Le succès actuel d’Internet est incontestable. Les derniers manuels de Seconde en attestent. Les enseignants, par choix ou sur commande, ont appris à tirer parti de "l’alchimie des multitudes" (F. Pisani) dans la préparation de leurs cours et en classe. Des premiers SIL’Z aux réseaux actuels à haut débit, que de chemin parcouru ! Entre 1997 et 2010, plus de cinquante Chroniques ont accompagné la progression des usages d’Internet en Histoire et en Géographie. [2]]
Métier
Internet modifie tous les métiers, y compris celui de l’historien (cf. Athis ou R. Minuti). Le web élargit la diffusion des revues, il permet d’accéder en différé à la radio ou à la vidéo, mais à lui seul, il ne compense ni la suppression de la formation professionnelle initiale ni le recul de la formation continue. Le réseau est un objet d’étude pour les géographes et les cartographes.
Listes de diffusion
Les pionniers ont fait le choix du bénévolat et de la mutualisation. Les listes de diffusion sont au cœur de ce travail intellectuel à distance : suivi de sites web, mise en commun de supports de cours, échanges sur les pratiques... Ces communautés professionnelles numériques, avec leurs affinités et leurs inimitiés, ont comblé le vide provoqué par la disparition des Mafpen. En Europe, les forums ont également joué un rôle majeur, notamment Schoolhistory et SLN Geography au Royaume-Uni.
Technologies éducatives
Internet est un poste efficace d’observation. Le réseau a bénéficié des acquis de quinze ans d’informatique pédagogique. En classe, pour l’enseignement général, l’élément décisif ce sont les effectifs : modules, ECJS [3], voire TPE, [4] tout ce qui permet le travail en groupe a été exploité par les tenants d’une pédagogie active. Récemment, le vidéoprojecteur et le tableau numérique ont plutôt renforcé le cours magistral. Lors de la rentrée 2010, Internet a été convoqué comme roue de secours : il devait donner accès à des manuels conçus en flux tendus.
Liens
Internet est une source documentaire inépuisable. Aux Etats-Unis, le suffixe .edu sert à identifier les sites d’universités ; la France, pays jacobin, a négligé une telle harmonisation. La veille collective aide à repérer les sites les plus utiles et à écarter le bruit documentaire ; elle complète l’indexation par les moteurs de recherche spécialisés (cf. Google Custom Search). Internet Archive redonne souvent vie aux adresses périmées... Des bases très documentées complètent l’apport des manuels : Web Gallery of Art, Wikimedia Commons, Survol de France, Newsmuseum... Néanmoins, un réel effort serait nécessaire pour enrichir les contenus scolaires du web francophone en accès libre et gratuit. La mise en place d’espaces non indexés permettrait une pédagogie du tâtonnement, avec ses essais et ses erreurs.
Valider
La fiabilité d’Internet est sans cesse interrogée, parfois davantage que la pédagogie implicite. On peut se contenter d’une validation hiérarchique. Enseigner la pratique d’une lecture distanciée est préférable. Le discours des médias peut alors être décodé : ainsi le "virtuel", c’est avant tout du "réel" : le travail intellectuel des internautes, la circulation des idées sont aussi concrets que les prouesses techniques mises à leur service. "L’obsession de la nouveauté" mériterait également d’être analysée.
Traiter ou communiquer
L’ordinateur est avant tout un instrument de calcul et de traitement des données. Le succès de Google Earth est connu, tout comme sa combinaison du planétaire et du local ; Géoclip est une autre réussite, aussi bien pour la réactivité de ses concepteurs et de ses utilisateurs que pour sa qualité graphique. L’épreuve du croquis au Bac a servi de support à un travail collectif en ligne. Toutes ces productions ont alimenté les sites académiques, des blogs de classe et des sites indépendants, personnels ou associatifs.
Droit d’auteur
Des associations proposent des contenus dont les droits d’exploitation ont été négociés au préalable. De plus, pour l’image comme pour la vidéo, rien n’interdit de solliciter et d’obtenir une autorisation pour des usages non commerciaux.
Controverses
Certains technophobes voudraient débrancher l’école. Selon eux, Google Books menacerait la lecture, Wikipedia incarnerait "l’erreur à haut débit" et le web rendrait "encore plus bête"... Après la télévision et la culture de masse, le web est la nouvelle cible d’une légende noire qui se nourrit tantôt de la nostalgie de Gutenberg et des Humanités, tantôt d’une allergie aux excès des promotions publicitaires ou institutionnelles. Plusieurs spécialistes, dont le regretté Roy Rosenzweig, ont souligné l’écart entre ces discours et les usages sociaux concrets : la numérisation ébranle le système hérité des siècles précédents, mais le web n’a jamais empêché de lire et d’écrire. Au contraire.
Internet militant
De nombreuses associations dynamiques savent tirer pleinement parti de l’outil exceptionnel qu’est Internet. Le réseau des réseaux est au coeur de nombreux enjeux civiques : respect des libertés individuelles, protection de la vie privée, situation des droits économiques et sociaux... Autant de thèmes à débattre en classe.
Historiens & Géographes, novembre 2010, n°412, p. 111-112. Tous droits réservés.
Illustration : http://clioweb.free.fr/chronique.htm