L’APHG affirme le caractère universel de nos disciplines
Les vertus de l’histoire et de la géographie pour la formation de l’esprit civique ne sont pas à démontrer dans notre beau pays pétri d’histoire et par les temps qui courent. Connaître le passé récent pour ne pas devoir le revivre, découvrir le monde qui nous entoure, savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on veut aller nécessitent de recevoir, tout au long de la scolarité, un enseignement de qualité et en quantité décente, assuré par des spécialistes convenablement formés. Mais au-delà de cette pétition d’utilité civique, l’histoire-géographie représente une discipline fondamentale pour l’acquisition de l’esprit critique, indispensable au combat contre les fake news et les trafics de mémoire, nécessaire au décryptage du monde actuel. C’est aussi, comme l’ont maintes fois souligné les plus grands historiens et géographes, une formidable expérience d’altérité et de décentrage des regards.
La connaissance des passés lointains et plus proches, la découverte des civilisations éloignées et actuelles, est impérative dans la formation de l’honnête homme. Elle procure aussi un dépaysement enrichissant et nécessaire dans un monde de présentisme ravageur. Apprendre que tout n’a pas toujours été comme aujourd’hui, étudier l’action des hommes sur les territoires, permet aussi de porter à l’esprit des élèves des éléments de réflexion sur la beauté et la précarité de notre planète, ou des mondes abolis, en répondant à leur curiosité et à leur volonté de comprendre. Le tout en cultivant les plaisirs de l’esprit. Dans une société où l’humain est perdu de vue, un enseignement d’histoire-géographie entraînant et vivant est la meilleure préservation contre la barbarie et l’obscurantisme en nous préparant au monde de demain.
Apprendre à lire l’espace géographique et le temps historique dans les sociétés humaines et à agir dans le monde contemporain est fondamental. Le monde change, pas ses enjeux. La géographie et l’histoire sont d’abord les intelligences de l’espace et du temps, or nul ne peut vouloir honnêtement que notre jeunesse soit éduquée hors-sol !
Les élèves doivent observer, décrire, classer, raisonner, trouver des explications pour comprendre l’environnement (écosystème, paysage, milieu naturel, équilibre), la position géographique (distance, polarisation, région, nation, territoire) la notion de développement (ressources, durabilité, urbanisation, inégalités). Ils doivent saisir les particularités des autres temps, comprendre les profondeurs que révèle toute société humaine, éviter le piège de l’apparence et de la sur-modernité. La finalité éducative associe l’acquisition de connaissances spatiales et temporelles mais aussi un savoir opératoire, moyen d’agir dans la société d’aujourd’hui et de demain.
L’histoire et la géographie apportent enfin des réponses aux jeunes gens à la recherche de repères dans un monde complexe. A l’heure de la mondialisation avec des espaces de plus en plus interdépendants les élèves doivent pouvoir observer et analyser le monde pour le comprendre. Nos disciplines guident les futurs adultes dans la lecture des sociétés et des territoires, à différentes échelles et sur des périodes variables. Elles conduisent à l’appréciation des actions menées et des projets envisagés. Elles guident l’analyse des phénomènes politiques, économiques, sociaux, culturels et spatiaux. Elles facilitent la prospective et permettent à chaque individu de prendre conscience de sa place et de son rôle dans notre monde. Il appartient aux professeurs d’Histoire-Géographie de rendre possible le projet d’une société humaniste et démocratique, et de permettre ainsi à tous les élèves de faire République !
L’APHG demande énergiquement le maintien d’une épreuve écrite terminale pour tous les lycéens
L’histoire et la géographie sont présentes dans beaucoup de formations post-bac et se retrouvent dans des projets professionnels variés. Si les IEP ou les écoles de commerce viennent immédiatement à l’esprit, il est utile de rappeler l’importance de nos disciplines, par exemple dans les métiers de la culture et du patrimoine, du tourisme, du droit, de la presse … jusque dans les concours de professeurs d’EPS. Peut-on imaginer raisonnablement qu’une réforme en vienne à refuser délibérément ces offres de formation à des cohortes d’élèves n’ayant pas choisi la bonne option, le bon module, la bonne spécialité alors qu’ils n’avaient que seize ou dix-sept ans ? Aujourd’hui, en série scientifique, un élève sur deux ne poursuit pas d’études dans cette voie après le baccalauréat. Pour l’intérêt de nos élèves, parce que l’histoire et la géographie sont présentes dans de multiples formations en tant que telle et parce qu’elles concourent à structurer la pensée de tous, il faut une épreuve écrite d’histoire-géographie en examen final de Terminale pour tous les lycéens.
Les lycéens doivent aborder les grandes questions de notre monde en prenant le recul nécessaire, en possédant des arguments qui les responsabilisent et les rendent autonomes. L’histoire et la géographie, ces deux sources de questionnement, de découverte et d’analyse, reposent sur des démarches variées du local au global, de l’Antiquité à nos jours. Les quatre périodes historiques, le raisonnement multiscalaire et l’approche spatiale apportent leurs lots de problématiques et nourrissent l’apprentissage de l’argumentation. Les enseignants font évoluer le niveau de questionnement en fonction des groupes d’élèves.
L’épreuve écrite fondée sur un exercice de réflexion et de restitution, favorise l’acquisition de compétences générales (savoir argumenter, exercer son esprit critique…) et spécifiques (savoir analyser et comprendre tous types de documents, apprendre à s’informer dans le monde du numérique…). Ainsi, maintenir des épreuves écrites terminales, dans toutes les séries, améliore la préparation à l’enseignement supérieur et la réussite à de nombreux concours et formations.
Une épreuve commune au Baccalauréat contribue également à une formation active à la citoyenneté à travers les « questions socialement vives » comme l’enseignement des mémoires ou les questions migratoires. La réussite des élèves aux dernières sessions du Bac où ces questions ont été posées, démontrent que le pari collectif des Professeurs d’histoire-géographie de faire apprendre et comprendre les problématiques portant sur les mémoires de la Seconde Guerre mondiale ou de la Guerre d’Algérie par exemple, est réussi et légitime socialement un enseignement universel de nos disciplines.
La nécessité d’organiser des épreuves en fin d’année de terminale s’explique aussi par la maturation de l’esprit de nos adolescents qui est très différente en fin de terminale et en classe de première. Une organisation semestrielle, avec des partiels en janvier, entraînerait dans de nombreux établissements l’absentéisme de nos élèves, et, de fait, la disparition de nos disciplines au deuxième semestre. Nos programmes risqueraient de perdre une cohérence globale qui s’articule sur l’année scolaire entière. Parce qu’il complexifierait considérablement l’organisation du baccalauréat et qu’il porte un réel risque d’éclatement des pratiques et des contenus contribuant inévitablement à l’accroissement des inégalités entre candidats, entre établissements et entre académie, nous ne souhaitons pas qu’un grand oral de spécialité soit mis en place dans le cadre des quatre épreuves finales.
Nous demandons le maintien des épreuves écrites d’histoire-géographie dans des conditions proches de la situation actuelle (d’une durée de 4 heures dans l’enseignement général, y compris dans les filières scientifiques ; de 2h30 en séries technologiques, y compris dans les séries où l’épreuve est jusqu’alors orale, et au moins 2 heures en série professionnelle, en plus de la demi-heure d’EMC), avec deux épreuves (histoire et géographie) dont un exercice de restitution et un de réflexion.
La création d’une spécialité Histoire-Géographie, comme il en existe actuellement en S.E.S. ou en sciences, serait toutefois logique notamment en séries économiques et littéraires. Les questions pourraient être en adéquation avec les spécificités des séries, où il pourrait y avoir des questions plus ouvertes (Les Provinces Unies au XVIIème siècle, l’aire culturelle asiatique…), l’important étant de rendre cet enseignement de spécialité riche et attractif.
L’APHG a vocation à faire partie de la commission de rédaction des programmes
Dans l’éventualité d’une réorganisation des lycées et des modifications de nos programmes, l’APHG souhaite conserver trois heures d’enseignement en Seconde, atteindre le même volume en première et terminale à dominante scientifique, maintenir quatre heures dans les parcours littéraires et à dominante économique et sociale. Dans tous les parcours technologiques nous proposons deux heures en première et en terminale. Nous rappelons notre attachement à l’enseignement de l’Enseignement Moral et Civique, fortement lié à nos deux disciplines, sur un horaire spécifique et à effectifs réduits comme c’est le cas aujourd’hui. Nous approuvons le principe d’une évaluation de cet enseignement.
Attachés à l’enseignement d’une géographie davantage ancrée dans les territoires et d’une histoire respectueuse des logiques de temporalités, nos propositions s’inscrivent surtout dans un souci de faisabilité et de cohérence : il ne s’agit ni d’un retour en arrière, ni d’une rupture brutale avec les programmes actuels. Fidèle aux combats qu’elle a menés depuis plus d’un siècle, l’APHG s’en tient à des ambitions raisonnables et réalistes !
L’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie prépare pour le début de l’année 2018, en concertation avec ses adhérents et sympathisants, sous la coordination de sa Commission pédagogique nationale chargée des Lycées, émanation de ses élus de terrain, au cœur des régions, un ensemble de propositions de pistes pour des programmes s’inscrivant dans un cadre, des principes et des démarches, respectueux de l’intérêt de tous les lycéens.
De l’utilité et du plaisir d’apprendre… et d’enseigner
L’histoire et la géographie donnent les outils et l’épaisseur culturelle qui permettent de faire face aux défis de ce temps si marqué par le présentisme, car elle repose sur la combinaison du mouvement et de l’incertitude. « Couple indissociable de notre enseignement », comme l’affirmait Jean Peyrot, la mise en perspective et l’approche des territoires et des sociétés se conjuguent très concrètement pour donner des repères et des méthodes, pour décrypter et s’approprier les logiques complexes de la connexion et des réseaux du monde d’aujourd’hui, pour aider nos élèves à être acteurs de leur orientation puis de leur parcours professionnel tout au long de leur vie.
En ces temps de « mouvement et d’incertitude », plaider pour l’histoire-géographie comme enseignement universel, c’est plaider pour les citoyens de demain dans une société humaniste et progressiste. Seule une large formation initiale de base (en se gardant de toute spécialisation trop précoce) où l’histoire, la géographie et les sciences de l’Homme ont toute leur place, est capable d’apporter aux jeunes, et de manière durable, un surcroît de réflexion sur le monde, sur ses activités, ici ou ailleurs, d’hier ou d’aujourd’hui, un supplément d’âme. Ce temps d’enseignement n’est pas un vain investissement…
Il est enfin, pour des milliers de professeurs, dont la réelle compétence professionnelle n’est sans doute pas assez reconnue socialement, une source de plaisir et d’échanges partagés avec des millions d’élèves, chaque jour. Dans ce jeu subtil, celui de la classe et de la pédagogie, les professeurs affirment leur conviction pour un projet scolaire global où l’histoire-géographie occupe une place centrale, celle du décryptage et de la compréhension du monde. Cet échange intellectuel porte enfin une vraie joie pour l’esprit en formation, comme pour celui qui la transmet.
Le Président Franck Collard et le Bureau national de l’APHG avec les Commissions pédagogiques chargées des Lycées généraux, technologiques et professionnels.
Paris, le 20 décembre 2017.
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