« La schlague ». Enjeux historiques de l’élection présidentielle Tribune libre

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La Rédaction du site internet national et de la revue Historiens & Géographes publie une série de tribunes libres afin d’ouvrir le débat dans le cadre des réflexions de la communauté éducative. Ces textes proposent des points de vue, des analyses qui appellent à la discussion. Ils n’engagent ni l’association ni la Rédaction.

Par Robert Steegmann. [1]

« La schlague ».

Au lendemain du débat du second tour de la présidentielle, je suis dans le devoir de rappeler les enjeux historiques de l’élection de dimanche prochain.

Je le fais en tant que président du Conseil scientifique du Centre européen du résistant déporté, lieu de mémoire installé sur le site de l’ancien camp de concentration nazi de Natzweiler, et conçu comme une œuvre de d’Histoire et de pédagogie, mais aussi comme un projet européen et humaniste.

Le Front national que représente Madame Le Pen, dans le droit fil de son père Jean-Marie Le Pen, a été fondé par les nostalgiques de la « belle époque » de Vichy et de la collaboration. Plusieurs des membres fondateurs de ce parti, à l’instar de Léon Gauthier, ont porté l’uniforme SS et ont soutenu les nazis durant l’Occupation.

Madame Le Pen est l’héritière d’une politique qui, de 1940 à 1944, a systématiquement exclu des catégories de la population française (juifs, homosexuels, opposants politiques) selon des critères contraires aux valeurs humanistes que nous défendons. Après la guerre, cette mouvance s’est fait une habitude de piétiner l’Histoire et de la falsifier, comme continuent de le faire certains cadres du Front national au mépris des travaux les plus éminents et les plus scientifiquement reconnus.

Madame Le Pen, user hier soir de l’expression de « schlague » adressée à votre contradicteur est pour moi intolérable. Au nom de tous ceux qui eurent à subir cette schlague qui, dans l’ancien camp de concentration de Natzweiler n’était pas un effet de discours, je m’élève contre l’indignité de vos propos et votre prétention à nous représenter.

Au nom des 52 000 détenus du camp de Natzweiler-Struthof, au nom des quelque 22 000 victimes de la barbarie nazie qui ont péri dans ce camp, au nom de ceux qui, Juifs ou Tsiganes, ont été éliminés de la société européenne sous le prétexte simple d’être nés et de ne pas être conformes à une prétendue pureté de la race, au nom de tous ceux-là j’appelle les Français à vous combattre.

Trop de malheurs ont semé la longue route qui nous a menés jusqu’à aujourd’hui. Trop de retours en arrière vers un passé toujours vu comme meilleur car non analysé historiquement ont jeté les peuples européens dans le carnage fatal. Ne nous voilons pas la face, car c’est toujours ainsi que le pire arrive. Et jamais, depuis 70 ans, nous n’en avons été plus proches.

© Robert Steegmann, Président du Conseil scientifique du CERD - Tous droits réservés. 5 mai 2017.

© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes, 05/05/2017. Tous droits réservés.

Illustration : Camp de concentration de Natzweiler-Struthof, source

Notes

[1Président du Conseil scientifique du CERD (Centre européen du résistant déporté).