Jean Zay, Le ministre assassiné (1904-1944) Compte-rendu de la rédaction / Histoire contemporaine

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Antoine Prost, Pascal Ory. Jean Zay, Le ministre assassiné (1904-1944), Editions Tallandier, réseau Canopé, 2015, 156 p.

L’entrée au Panthéon de Jean Zay en 2015 a donné lieu à de nombreuses publications. Commandité par le Ministère de l’Education nationale, confié à deux des meilleurs spécialistes de l’histoire de l’Ecole et du Front populaire, cet ouvrage présente l’œuvre politique du « Ministre assassiné » (1904-1944).

Soutenu par une riche iconographie et la présentation de documents d’archives inédits, il s’ouvre sur des éléments biographiques connus (issu d’une famille dreyfusarde implantée à Orléans, bachelier à 19 ans, Jean Zay accède au Barreau à 28 ans et milite très tôt dans les cercles républicains, délaissant la vie politique locale pour être élu député dès 1932 et intégrer le gouvernement Blum en 1936) pour revenir avec forces précisions sur son action au sein du Ministère de l’Education nationale qui, à l’époque est loin d’être un Ministère régalien. La démocratisation de l’enseignement est le pivot de réformes, projets de lois et autres programmes dont les grandes lignes sont ici rappelées : véritable préfiguration du Plan Langevin-Wallon, le principe d’une Ecole unique suppose une reconfiguration de « l’Ecole moyenne » (projet déposé le 5 mars 1937) et une refonte des Cours complémentaires et Ecoles Primaires Supérieures, désormais rattachées au second degré.

L’expérimentation des classes d’orientation en 1973/38, la réorganisation de l’apprentissage qui suppose la création d’un réseau de Centres d’orientation, le prolongement de l’âge de la scolarité obligatoire de 13 à 14 ans (seule mesure programmatique du Front populaire), la modification des programmes des classes de fin d’études primaires, l’introduction de la demi-journée de plein-air et des activités dirigées, la mise en œuvre des premiers dispositifs de formation continue des maîtres… Longue liste de réformes qui traduisent la volonté farouche de Jean Zay d’associer instruction et éducation dans un même projet politique ambitieux, en pleine conformité avec ses idéaux républicains.

On lira également avec intérêt les belles pages consacrées à la structuration de la recherche scientifique et l’action de Jean Perrin (le CNRS sera finalement créé le 19 octobre 1939), et la densité de la politique culturelle, également sous-tendue par un idéal de démocratisation : refonte de l’Opéra et de la Comédie Française, Etat devenant un commanditaire d’œuvres littéraires et artistiques, subventions aux jeunes compagnies théâtrales et autres campagnes de popularisation à l’image des lectures publiques. De ce vaste ensemble reste toutefois un bilan en demi-teinte, face aux résistances multiples, à l’orthodoxie budgétaire de la commission des finances du Sénat et d’une lenteur parlementaire sans cesse dénoncée par Jean Zay.

L’ouvrage se clôt sur sa fin tragique, après qu’il ait rejoint son unité en septembre 1939, ait été arrêté à Casablanca, jugé par le Conseil de Guerre et emprisonné à Riom, jusqu’à son transfert à Melun et son exécution par la milice près de Cusset. Longtemps demeuré dans l’oubli ou confinée à des formes de « mémoires locales » malgré les actions de sa famille, ce bel et docte ouvrage participe de la réhabilitation bien tardive d’une figure du Front populaire et d’un grand Ministre de l’Education nationale.

© Olivier Chovaux pour les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes, 25/05/2016. Tous droits réservés.