiste de Jaurès dans ses relations avec le monde ouvrier. En poste à la Faculté des Lettres (aujourd’hui Université Jean-Jaurès) de 1964 à 1983, elle forme plusieurs générations d’étudiants marqués par un enseignement empli de science et de vie, émaillé par de nombreux débats avec des acteurs du mouvement ouvrier et des visites d’usines. Sa connaissance intime des idéologies socialistes et du mouvement gréviste, son approche rigoureuse, exempte de tout a priori et sectarisme lui assurent, au sein et au dehors de l’université, un rayonnement singulier. Elle participe activement à la rédaction du Maitron et du Mouvement social.

Elle déploie ses recherches dans trois directions : l’étude des luttes ouvrières et particulièrement celles des mineurs, la Résistance à travers notamment les FTP-MOI (Main d’œuvre immigrée) et les camps d’internement de femmes, les études féministes. Elle organise dans chacun de ces domaines des colloques interdisciplinaires mettant en présence universitaires et acteurs, elle collabore à plusieurs films et noue plusieurs contacts internationaux (Mexique, Italie) et crée avec Madeleine Rebérioux et d’autres historiens le Centre national et musée Jaurès de Castres, où elle accueille le Président François Mitterrand lors de l’inauguration le 16 novembre 1988. Présidente d’honneur de la société d’Études jaurésiennes, dotée d’une vitalité sans égale, elle reste jusqu’au bout habitée par la passion de la recherche collective et celle de la transmission.

Capable d’analyser et de comprendre les mouvements sociaux en toute lucidité, elle était aussi, par sa propre vie et par ses engagements, attentive aux destins individuels et attachée au droit à la différence. Sa disparition a fait l’objet de plusieurs articles nécrologiques dans la presse nationale.

© Rémy Pech
Président honoraire de l’Université Toulouse Jean-Jaurès
© Rémy Cazals
Professeur émérite de l’Université Toulouse Jean-Jaurès

Rolande Trempé fait l’objet d’une substantielle notice dans le Maitron.
Ses collègues et élèves lui ont offert le volume Militantisme et histoire, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2000.

© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 25/04/2016.

Illustration en « une » : Rolande Trempé, une historienne dans son siècle, « Mondes sociaux », https://sms.hypotheses.org/3773

Notes

[1Président honoraire de l’Université Toulouse Jean-Jaurès

[2Professeur émérite de l’Université Toulouse Jean-Jaurès