Les espaces agricoles offrent, dans le monde, de spectaculaires contrastes humains.
Dans sa thèse, la géographe Geneviève Pierre (Pierre, 2004) étudie plusieurs dizaines de cantons en périphérie sud-est du Bassin parisien, sur les plateaux de Bourgogne (Yonne), de Langres (Côte-d’Or et Haute-Marne) et du Barrois (Haute-Marne). L’auteur n’hésite pas à les qualifier « d’angles morts ». Tant il est vrai qu’ils sont déjà peu peuplés, insérés dans le domaine du rural isolé, prototypes de la France du vide chère à Roger Béteille. Et pourtant, voici une des régions de quasi-monoculture en céréales et oléo-protéagineux parmi les plus productrices qui soient en France. Très intégrées au marché international, comme l’indique l’ampleur des exportations de blé vers l’Italie, ces campagnes sont placées sous la houlette d’exploitations hautement mécanisées dont la taille est en moyenne supérieure à 100 hectares et qui, pour certaines d’entre elles, dépassent les 1 000 hectares.
En retour, voici les campagnes du pays Bamiléké au Cameroun (Lebeau 1996 ; Renard, 2002). Les densités rurales dépassent les 150 habitants par km2, pouvant même être localement quadruplées en certaines chefferies (organisation socio-spatiale de base du territoire). Cette agriculture du plein s’articule autour d’un petit élevage (chèvres et bovins essentiellement) et de cultures très variées, adaptées à de riches sols volcaniques, et associées pour un usage certes commercial (culture d’exportation du café) mais aussi vivrier (manioc, pomme de terre, maïs). Les exploitations, à la taille pour le moins réduite, ne dépassent pas quelques ares (enclos) en moyenne, conséquence de l’ampleur du peuplement et des choix culturaux.
Ces deux exemples montrent la diversité des situations démographiques rurales. D’un côté, un espace quasi vide d’hommes et aux exploitations agricoles gigantesques. Là, des terroirs délimités en une quantité innombrable de petites parcelles, sur lesquelles greffe une pression humaine grandissante.
En toile de fond, reste le puissant mouvement d’urbanisation des populations mondiales qui semble vider les campagnes agricoles de leurs actifs. Car les statistiques officielles prouvent que les années 2000 sont bien celles du basculement de l’humanité dans l’urbanité. La croissance urbaine reste forte (+2,04 % par an dans le monde durant la période 2000-2005), cependant que le mouvement de métropolisation de la population mondiale (concentration dans les grandes villes) se poursuit. Si l’on ne comptait, en 1950, que deux métropoles dans le monde renfermant plus de 10 millions d’habitants, elles sont aujourd’hui 20 (accueillant en leur sein 9 % des urbains de la planète).
Dès lors, l’urbanisation du monde a-t-elle gommé la population rurale et agricole du monde ? Doit-on désormais faire définitivement un sort, dans les études de démographie, à la ruralité humaine ?
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