L’adoption à l’international. Un état des lieux en France Compte-rendu de la rédaction

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L’adoption à l’international. Un état des lieux en France, sous la direction de Brigitte Tison, publié en mai 2015, éd. L’Harmattan, 341 p. [1]

Par Hélène Marin [2]

Les auteurs de ce livre travaillent tous(tes) directement ou indirectement au service de l’adoption. L’objectif est de faire le point sur l’adoption en France. Beaucoup de livres ont pu être publiés sur l’adoption dans le monde, des témoignages, mais un état des lieux en France n’avait jamais été réalisé auparavant.

Le sommaire est ainsi composé :

Un avant-propos constitué par le témoignage d’une jeune femme adoptée au Vietnam dans le centre Terre des Hommes et qui a bien voulu accepter d’écrire quelques mots, sous couvert d’anonymat.

Puis, après une introduction :

1. Quelques généralités sur l’adoption
2. L’adoption dans les différentes aires culturelles
3. Définitions, concepts, éléments théoriques
4. Problématiques posées par l’adoption

Ensuite, les co-auteurs, en fonction de leurs compétences, à leur tour, relatent ce qu’ils connaissent sur l’adoption.

5. L’adoption, une histoire de don, de dette, de filiation, P. Coslin, professeur émérite en psychologie sociale à l’université de Paris V.
6. Que dit la loi ? F. Guimelchain, avocate au barreau de Paris, trace les grandes lignes prescrites par le législateur.
7. Le parcours de l’adoptant. M.C .Guette, psychologue, thérapeute familiale, refait le parcours de l’adoptant, les difficultés, les facilités, toutes les procédures administratives.
8. Le malentendu de la rencontre. F. Blondiaux, psychologue à l’Aide sociale à l’Enfance (ASE-92) évoque les difficultés qui émergent pour l’adoptant et l’adopté.
9. L’adoptant, l’adopté A. de Truchis, médecin au Vésinet, consultante auprès du ministère pour l’adoption.
10. La consultation adoptants, adoptés de Versailles. A. de Truchis, directrice de la consultation. Une situation d’urgence : Haïti.
11. Les troubles psychiques, psychologiques, psychiatriques. A. Targa, pédopsychiatre au CHU de Clermont de l’Oise. Sa longue pratique auprès d’enfants, d’adolescents adoptés lui permet d’évoquer les troubles qui peuvent affecter ces enfants, adolescents voire adultes.
12. L’institution accueillante. P. Lassus, ancien directeur de la Sauvegarde de Paris parle de l’accueil des enfants adoptés et des rapports des enfants adoptés avec l’institution.

En bref, le phénomène de l’adoption a battu tous les records au tournant des années 2000. A présent, il est en chute libre. Brigitte Tison évoque comment les différents pays se sont depuis dotés de législations plus coercitives. Ainsi, le Brésil et l’Amérique latine, en général, ont fermé leurs frontières à l’adoption à l’international. Des trafics à répétition se sont déroulés autour de l’adoption et face aux critiques multiples, les gouvernants ont décidé que l’adoption se ferait dans les pays eux-mêmes (un enfant brésilien pourra être adopté par une famille brésilienne et ne le sera plus par une famille américaine ou européenne).

La Russie a également fermé ses portes mais c’est plutôt devant l’évolution de la société européenne et, en particulier, si un couple homosexuel fait la demande d’adopter. En plus de ces nouvelles restrictions, certains pays porteurs de traditions religieuses strictes comme les pays arabo-musulmans interdisent le principe même de l’adoption. Au chapitre 3, l’auteur rappelle les différentes traditions et leurs habitudes face à l’adoption. L’auteur fait un rappel de définitions, de concepts tels que l’enfant abandonné, l’enfant de la honte, l’enfant de la réparation et de quelques éléments théoriques (théorie de l’attachement selon Bowlby…).

Au point 4, B. Tison annonce les problématiques que pose l’adoption : don, dette et filiation. Ces questionnements sont repris par les différents co-auteurs dans les chapitres qui suivent.

Au chapitre 6, F. Guimelchain, avocate, dresse le tableau des conditions juridiques de l’adoption (Qui sont les enfants adoptables ?)… elle met l’accent sur la phase administrative et l’obtention de l’agrément (demande, procédure, mise en relation adoptant/adopté, adoption plénière, adoption simple…)

Puis, M.C. Guette, psychothérapeute familiale, illustre la démarche des adoptants et fait le point sur les différents types d’entretiens auxquels sont soumis les futurs adoptants. Elle décrit le temps de l’agrément, l’attente, l’aboutissement, l’annonce de l’arrivée de l’enfant, la rencontre, le voyage éventuellement…

F. Blondiaux, qui lui, travaille à l’Aide sociale à l’enfance, relate les déboires de l’adoption, les difficultés et illustre également ses propos avec des exemples vécus. Comme MC Guette, il se pose la question de l’accompagnement de ces parents adoptants.

A de Truchis, médecin, dirige une consultation pour ces parents adoptants et leurs enfants adoptés à Versailles. Elle nous raconte le déroulé d’une telle consultation, en particulier, la prise en charge, les soins qu’elle peut être conduite à faire, le suivi des enfants adoptés et le travail qu’elle ait amené à faire avec un psychiatre.

A. Targa, pédopsychiatre, répond à ces questionnements par son travail de suivi auprès d’enfants adoptés devenus adultes et qui présentent des troubles psychologiques ou psychiques. Un temps, il y avait comme un tabou sur le fait que les enfants adoptés puissent présenter des difficultés psychologiques (détectés à l’école bien souvent). Depuis quelques années, le tabou a été levé et l’on reconnaît que beaucoup d’enfants adoptés ne sont pas forcément indemnes de toute difficulté psychologique.

Enfin, P. Lassus, ancien directeur de la Sauvegarde à Paris, dénonce un peu l’incurie des institutions qui ferment les yeux sur les enfants abandonnés et leurs besoins et qui mettent toujours en avant la demande potentielle des parents. Actuellement, il y a une véritable baisse des effectifs d’enfants abandonnés mais ces enfants abandonnés et qui ne sont plus reconnus comme tels le sont encore plus puisque les parents ne viennent pas les voir ! L’auteur mentionne la pathologie du lien.
P. Lassus rappelle que le droit à l’enfant n’est pas une obligation. En revanche, que l’enfant bénéficie de la prise en charge par une famille aimante et qui l’aide à grandir et à se développer, cela est un droit.

Pour conclure, ce livre fait le point sur l’adoption au regard de l’évolution sociale. Différents acteurs de l’adoption se sont efforcés de transmettre ce qu’ils en savaient à partir de leurs pratiques et de leurs réflexions.

On lira avec attention en annexes un texte de A.C. de Mello, professeur à Sao Paulo en psychologie sur l’adoption d’un enfant. Egalement, un texte sur le Centre Terre Des Hommes à Saïgon, qui a été dirigé juste avant l’indépendance du pays par Brigitte Tison. Une bibliographie et quelques textes législatifs.

Nous recommandons la lecture de cet ouvrage collectif au personnel soignant dans les services de pédiatrie, de gynécologie, pour tout un chacun qui adopte ou connaît une personne qui adopte. Il s’adresse en particulier aux sages femmes, aux puéricultrices, aux médecins, aux pédiatres, aux pédopsychiatres, aux psychologues des services de l’enfance. Les professeurs (notamment en cours d’EMC) tireront profit de ce livre pour tout ce qui se rapporte à l’adoption internationale, qui peut concerner certains de leurs élèves.

Hélène Marin pour Historiens & Géographes - Tous droits réservés.

Les services de la Rédaction - Tous droits réservés. 26/10/2015.