Jean-Pierre Augustin a placé le sport au cœur de sa pratique de la géographie. Professeur à l’Université Montaigne-Bordeaux III, spécialiste des questions d’aménagement et d’action collective dans les villes, il mène et dirige des recherches sur les institutions, les territoires, la culture et le sport à la Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine (MSHA) et à l’UMR ADES du CNRS. C’est l’un des premiers géographes français à faire émerger le sport comme objet d’étude géographique et à le rendre légitime en tant que sous-discipline géographique au sein de l’Université de Bordeaux, cela à partir des années 1980.
À travers une approche pluridisciplinaire, il montre la pratique universelle du sport, la mondialisation de cette activité. Celle-ci entraîne des formes d’appropriation des territoires particulières et la réflexion géographique permet de mieux comprendre les diffusions, localisations et flux sportifs. Si la pratique sportive s’est diffusée à partir du foyer britannique, elle a conquis le monde en un siècle, atteignant plusieurs milliards de pratiquants aujourd’hui, et ayant une importance croissante dans nos vies. Cette activité s’est démocratisée. Pour certains, d’ailleurs, le sport est présenté comme une avancée vers l’égalité sociale et l’accession au plus grand nombre à des pratiques était et est encore perçue comme un enjeu de développement. Ainsi, Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État aux sports et à l’organisation des Loisirs en 1936, expliquait « Notre but simple et humain, est de permettre aux masses de la jeunesse française de trouver dans la pratique des sports, la joie et la santé et de construire une organisation des loisirs telle que les travailleurs puissent trouver une détente et une récompense à leur dur labeur ».
Jean-Pierre Augustin analyse aussi cet objet géographique comme objet politique. Le sport est politique. Certaines nations s’affrontent pour obtenir l’organisation de compétitions mondiales, tels les JO, les coupes de football, les tournois de tennis... et des multinationales, véritables oligopoles, comme la FIFA (pp. 9-10) rassemblent plus de 200 États. Aborder la géographie par le biais du sport est donc un autre moyen d’appréhender le monde et son organisation, ses enjeux économiques et géopolitiques, ainsi que nos modes de vie et d’habiter.
En effet, le sport participe également à l’aménagement des territoires. C’est un outil en tant que tel, avec ses équipements sportifs et les infrastructures qui lui sont inhérentes. La réflexion liée à l’aménagement permet de mieux cerner la mise en place des équipements et l’organisation des grands sites sportifs mondiaux ; de comprendre certains choix qui, au premier rang, peuvent paraître parfois absurdes. Construire un grand stade n’est pas que penser aux sportifs. C’est d’abord créer de l’emploi, le temps des travaux, mais aussi après ; c’est de plus en plus créer un complexe qui accueillera d’autres activités et événements qui ne sont pas uniquement sportifs ; c’est participer au rayonnement d’une métropole et donc à son attractivité, attractivité qui participera à l’implantation d’autres entreprises...
Le dossier s’articule en deux temps forts. Jean-Pierre Augustin fait d’abord « le point » sur le sport dans le monde ; il s’agit d’une introduction en quatre manches dans lesquelles l’auteur fait un rappel historique de la diffusion du sport dans le monde, puis montre en quoi cette activité est au cœur des enjeux géopolitiques alors que l’expression « planète football » est passée dans le langage courant et que « le mythe sportif et ses jeux, rituels peuvent être considérés comme des répliques du sacré » (p. 12). Un troisième point insiste sur le monde comme terrain de jeu où la « nature et les villes deviennent équipements sportifs » (p. 13). Le dernier point, « L’impossible mise en ordre du monde », peut être vue comme une conclusion de la partie scientifique de cette Documentation photographique où l’auteur rappelle les interprétations qui ont été favorisées par les fonctions multiples du sport (p. 16) : la démocratisation du sport et son opposition le sport-capitaliste ; un sport qui, pour certains, favorise le processus de civilisation, alors que pour d’autres il valorise les groupes dominants par le biais des compétitions.
Les quatre sections de la seconde partie intitulée « Thèmes et documents » nous font voyager dans la géographie du sport grâce à la diffusion du surf dans le monde (pp. 28-29), les pratiques féminines en France (pp. 34-35) ou nous amènent sur un terrain de cricket où Inde et Pakistan se réunissent (p. 61)... autant d’exemples qui nous permettent de renouveler nos connaissances, nos approches pédagogiques, et de sortir des études « classiques » liées au football. Ici, Jean-Pierre Augustin aborde les différents aspects géographiques : les étapes de l’universalisation du sport en général et de quelques sports en particulier : rugby, judo, athlétisme... ; les acteurs : supporters, joueurs professionnels, sponsors, instances sportives ; les lieux : stades, villes olympiques ; les enjeux économiques et stratégiques.
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© Les services culturels de la Rédaction d’Historiens & Géographes, 24/12/2016. Tous droits réservés.