Monsieur Benoît LEMAIRE, Chef de Cabinet représentant Monsieur TODESCHINI Ministre chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire,
Madame la Directrice de l’ONACVG, Présidente de l’Œuvre Nationale du Bleuet de France,
Monsieur Jean Philipe OULD AOUDIA, Président de l’Association les Amis de Max MARCHAND, de Mouloud FERAOUN et de leurs compagnons,
Monsieur Jean François GAVOURY, Président de l’Association Nationale pour la Protection de la Mémoire des Victimes de l’OAS,
Monsieur Hubert TISON, Secrétaire Général de l’Association des Professeurs d’Histoire et Géographie,
Monsieur Jean LAURANS, Président de la FNACA Paris,
Mesdames Messieurs et chers amis,
Mes remerciements à Madame NAJAT VALLAUD BELKACEM, Ministre de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de nous autoriser l’accès à cette salle de son ministère inaugurée le mercredi 12 décembre 2001 par Monsieur Jack LANG alors Ministre de l’Education Nationale, en hommage à six « HOMMES DE BIEN » tel que s’employait à les qualifier François MAURIAC. Six enseignants lâchement assassinés par un commando DELTA de l’OAS.
Nous sommes le jeudi 15 mars 1962.
En Algérie, dans ce pays inondé de soleil, depuis plus de 7 années, au fusil on éteint la lumière.
Bien décidé à mettre un terme à ce cruel et meurtrier conflit, la France a engagé des pourparlers avec les émissaires du FLN.
L’OAS s’oppose à toute négociation et le fait SAVOIR.
L’instruction n°29 du 25 février 1962 du général SALAN est sans ambigüité.
« L’irréversible est sur le point d’être commis… j’envisage de casser la manœuvre de l’adversaire … création de zones insurrectionnelles dans les campagnes….accroissement à l’extrême du climat révolutionnaire dans les grands centres urbains… il serait souhaitable qu’entre le 15 mars et le 20 mars, l’ensemble du territoire soit jalonné et carroyé par des zones insurrectionnelles… »
A Alger, ce samedi 25 février entre 13h et 17h, dans le quartier européen de Bab El Oued, 19 Algériens sont assassinés : un mort toutes les 15 minutes au cours d’une « ratonnade », le musulman étant assimilé à un « raton » à mettre hors d’état de nuire.
Pour mémoire, le 23 mars 1962, au même endroit, l’OAS n’hésitera pas à assassiner 7 jeunes du Contingent appartenant au CIT 160.
Le 15 mars 1962, sur leur lieu de travail, au lieu dit CHATEAU ROYAL, sur les hauteurs d’EL BIAR près d’Alger, six enseignants d’un Service de l’Education Nationale française : Les Centres Sociaux Educatifs, sont assassinés par un commando Delta de l’OAS.
Créés en octobre 1955 par Germaine TILLON, une centaine de centres permettent aux enfants, filles et garçons, un éveil scolaire ; offrent aux adultes enseignements, multiplient et diversifient les missions humanitaires. Les activités de leurs enseignants, au cœur généreux, témoignent d’une volonté d’une coexistence des communautés, de Paix.
Ces hommes portent les idéaux de la République.
Dans un article paru à la Une du journal « Le Monde » le 18 mars 1962, Germaine TILLON, Directeur honoraire à l’Ecole des hautes études et sciences sociales, dont on s’apprête à accueillir prochainement la dépouille au Panthéon, nous présente ces 6 hommes et leur mission :
Mouloud FERAOUN né en Grande Kabylie écrivain algérien, le plus important de son temps.
Max MARCHAND Oranais d’adoption – fils d’un menuisier de Haute Normandie : doctorat ès lettres, guerre de 40, cinq ans de captivité en Allemagne. Une première fois, sans l’avoir demandé, il avait été envoyé en Algérie. Puis, par choix, il était revenu.
Marcel BASSET originaire de Fousquieres-les-Lens dans le Pas de Calais.
Robert EYMARD originaire de la Drôme
Le catholique pratiquant SALAH OULD AOUDIA, le musulman ALI HAMMOUTENE
Ils avaient une passion commune :
« Le sauvetage de l’enfance algérienne, car c’était cela leur objectif, l’objectif des Centres Sociaux : permettre à un pays dans son ensemble, et grâce à sa jeunesse, de rattraper les retards techniques qu’on appelle « sous-développement ». Dans un langage plus simple cela veux dire : vivre.
Apprendre à lire et écrire à des enfants, donner un métier à des adultes, soigner des malades, ce sont des choses si utiles qu’elles en paraissent banales : on fait cela partout, ou, à tout le moins, on a envie de le faire. Dans les Centres Sociaux on rendait ce programme efficace grâce à quelques ambitions particulières : tout d’abord on ne scolarisait pas « des enfants », on avait calculé comment scolariser, vite, tous les enfants, filles et garçons, ensuite on voulait coordonner le programme de cette scolarisation trop élémentaire, trop hâtive, avec ceux de l’école primaire, afin que tous les enfants doués puissent accéder en masse à la complexe hiérarchie de l’enseignement. On voulait aussi que l’enfant instruit ne soit pas un phénomène étranger dans sa famille, et pour cela on avait mis au point des formules d’éducation globale (dite « de base »). Enfin, on y cherchait à augmenter le niveau général de la santé, les activités (donc les ressources) de chaque communauté villageoise où s’était implanté un Centre Social…C’était de quoi s’entretenaient ces six hommes, à 10 heures du matin, le 15 mars 1962… »
Au sein des Centres Sociaux Educatifs, Algériens et Français travaillent ENSEMBLE, ce que ne peut tolérer l’OAS opposée à cette préfiguration d’une Algérie de demain indépendante et fraternelle.
Aussi, les 6 victimes ont été délibérément choisies.
L’OAS bien déterminée à empêcher la réconciliation entre les deux peuples.
Rappeler leur tragique destin, c’est RAPPELER, les valeurs qu’ils ont enseignées, défendre leurs idéaux qui sont les nôtres.
Combien se souviennent aujourd’hui de ce CRIME soulevant l’indignation
– Une tuerie lucidement planifiée contre 6 hommes de Culture, de Paix et de Fraternité
– Des commanditaires et exécutants déjà connus pour leurs activités criminelles.
Une complicité de fait entre l’Etat et l’OAS laissée libre en toute impunité de supprimer des vies humaines quand moult lois d’amnistie prônent, encouragent l’amnésie interdisant aux victimes la liberté d’expression.
Aujourd’hui, certains nostalgiques d’un passé qu’on aurait pu croire révolu, n’hésitent pas à bafouer l’autorité du président de la République, Chef suprême des Forces Armées en se mettant HORS LA LOI de la République.
Assimiler un ancien officier putschiste, condamné en son temps à la réclusion, et amnistié, pour avoir mis en péril les institutions républicaines à Jean Moulin, héros national de la Résistance inhumé au Panthéon pour justifier l’inacceptable outrage de tenter d’effacer de la Mémoire des Hommes le 19 mars, date de commémoration nationale de la République Française est humiliant et honteux.
Quand l’heure est plus que jamais à la mobilisation générale pour permettre à l’école de former les citoyens de demain, nous attendons des autorités la plus grande fermeté quant à l’attitude négationniste de certains élus au regard de l’écriture de l’Histoire.
Par votre présence à cette émouvante cérémonie du Souvenir, rappelant la minute de silence observée dans tous les établissements scolaires ce 19 mars 1962 à 11h00, vous apportez la preuve, si besoin est, que par delà la DECHIRURE, les BLESSURES à l’âme, d’une guerre aux feux mal éteints, vous êtes porteurs d’une espérance de VIE, d’ambition, bien déterminés à demeurer vigilants. Vous refusez à ceux que votre passé devienne le futur de vos enfants et petits enfants en sachant que dans la vie, tout ce qu’on fait, on le fait pour les enfants.
Vous avez fait votre cette pensée de Victor Hugo « un enfant que l’on enseigne est un homme que l’on gagne ».
A l’ombre d’une PAIX toujours fragile, en ce printemps où le ciel est tourmenté, le soleil combat les nuages.
Aux briseurs de rêves imposons le silence des armes.
Comme nous l’enseigne Albert Einstein : le monde est dangereux à vivre non pas à-cause de ceux qui le font mal, mais à-cause de ceux qui regardent et laissent faire.
Grâce à vous, au cœur de nos préoccupations mémorielles, continuons ensemble à savoir être, savoir-faire et faire-savoir.
La Rédaction de la revue Historiens & Géographes Tous droits réservés. 21/03/2015.