Ne nous leurrons pas, derrière l’école, ce sont les professeurs qui sont visés, et là encore jugés coupables et rendus responsables de tout. Ceux dont on attend tout et sur lesquels on juge commode de se décharger de tout, ou presque.
Ceux qu’on accuse de ne pas ou de mal enseigner telle ou telle question (un mot absent dans un programme d’histoire et c’est la révolution !).
Déjà bien trop longue est la liste de ces polémiques stériles, de ces débats ineptes, de ces mises en accusation scandaleuses, pourtant ressassés ad nauseam par des chroniqueurs, journalistes, et ce qui est encore plus grave, par des élus, se gargarisant de la République à tout propos, mais montrant chaque jour davantage leur détestation de l’école publique.
Alors que nous regardons avec inquiétude toutes les attaques menées contre les historiens dans des pays qui s’éloignent des idéaux démocratiques, que des médias relaient complaisamment les mensonges d’un supposé candidat à l’élection présidentielle, que les théories complotistes se diffusent de manière inquiétante et que le fossé s’élargit dangereusement entre les citoyens et ceux qu’ils ont élus pour gouverner, c’est avec un mélange de colère et de dégoût que nous avons pris connaissance du dossier publié par le Figaro Magazine.
Une couverture racoleuse, des accusations graves derrière lesquelles nous ne reconnaissons aucun de nos collègues ; des amalgames navrants, des confusions problématiques, des généralisations abusives à partir de cas isolés. L’historien recoupe ses sources, nous pensions que les journalistes faisaient de même.
S’il est trop long de relever ici toutes les approximations et erreurs, il en est une que les auteurs auraient dû se garder de commettre : désigner à la vindicte publique celles et ceux qui instruisent de leur mieux les élèves de tous âges ; insulter celles et ceux qui enseignent dans des conditions extrêmement difficiles, pour propager le savoir et faire reculer l’ignorance. Oui, nous devons lutter contre l’obscurantisme, contre l’antisémitisme, contre le racisme, contre le fanatisme, contre la désinformation permanente, contre le harcèlement. Oui, nous devons enseigner les droits et les libertés, promouvoir la science et la raison, promouvoir l’égalité, préserver dans nos établissements laïcs nos élèves des prosélytismes et de ceux qui chassent en meute. L’endoctrinement est le triste privilège des régimes totalitaires, dictatoriaux, et désormais illibéraux, ou celui des sectes ! Quant aux manuels, rappelons qu’en France, les manuels officiels n’existent pas, et que ce sont des outils que les collègues sont libres d’utiliser comme ils l’entendent. Ou pas. Connaissant le long travail que demande la rédaction d’un manuel scolaire, nous nous étonnons d’y voir associé le terme endoctrinement ; et encore plus de l’assourdissant silence gouvernemental face à ces attaques ignobles.
L’école idéale n’existe pas et la nôtre est perfectible. Mais on ne peut pas tout lui demander et tout lui reprocher alors qu’elle subit de plein fouet les conséquences des choix politiques aux divers niveaux de décision, et ce, depuis trente ans. Encore moins clouer au pilori celles et ceux qui la font tenir.
Aujourd’hui, la coupe est pleine et nous mettons en garde tous les bataillons des Fouquier-Tinville hostiles à l’école publique : en ces temps de crise, nous avons besoin de raison, d’éthique, de sagesse, de solidarité. Ceux qui diffusent mensonges et haines en rafale, ceux qui les laissent faire porteront de lourdes responsabilités.
Le Bureau national de l’APHG.
Le 13 novembre 2021.
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