Meaux au Moyen Âge (XIIe-XVe siècles) Compte-rendu de la rédaction

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Mickaël WILMART, Meaux au Moyen Âge. Une ville et ses hommes du XIIe au XVe siècles, Montceaux-lès-Meaux, Éditions Fiacre, 2013, 28 €. Cartes et schémas.

Par Yohann Chanoir [1]

Si les années 70 et 80 ont été fastes pour les études des villes françaises au Moyen Âge, les décennies suivantes ont été plutôt rétives. En outre, si des cités comme Reims et Tours sont désormais bien connues, l’univers urbain secondaire du Bassin Parisien est moins défriché. Meaux, quant à elle, a « peu attiré les historiens du Moyen Âge ». Cet ouvrage renouvelle ainsi un courant historiographique. Malgré une documentation lacunaire (l’incendie de 1358 a détruit les archives de la commune), notre collègue en recoupant sources judiciaires et actes notariés, en puisant dans les ressources de l’archéologie, s’est livré à une étude fouillée des modalités de la construction d’un espace régional, où Meaux, ville du Comté de Champagne, glisse peu à peu dans l’aire d’influence parisienne.

Il s’intéresse d’abord aux espaces d’une ville, étudie son rayonnement et pointe d’emblée la tension de Meaux, tiraillée entre le comte de Champagne et le roi. Meaux est ainsi un « espace de l’entre-deux » dont la position est stratégique. Ville sur les eaux, bordée par la Marne, la cité meldoise est la clé de Paris. Une position parfaitement connue des contemporains : en 1439-40, Arthur de Richemont s’empare successivement de Meaux, Corbeil et Pontoise afin de préparer l’entrée dans Paris. Il étudie ensuite les pouvoirs seigneurial et municipal. Meaux, comme bien d’autres cités, est le théâtre d’un affrontement entre comte et évêque. L’installation de la commune (1179) intervient dans ce contexte. Octroyée par le comte, la charte accorde notamment un scribe, moyen de rendre la commune indépendante des autorités diocésaines dans son fonctionnement écrit. Comme le remarquait Michel Foucault, il n’y a jamais de pouvoir sans constitution concomitante d’un champ écrit. Le pouvoir communal s’affirme progressivement et profite du rattachement du comté de Champagne au domaine capétien (1284). Alors que les communes dans le Nord de la France ont tendance à décliner (celle de Soissons est abolie en 1326), celle de Meaux jouit d’un dynamisme, se traduisant notamment par de nombreux procès contre les autorités ecclésiastiques et par des explosions de violence, dont l’auteur détaille de manière exemplaire les modalités. L’attaque du prieuré en 1322 est ainsi analysée avec minutie. L’émeute mobilise l’élite marchande et officière meldoise et pas seulement le « menu peuple ». On tente le coup de force en famille (20% des participants sont venus avec un parent) ou avec des voisins : 4 paroisses différentes sont concernées. Bref, l’émeute mobilise des réseaux de sociabilité pluriels. La révolte en 1358 est appréhendée comme une rupture entre la cité meldoise et les villes champenoises qui, à l’exception de Château-Thierry ne participent pas à la sédition. Meaux est clairement dans l’orbite parisienne.

Exsangue, occupée par les Anglais entre 1422 et 1439, Meaux connaît une déprise, qui se traduit par un bimunicipalisme. Entre la ville frondeuse et le Marché fidèle, il y a une coupure. Le roi accorde ses faveurs au Marché, car il en connaît la fidélité et la position stratégique. Il y trouve ainsi refuge lors de la révolte des Maillotins (1382). Les officiers royaux qui gèrent la cité sont peu à peu noyautés par l’élite meldoise, qui lie ainsi son destin à celui de la royauté. La dernière partie est consacrée aux hommes dans la ville, occasion pour l’auteur de s’intéresser aux activités économiques, notamment au travail du fer, au vignoble, à l’élevage, à la tannerie et à la draperie qui favorise l’émergence de fortunes patriciennes locales. Cette activité attire des compagnies italiennes dès la fin XIIIe. Les Lombards, groupe divers entre grands banquiers et petits usuriers, attestent aussi du passage d’une économie champenoise à une économie parisienne, soulignée également par la circulation des élites marchandes entre Paris et Meaux. Meaux s’affirme comme un satellite de Paris, interface entre la Champagne et la région parisienne. La Marne, artère naturelle entre les espaces parisien et briard, fait l’objet de bonnes pages qui montrent que le trafic est florissant (les nefs y naviguent de jour comme de nuit) tout en exacerbant la dépendance de Meaux envers Paris : le commerce fluvial est régulé par la hanse parisienne. L’auteur rappelle ici la richesse de ces beaux sujets que sont les cours d’eau à l’époque médiévale.

Usant des concepts du géographe, avec une érudition évidente, malgré une tendance ponctuelle à énumérer, Mickaël Wilmart [2] a fait de Meaux au Moyen Âge un objet total, où les historiens médiévistes trouveront des informations précieuses.

La couverture à télécharger

© Yohann Chanoir pour Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 07/03/2016.

Notes

[1Professeur d’Histoire-Géographie en section européenne allemand à Reims, Secrétaire de rédaction de la revue Historiens & Géographes.