Le musée Lapérouse d’Albi Dossier n°459 / Article

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Par Henri Simonneau.

Le musée Lapérouse d’Albi

Musée Lapérouse, Albi © Ville d’Albi

Le musée Lapérouse d’Albi, situé dans les anciens moulins de la ville, sur les bords du Tarn, a été inauguré en 1988. Il est dédié à une des personnalités de la ville, Jean-François de Galaup de Lapérouse, né en 1741 au manoir de Gô et disparu dans le Pacifique Sud en 1788. Il s’intéresse plus particulièrement à l’expédition qui fit la renommée du capitaine : en effet, à la demande de Louis XVI, deux frégates sous le commandement de Lapérouse, La Boussole et L’Astrolabe, quittent en 1785 la rade de Brest pour une mission d’exploration qui les emmène au Brésil, au Chili, sur l’île de Pâques, en Alaska, en Californie, dans la péninsule du Kamchatka, au Japon, en Australie, avant de s’échouer à Vanikoro, dans les îles Salomon, au mois de juin 1788. Pas moins de 225 hommes composent l’équipage : des marins, mais aussi des savants et des artistes qui réalisent un travail de cartographie et de recherche scientifique détaillé. Ce musée, composé de deux grandes salles, expose plus de 600 pièces, dont de nombreux objets trouvés sur les lieux du naufrage de La Boussole et de L’Astrolabe, mais aussi des fac-similés de pièces d’archives et des maquettes.

La première salle commence par dresser le portrait du jeune Lapérouse, depuis sa naissance albigeoise jusqu’à son engagement dans la guerre d’indépendance américaine. Mais une place prépondérante est laissée à l’expédition dans le Pacifique. Y est d’ailleurs exposé une reproduction du célèbre tableau de Nicolas-André Monsiau, Louis XVI donnant ses instructions au capitaine de vaisseau Jean-François de Lapérouse, peint en 1817 et conservé au château de Versailles. Au centre de la pièce, une maquette de La Boussole, le navire de commandement de l’expédition, permet d’avoir une idée assez précise de l’exiguïté du vaisseau et des conditions de vie dans une frégate à la fin du XVIIIe siècle. De nombreux instruments de bord (compas, boussoles octants), dépôts du musée de la Marine, sont exposés et illustrent les techniques de navigation au long cours à la veille de la Révolution. Cette première salle suit ensuite étape après étape le voyage de Lapérouse, en exposant côte à côte cartes, gravures contemporaines, photographies récentes des lieux, pièces originales et extraits du journal de bord de Lapérouse, dont une grande partie a été conservé, puisqu’envoyé en France au fur et à mesure de l’expédition.

Dans la deuxième salle, outre les références à d’autres grands explorateurs de la fin du XVIIIe siècle comme James Cook ou Louis-Antoine de Bougainville, de nombreux vestiges issus des fouilles du site du naufrage de La Boussole et de L’Astrolabe dans l’atoll de Vanikoro sont proposées au public : des restes du navire mais également de la vaisselle en métal et en porcelaine, de même que des pièces de monnaies, russes, chinoises ou autres, témoins des échanges avec les différentes sociétés avec lesquelles les marins ont été en contact. Enfin, le musée a souhaité exposer des objets d’art des sociétés du Pacifique, des statuettes, de l’artisanat ainsi qu’une maquette de pirogue. Le parcours se termine par une maquette de l’île de Vanikoro avec les indications du site du naufrage des deux navires.

Le musée Lapérouse offre de nombreuses pistes pédagogiques qui permettent d’aborder de front les programmes d’histoire de quatrième et de secondes. Il permet à la fois de rattacher la visite à la question de la navigation et des échanges maritimes à la fin du XVIIIe siècle mais également à celle des explorations et de la recherche scientifique à la veille de la Révolution. Néanmoins, il ne faudrait pas oublier que Lapérouse est aussi un homme des Lumières. Dans son journal de bord, il s’interroge sur la question des rapports entre les hommes et des rapports de domination. Ainsi le 30 mai 1786, alors qu’il fait escale à Maui, dans l’archipel d’Hawaï, Lapérouse écrit : « Quoique les Français fussent les premiers qui, dans ces derniers temps, eussent abordé sur l’île de Mowée, je ne crus pas devoir en prendre possession au nom du roi. Les usages des Européens sont, à cet égard, trop complètement ridicules. Les philosophes doivent gémir sans doute de voir que des hommes, par cela seul qu’ils ont des canons et des baïonnettes, comptent pour rien soixante mille de leurs semblable ; que, sans respect pour leurs droits les plus sacrés, ils regardent comme un objet de conquête une terre que ses habitants ont arrosée de leur sueur, et qui, depuis tant de siècles, sert de tombeau à leurs ancêtres ». Le musée reproduit ainsi à travers la visite de larges extraits du journal de bord qui reflètent bien la façon dont la rencontre avec les civilisations du Pacifique interpelle un marin comme Lapérouse et qui sont autant de réflexion sur le rapport à l’autre.

Par ailleurs, le site de la mairie d’Albi consacré au « projet Lapérouse » offre des ressources très riches pour travailler sur l’expédition en elle-même. Le documentaire de 52 minutes, « Au-delà du naufrage », réalisé par Yves Bourgeois pour l’émission Thalassa en 2017, est ainsi proposé au visionnage. Il retrace les différentes expéditions qui ont eu lieu pour retrouver les épaves des deux navires dans l’atoll de Vanikoro. Mais d’autres supports permettent également d’aborder la vie albigeoise à la fin du XVIIIe siècle, proposant ainsi d’aborder autrement la vie urbaine à cette période.

Le musée Lapérouse, modeste dans ses proportions, propose ainsi de nombreuses façons d’aborder la question de la mer, de la société française mais aussi du rapport au monde à la fin de l’époque moderne.

Musée Lapérouse
41, rue Porta, square Botany Bay
81000 Albi
05 63 49 15 55
Site internet du musée

© Henri Simonneau pour Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 24/09/2022.