Créé pour les Allemands et les Autrichiens résidant en France à la déclaration de la guerre, il fut élargi à tous les étrangers, intellectuels et artistes, combattants des Brigades internationale, juifs livrés par le gouvernement de Vichy en août 1942 à l’Allemagne avant l’occupation de la zone libre. Environ 10 000 personnes séjournèrent dans cette tuilerie désaffectée proche de l’actuelle gare TGV d’Aix-en-Provence. Rien n’avait bougé depuis sa fermeture en 1942 à la différence des autres lieux d’internement. Le projet de transformer ce camp en lieu culturel d’éducation citoyenne vit le jour. Il fut confié à l’Atelier Novembre, connu pour l’aménagement du centre historique minier de Lewarde. Le résultat de cette réhabilitation et ses plans sont présentés ici. Le photographe de Marseille, Yves Jeanmougin, saisit la variété du décor sous ses aspects parfois insolites. Les photos de la période 1939-1942 viennent de divers centres de documentation et d’archives. Les écrits traitent de l’évolution politique, caractérisent l’apport artistique des internés ou les intentions de cette réalisation active.
Robert Mencherini décrit les grands moments du camp « modelé par l’évolution de la guerre ». Le transfert de près de 1 500 internés vers Drancy, antichambre de la déportation vers l’Allemagne, précède l’occupation allemande en livrant des Juifs. Il souligne le caractère xénophobe et antisémite du régime de Vichy.
Angelika Gausmann, spécialiste de l’art dans les camps de concentration, analyse la vie artistique dans le camp, haché par le départ vers le continent américain des artistes les plus connus. L’attention portée sur Karl Bodek ou sur Max Lingner, illustrateur du quotidien communiste l’Humanité, n’empêche pas de signaler au passage les dessins de Robert Liebknecht ou l’importance des peintures murales.
Les photographies d’Yves Jeanmougin occupent l’essentiel de l’ouvrage. Les briques claires plus des bâtiments du camp des Milles se dégagent de la pénombre comme une lueur d’espoir. Tout n’est pas ordonné et l’extincteur au milieu du cahier provoque le sourire, objet vain dans un ensemble délabré que l’on tient à conserver dans un but éducatif généreux.
Olivier Lalieu montre l’aménagement de ce lieu de mémoire que précisent les architectes de l’Atelier Novembre et le « point de lumière » de la page 231 annonce la transformation pédagogique d’un lieu, exemple de la cruauté de l’exclusion politiquement organisée.
Il faudra faire le détour par le musée du camp des Milles et suivre le « parcours muséographique singulier », selon le titre du guide-dépliant mis à la disposition des visiteurs. L’ouvrage nous y invite.
© Jacques Girault pour la Rédaction de la revue Historiens & Géographes - 7 août 2016. Tous droits réservés.