Emmanuel Le Roy Ladurie participa au cours des années 1960, aussitôt après sa soutenance de thèse sur les Paysans du Languedoc, à deux programmes éditoriaux fondamentaux : l’Histoire économique et sociale de la France, dirigée par Fernand Braudel qui lui confia la période 1340-1661, et l’Histoire de la France rurale, dirigée par Georges Duby et Alexandre Wallon où il traita la période 1661-1789. En 2002, il put réunir ces deux contributions en un gros livre de 790 pages : Histoire des paysans français de la Peste noire à la Révolution, un livre qui s’adressait surtout aux chercheurs. Aussi a-t-il voulu en faire une synthèse plus brève. Le livre présenté ici est donc la réécriture de la version de 2002 qui tient compte de la bibliographie récente et de ses acquis. La préface de l’auteur explique cette genèse que reprend la postface de Jean-Marc Moriceau, la replaçant dans le contexte historiographique.
Etant donné les origines de ce livre, nul ne s’étonnera de l’importance de l’histoire économique statistique, que Braudel et Labrousse prenaient pour socle de toutes leurs études : prix agricoles, salaires ouvriers, loyers du sol, rente foncière et dîmes. Les analyses expliquent les fluctuations de la production, en particulier par les fluctuations climatiques. Au-delà de l’autre socle essentiel qu’est la démographie, il diversifie les perspectives, il s’intéresse aux familles et à leurs méthodes de transmission des biens, il s’attache aussi aux individus, à leur taille (celle des conscrits), à leur éducation. Ce tableau est émaillé de quelques portraits de personnages qui ont laissé des écrits, souvent des notables. Et il n’omet pas d’évoquer quelques œuvres d’art représentant le monde paysan.
Il brosse ainsi l’évolution d’un "monde plein" au milieu du XIVe siècle : vingt millions de Français dont 90% de ruraux, juste avant la Peste noire, les guerres et famines qui détruisent quasiment la moitié de la population (ch 1). Puis les belles années 1450-1560 permettent une récupération à la Renaissance (ch2). La population se maintient globalement, avec de constantes fluctuations, malgré les guerres de religion, l’augmentation de la fiscalité et quelques famines (1661, 1693, 1709). Le XVIIIe siècle est celui de l’essor agricole ; Le Roy Ladurie démontrant les progrès et le décollage agricole dès ce moment. Il consacre deux chapitres aux révoltes paysannes (ch.V et VII) donnant ainsi toute sa place à une histoire sociale (on aurait dit naguère une histoire des mentalités) et ethnologique.
Le Roy Ladurie a su présenter un livre aux multiples perspectives, qu’il avait ouvertes et que ses successeurs ont creusées. De lecture aisée, d’une grande richesse, il offre un ouvrage très utile au grand public et aux lycéens.
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© Nadine Vivier pour Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 22/01/2017.