François Ier a régné sur la France de 1515 à 1547. Il n’est pas seulement le Prince éclairé des arts et des lettres, il est aussi le roi guerrier qui a dû affirmer son autorité tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du royaume de France.
La constitution d’une bibliothèque royale réunissant plusieurs centaines d’ouvrages sous son règne, ne répond-elle-pas à cette vision que l’on doit avoir d’un roi curieux des problèmes de son temps ? L’histoire de cette construction n’est-elle pas le reflet des préoccupations politiques mais aussi artistiques que ce souverain a su faire valoir ?
Contexte historique et évolution sur 32 années de règne
François Ier est le fils de Charles de Valois, comte d’Angoulême, et de Louise de Savoie ; il est arrière-arrière petit-fils du roi Charles V et cousin de ses deux proches prédécesseurs Charles VIII et Louis XII. A ce dernier roi, mort sans héritier mâle, succède sur le trône de France, François duc de Valois et comte d’Angoulême. Il était aussi le gendre du dernier roi défunt, ayant épousé en 1494, Claude de France, duchesse de Bretagne, héritière du duché de Bretagne. On voit l’importance des héritages puisque ce roi, comme ses prédécesseurs, reste attaché au Val-de-Loire et au château royal par excellence, celui de Blois. Il hérite des attributs de la royauté, de diverses résidences autour de Blois qui est presque la capitale politique du royaume. Les biens matériels sont aussi représentés par les livres précieux qui s’y trouvent...
François Ier est aussi dépendant des événements : il poursuit sur les traces de Charles VIII et de Louis XII, les guerres d’Italie. La France revendique le duché de Milan et entre en confrontation majeure avec les Habsbourg : Marignan est une grande victoire, mais, dix ans plus tard, le roi est vaincu à Pavie par les troupes de l’empereur Charles Quint. Fait prisonnier, il doit laisser en otage ses deux fils - dont le futur Henri II - l’opposition directe ou indirecte aux Habsbourg reste une constante de son règne.
Sur le plan intérieur, les historiens ont bien vu une activité tenace et soutenue à faire du pouvoir royal, un pouvoir de plus en plus fort. François Ier entame la voie vers l’absolutisme ; il s’affirme face aux grands seigneurs - il confisque la bibliothèque du connétable de Bourbon - il s’affirme aussi face aux Parlements qui doivent transmettre l’autorité royale dans les provinces. Tolérant, au début de son règne à l’égard des Protestants, il n’hésite pas à les réprimer durement par la suite. Il renforce l’administration royale ; baillis et sénéchaux doivent assurer la transmission des directives politiques et judiciaires. Ils doivent appliquer ou faire appliquer les décisions prises en matière financière : levées des impôts, dépenses pour le prestige du roi, grands travaux, achats de livres précieux ou d’œuvres d’art, traitement des artistes... Le centralisme se met peu à peu en place...
Par goût et par intérêt, François Ier se montre grand mécène (comme les Princes italiens qu’il seconde ou démet selon les circonstances...) Cela fait partie du prestige royal. La guerre, le pouvoir politique, le pouvoir de représentation par les arts contribuent à forger la légende du roi de guerre et du roi des arts.
La bibliothèque royale qu’il rassemble, est un des éléments du renforcement du pouvoir de ce prince français.
La bibliothèque royale : élaboration et effets recherchés
François Ier à bénéficié de circonstances favorables
L’exposition, qui comprend trois salles, fait saisir par sa chronologie, le déroulement de cette élaboration. Rappelons que la renaissance est l’époque de l’explosion du livre imprimé - mais des artisans continuent à recopier des manuscrits comme au Moyen Age. Il n’y a pas que l’imprimerie qui entre en jeu, beaucoup de métiers se sont développés dans et autour des ateliers d’imprimerie : les relieurs, les décorateurs, les tanneurs et même les tisserands, travaillent dans les villes proches des princes, des grands seigneurs et des intellectuels qui apportent leurs connaissances. Tous ces gens commandent et collectionnent des livres luxueux ou plus ordinaires. Ils constituent des "librairies". Pensons à la "librairie" de Montaigne...
François Ier hérite des livres de la famille d’Angoulême
Le grand-père de François Ier, Jean d’Angoulême (1399-1467), est le premier à donner l’impulsion d’une grande bibliothèque princière : il installa dans son château de Cognac une grande collection de livres qu’il tenait de son père Louis d’Orléans et de Valentine Visconti, fille du duc de Milan. Prisonnier des Anglais, Louis "le poète" eut le temps de méditer et de consulter plusieurs livres. De retour de captivité, il put continuer à s’intéresser aux beaux livres grâce à sa femme qui en possédait quelques uns. Leur fils Charles d’Angoulême, fut aussi imprégné de l’importance des livres précieux. "Le Livre des Merveilles" qu’il acquit, lui vint de ses cousins Jean sans Peur et Jean de Berry. L’imprimeur parisien Antoine Vérard leur livra de nombreux volumes sortis de ses presses sur parchemins (!) et décorés par des peintures d’une délicatesse infinie.
Louise de Savoie, la mère de François Ier, était aussi une bibliophile avertie, commandant des œuvres au contenu religieux et s’entourant de gens lettrés qui lui firent des cadeaux, comme des traductions de Tite-Live et d’Ovide. Sachant que Louis XII n’aurait pas de descendants mâle, elle sut s’occuper de l’éducation de ses enfants, et notamment de François d’Angoulême. Le futur François Ier apprit à lire et se cultiva grâce à des livres que détenait sa mère : les couvertures de ces volumes furent de plus en plus travaillées - couvertures de satin ou velours de soie, brodées de fils d’or et d’argent.
La bibliothèque d’un Prince devient bibliothèque royale
Quand il accède au trône, François Ier hérite des ouvrages que les rois précédents avaient additionné au fur et à mesure des successions royales. Les guerres d’Italie lui amènent leurs lots de livres confisqués sur les ennemis ou donnés en cadeau. François Ier put faire occuper toute l’aile dite de "Gaston d’Orléans" à Blois sur des étagères, dans des coffres ou de petites armoires ; les livres sont rangés à plat ou inclinés sur des pupitres.
En 1544, la "librairie" du roi fut transférée au château de Fontainebleau que François Ier venait de commencer.
D’autres apports se firent : les livres d’Anne de Bretagne et de sa fille, première épouse de François Ier, Claude de France, "Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne" restèrent propriétés des rois de France. On sait que le peintre tourangeau Jean Bourdichon l’a fait illustrer d’enluminures peintes et de bordures décorées de végétaux. Louis XIV en disposait dans son cabinet de lecture à Versailles.
Des événements politiques marquèrent le destin de cette bibliothèque
Les apports en livres venus d’Italie sont liés à l’attrait que les Cités-Etats exerçaient sur la royauté française. Des œuvres richement décorées d’auteurs antiques, grecs et latins données par des Princes italiens ou par des écrivains comme l’Arioste, côtoient des livres plus simples issus d’imprimeurs vénitiens. On sait que François Ier donna l’ordre aux ambassadeurs de faire copier des livres et de les faire imprimer. Guillaume Budé conseilla au roi de France de créer un centre d’études érudites où des professeurs ou "lecteurs" devaient enseigner en s’appuyer sur ce tels ouvrages. La bibliothèque d’Antoine de Bourbon passa entièrement dans le domaine royal après la trahison du connétable en 1523. Louise de Savoie garda les livres les plus luxueux, notamment ceux qui venaient de la maison de Bourgogne, livres ayant appartenu aux épouses des ducs de Bourgogne...
Après François Ier, Henri II maintint la bibliothèque royale
Charles IX la fit transférer au Louvre en 1570. Henri IV enrichit les collections par des manuscrits venant de Catherine de Médicis : 800 manuscrits sont à mettre à l’actif de ce roi. Colbert, qui voulait monter la gloire du Roi Soleil, enrichit par des achats nombreux les collections qui se trouvaient à Versailles et au Louvre ; des cadeaux faits au roi s’ajoutèrent aux achats de cette période. Les ouvrages les plus luxueux étaient exhibés pour montrer la puissance du roi auprès des ambassadeurs étrangers de passage.
En 1692, la Bibliothèque royale fut en partie ouverte au public et, cent ans plus tard, en 1792, les collections royales devinrent les collections de la Bibliothèque nationale de France.
L’exposition des trésors royaux à Blois a fermé ses portes le 18 octobre 2015 ; mais on peut toujours consulter les livres sur internet. L’année François Ier se termine après d’autres manifestations à Ecouen et surtout à Chantilly où l’on retrouvera des livres précieux : les "Heures d’Anne de Montmorency" par exemple. De riches reliures aux armes de François Ier sont aussi visibles aux archives du château de Chantilly.
François Ier, aidé de ses conseillers, avait compris l’importance de l’écrit comme moyen du contrôle royal. Il a su utiliser, avant Louis XIV, le livre comme outil de propagande et de prestige pour la royauté.
Bernard Puissacq, Tous droits réservés.
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