Invisibilisés, méprisés, sacrifiés ? Communiqué de l’APHG

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En solidarité avec les étudiant.e.s des Universités françaises, en distanciel depuis dix mois.

Dans cette crise sanitaire qui frappe le monde depuis plusieurs mois, nous voulons dire notre sollicitude aux étudiant.e.s.

Parce que nous l’avons été pour pouvoir devenir professeur.e.s d’Histoire-Géographie, nous savons ce que représentent ces précieuses années universitaires où nous avions des échanges avec nos professeur.e.s et entre nous, où nous nous nourrissions de nos discussions et de nos découvertes, où nous étions avides du savoir qui s’offrait à nous. Depuis plus de huit siècles, l’Université, cette merveilleuse union des métiers de l’esprit, forme les êtres et forge les âmes par ces rencontres si vivantes. De cela, depuis plusieurs mois, nos étudiant.e.s sont privé.e.s et nous aussi qui enseignons. Nous espérons bien sûr que cette période n’aura qu’un temps, mais elle vient frapper une jeunesse qui subit une précarisation continue de ses conditions de vie et d’études.

Entre jobs sporadiques et emplois à plein temps, nombre d’étudiant.e.s n’ont d’autres possibilités que de travailler pour vivre pendant leurs années de fac. Vivre pendant ses études, ce n’est pas que payer les frais d’inscription à l’université et acheter les manuels les plus indispensables ! Vivre, c’est aussi payer un loyer, de l’électricité, à manger ! Les images des soupes populaires auxquelles depuis plusieurs années beaucoup sont condamnés nous hantent. Notre société se rend-elle compte de ce que subit l’étudiant privé de baby-sitting parce que les parents ne sortent plus dans les cinémas, désormais fermés, aux heures bannies par le couvre-feu ? Se rend-elle compte du sort réservé à l’étudiante qui ne peut plus devenir serveuse de restaurant le week-end ?

Ça et là, on peut entendre quelques spécialistes vanter les capacités de résilience de la jeunesse. C’est là la marque d’un pari bien présomptueux. Parfois, à hauts cris inversement proportionnels à l’aide réellement fournie, un membre du gouvernement affirme un intérêt fugace à l’égard de nos étudiant.e.s. C’est là l’empreinte d’un cynisme indécent.

L’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) lance un cri d’alarme. Tout ne peut pas reposer sur la meilleure volonté de chaque pôle universitaire. Nos collègues font tout leur possible pour rendre le quotidien de leurs étudiant.e.s le moins pénible. Le politique doit montrer qu’il sait être efficace pour agir, et non seulement pour communiquer. Les étudiant.e.s ne peuvent plus être oublié.e.s des conférences de presse et des décisions plus ou moins cohérentes. C’est un véritable plan de sortie de crise de l’Université et pas quelques heures de tutorat, qu’il faut mettre en œuvre, en luttant contre la précarité de la vie étudiante, en renforçant les moyens accordés à l’enseignement supérieur et à la recherche, en faisant de la formation une priorité nationale.

Les étudiant.e.s d’aujourd’hui seront nos collègues demain. En eux, nous plaçons notre confiance. L’APHG, maison commune de tous les professeurs d’Histoire-Géographie, dénonce fermement les propos nauséabonds de rances retraités qui, dans un quotidien national en date du mardi 12 janvier, condamnent leur supposée « paresse intellectuelle », comparent leur attitude face à la presse à celle de religieuses à qui on montrerait des images pornographiques (sic) et considèrent que les candidats aux concours ne sont pas des « étudiants de qualité ».

Etudiant.e.s d’Histoire et de Géographie, l’APHG vous dit sa confiance et son admiration.

Nous étions ce que vous êtes, vous serez ce que nous sommes !

Le Bureau National de l’APHG

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