Par le Réseau Récolarel [1]
L’enseignement des faits religieux à la rentrée 2016 : les textes officiels sont-ils à la hauteur des enjeux ?
A la rentrée 2016, les élèves suivront de nouveaux programmes. [2] Qu’en est-il de l’enseignement des faits religieux ? Parallèlement, un livret laïcité destiné aux chefs d’établissement a été publié en novembre 2015. [3]
Ces changements attendus soulèvent de multiples questions dans les programmes comme dans le livret.
Un livret laïcité à la formulation approximative
Dans ce dernier, regardons dans le chapitre IV, "laïcité et enseignements", ce qui concerne l’enseignement des disciplines scientifiques. On y lit : "Il faut pouvoir :...éviter la confrontation ou la comparaison du discours religieux et du savoir scientifique. Dans les disciplines scientifiques (SVT, Physique-chimie etc.) il est essentiel de refuser d’établir une supériorité de l’un sur l’autre comme de les mettre à égalité."
On n’aurait donc pas le droit de contester une prise de position créationniste qui revient pourtant à donner à une religion particulière un droit de regard indu sur le domaine scientifique. Il aurait mieux valu écrire que la religion n’a pas à s’introduire dans un domaine qui n’est pas le sien et réciproquement que la science n’a rien à gagner si elle se substitue au discours religieux, chacun n’étant légitime que dans son propre domaine qui doit être délimité avec rigueur. La question ne se pose d’ailleurs pas seulement dans les disciplines scientifiques mais également en histoire.
Toujours dans le même chapitre de ce livret laïcité, un peu avant, il est dit :
"L’enseignement des faits religieux est laïque. Ce n’est pas un cours d’instruction religieuse. Il faut pouvoir :
– montrer que les grands textes religieux, les oeuvres d’art constituent un bien commun universel et ne sont pas la propriété exclusive des croyants. Leur découverte permet une véritable ouverture aux autres cultures".
Passage qui appelle plusieurs commentaires.
1) L’opposition entre l’enseignement des faits religieux et un "cours d’instruction religieuse" est trop élémentaire pour clarifier les enjeux. Il aurait été plus utile de souligner que les grands textes religieux et les œuvres d’art peuvent faire l’objet d’une approche différente selon les circonstances, les contextes et les personnes qui les prennent en charge et que les enseignants, dans un cadre laïque, peuvent et doivent expliciter ces différences entre le savoir et le croire.
Les élèves croyants accepteraient mieux la présentation de ce qu’ils croient si on leur expliquait qu’il ne s’agit pas de remettre en cause leur propre croyance mais d’accepter pour une durée limitée de les mettre entre parenthèses pour faire connaître leur contenu à leurs camarades qui les ignorent. Les élèves non-croyants, de leur côté, accepteraient mieux les connaissances présentées si on leur expliquait qu’il ne s’agit pour eux que d’être informés et nullement d’être endoctrinés.
De telles clarifications préalables permettraient de désamorcer les conflits et d’apaiser les débats tout en favorisant une liberté d’expression conforme à la laïcité.
2) S’il semble donc incontestable que "les grands textes religieux, les œuvres d’art constituent un bien commun universel et ne sont pas la propriété exclusive des croyants", encore faudrait-il se donner les moyens de faire partager ce bien commun dans les meilleures conditions. Est-il sûr que, comme l’affirme le livret laïcité, " Leur découverte permet une véritable ouverture aux autres cultures" ? Est-il si évident qu’il y ait cette parfaite équivalence énoncée entre croyance et culture ? N’est-ce pas réintroduire des confusions dans les limites à distinguer avec rigueur entre domaines qui relèvent du savoir et du croire ?
Un enseignement des faits religieux en français en 6e en peau de chagrin
Si l’on considère le nouveau programme du français en 6° à la rentrée 2016, on étudie : " un extrait long de La Genèse dans la Bible (lecture intégrale) et des extraits significatifs de plusieurs des grands récits de création d’autres cultures, choisis de manière à pouvoir opérer les comparaisons."
Or, pour que les élèves découvrent d’autres cultures, il est nécessaire qu’ils soient préalablement initiés à ce qu’est leur propre tradition qu’ils ignorent très fréquemment tout autant que ces cultures dites "autres ".
La Bible n’étant plus représentée désormais que par un seul extrait (en lecture intégrale ?), on ne remédiera pas aux lacunes des élèves dans la connaissance des récits et des mythes bibliques si constamment présents dans l’histoire des arts.
En outre, au moment où on organise les enseignements pratiques interdisciplinaires, on se prive ainsi de possibilités de travail commun en français et en histoire.
La Charte de la laïcité de la rentrée 2013, au § 12, veut "garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs". [4] Les programmes de 2016 en ce qui concerne l’enseignement des faits religieux n’assure ni l’étendue ni la précision des savoirs.
On peut donc dire que la place de cet enseignement et surtout sa mise en place pratique telles qu’elles apparaissent dans les textes officiels, n’ont pas été prises en considération avec un sérieux et une rigueur à la hauteur des enjeux.
Le 22 février 2016
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Illustration en "une" : 11 janvier 2015. Mobilisation historique à Paris, autour de la place de la République © Photo R.V. / APHG / Historiens & Géographes. DR.