"Où l’Europe s’arrête ? Il y a peut-être douze réponses différentes à cette question..." Interview d’Helmut Schmidt
Les jeunes reporters du Grand méchant loup ont rencontré l’ancien chancelier Helmut Schmidt, décédé le 10 novembre 2015, et qui s’est engagé pour la paix dans le monde et l’Europe !
Helmut Schmidt et la France
Quand êtes-vous venu en France pour la première fois ?
Helmut Schmidt : Je suis allé une fois en France lors de la Seconde Guerre mondiale. J’étais messager et je devais transporter des dossiers de Berlin à Paris. J’adorais Paris. Cette ville m’a absolument impressionné. C’est tout ce que j’ai compris de la France, à cette époque. Je vais utiliser une image que vous ne connaissez peut-être pas du tout : pour moi Paris c’était comme une seule et unique ouvre d’art.
Auriez-vous pu imaginer à cette époque un jour l’ami d’un Français comme Valéry Giscard d’Estaing ?
Helmut Schmidt : Oui, j’aurais pu me l’imaginer. Mais, c’était la guerre. Et dans ces moments-là, on ne pense pas à des choses comme ça. Et en plus, je n’y suis resté que deux jours.
Où s’arrête l’Europe pour vous ?
Helmut Schmidt : Il y a peut-être six ou douze réponses différentes à ta question. Pour résumer la situation, je te donne un exemple : lorsque tu as sept ou huit personnes assises autour d’une même table, tu obtiens sept ou huit réponses différentes. En tout cas, une chose est certaine. La France et l’Allemagne appartiennent à l’Europe.
Le quotidien d’Helmut Schmidt en tant que chancelier
A l’époque où vous étiez Chancelier fédéral, l’Allemagne était divisée. Avez-vous regretté de ne pas avoir été Chancelier au moment de la réunification ?
Helmut Schmidt : Cela faisait déjà plusieurs années que j’avais quitté mes fonctions. Ce n’est pas quelque chose qui me serait venu à l’esprit. A vrai dire, je n’ai pas vraiment apprécié d’être chancelier.
Qu’est-ce qui vous plaisait le plus, quand vous étiez Chancelier ?
Helmut Schmidt : La soupe aux petits pois... Une fois, tous les quinze jours.
A la cantine ?
Helmut Schmidt : Non, pas à la cantine. Pour tout vous dire, on me l’apportait au bureau.
Qu’est-ce que vous aimiez le moins, il y avait des choses qui vous ennuyaient ?
Helmut Schmidt : Ce qui m’ennuyait, c’étaient les gens avec qui on perdait du temps parce qu’ils parlaient trop, alors qu’on aurait pu dire les choses beaucoup plus brièvement. La plupart des gens parlent trop...
Was haben Sie am liebsten gemacht ?
Helmut Schmidt : Da muss ich lange nachdenken... Da fällt mir keine kluge Antwort ein, und eine dumme Antwort will ich nicht geben.
Avez-vous atteint tous vos objectifs lorsque vous étiez chancelier ?
Helmut Schmidt : Sûrement pas. Non, sûrement pas.
Quoi par exemple ?
Helmut Schmidt : J’aurais aimé avoir moins de chômeurs dans notre pays qu’en réalité. Mais nous avions à faire à un chômage à l’échelle mondiale. Pas seulement en Allemagne, en Angleterre, en France, et aux Etats-Unis également. Dans le monde entier. Et tous les gouvernements se sont donnés du mal pour trouver une solution au chômage. Mais personne n’a pu le supprimer complètement.
Helmut Schmidt et l’Europe
Que pourrait-on améliorer en Europe ?
Helmut Schmidt : Qu’est-ce que tu peux améliorer chez toi, entre tes quatre murs ? Beaucoup de choses. C’est la même chose pour l’Europe : beaucoup de choses aussi.
On parlait déjà de l’Europe quand vous étiez petit ?
Helmut Schmidt : Non.
Vous nous avez dit tout à l’heure qu’il ne faut pas toujours se fier à Internet, et les journaux alors ?
Helmut Schmidt : Non plus. Dans la vie il y a très peu de choses auxquelles on peut se fier. L’exemple que je vais vous donner est encore plus ancien : Napoléon. Lorsque vous ouvrez un livre d’histoire français et que vous lisez ce qui est écrit au sujet de Napoléon, c’est tout à fait différent de ce que vous trouverez dans un livre d’histoire allemand. Aux yeux de ces Allemands, Napoléon était quelqu’un de terrible. Mais aux yeux des Français, c’était un grand empereur. Pour ce qui est de l’Allemagne, vous connaissez surtout Hitler, de la Russie, nous connaissons surtout Staline, et les Russes, de leur côté, connaissent des Allemands surtout Hitler.
Mais les Allemands, eux non plus n’aiment pas Hitler.
Helmut Schmidt : Oui. Tu as raison. Là-dessus, tout le monde est plutôt d’accord.
Helmut Schmidt et ses loisirs
Vous aimez le sport ?
Helmut Schmidt : Je regarde le sport à la télé mais jamais plus d’une demi-heure.
Qu’est-ce que vous faites quand vous ne travaillez pas ?
Helmut Schmidt : Je joue du piano.
Vous aimez la musique ?
Helmut Schmidt : Oui. Autrefois, j’écoutais beaucoup de musique, aujourd’hui j’ai des problèmes pour entendre, c’est plus difficile.
Qu’est-ce qui vous fait le plus peur ?
Helmut Schmidt : Je n’ai pas souvent peur. Mais, il m’est arrivé d’avoir eu peur, au cours de ma vie. Par exemple, peur de souffrir. Pendant la guerre, on a peur d’être grièvement blessé. Pas vraiment peur de la mort. Mais peur d’avoir mal, de souffrir de blessures graves. Et aujourd’hui, cela me fait encore peur, mais moins que pendant la guerre.
Aimez-vous les animaux ?
Helmut Schmidt : Ça dépend. Je déteste les sauterelles. Les limaces brunes ou noires aussi. J’aime presque tous les oiseaux et les chevreuils.
Voulez-vous nous poser une question ?
Helmut Schmidt : Moi, vous poser une question ? Combien de temps pensez-vous pouvoir parler vos deux langues ? Toute la vie ?
Oui, je pense que oui.
Helmut Schmidt : Oui ? C’est très bien. Je ne connais que deux mots en français et je les utilise rarement. « Oui, Madame ». Si une Française me demande quelque chose je lui réponds toujours : « Oui, Madame ». « Non Madame », c’est déjà plus difficile, mais j’y arrive quand même !
Lire l’interview avec Helmut Schmidt au complet
Interview : Alina, David, Emilia, Sidney
Dessins : David, Alina, Sidney
Textes, dessins et photos : © Grand méchant loup | Böser Wolf. 2007. Avec l’aimable autorisation de Madame Christiane Baumann.
Lien sur le site des "Grands méchants loups" : http://www.boeser-wolf.schule.de/interviews/ancien-chancelier-helmut-schmidt.html
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