Pour les Occidentaux que nous sommes, l’association des mots « estampe » et « japonaise » renvoie presque automatiquement à l’image de messieurs repus, qui, après dîner au fumoir, les regardent presque en cachette. Si ces estampes : UKIYO-E traitent souvent de thèmes érotiques, voire pornographiques : SHUNGA, ces thèmes ne sont aucunement exclusifs.
La grande époque de leur production va de EDO à MEIJI, soit du début du 17e siècle à la fin des années 1860 de notre calendrier occidental. Après quelques années de déclin, elle redémarre au début du 20e siècle. Outre les gravures que l’on conserve dans une sorte de grand portefeuille, les principaux supports de ces images sont des paravents, très présents dans ces maisons japonaises « modulables ».
Miroir du désir
De nombreuses estampes représentent le quartier de YOSHIWARA, à EDO (ancien nom de Tokyo). Ce quartier est une véritable ville close, traversée par une allée centrale, entièrement consacré à la prostitution. On appelle « maisons vertes » les maisons où travaillent les prostituées, qui attendent les clients assises derrière des claies de bois. Il existait des guides de ces maisons, qui ont suscité l’écriture de beaucoup de romans, et, plus tard, de films.
Le métier est très hiérarchisé : vers 10-15ans, la jeune fille entre dans une « maison » comme « assistante » d’une courtisane chevronnée, l’OIRAN. Ce sont le plus fréquemment des filles de la campagne dont la charge est trop lourde pour les parents. Selon leur degré de beauté et d’intelligence, elles reçoivent une éducation parfois raffinée : ce sont les GEISHAS, qui ont une culture autant littéraires (certaines composent des poèmes), voire philosophique, que musicale. Elles savent aussi danser et, naturellement, connaissent la cérémonie du thé. Toutes, cependant, n’arrivent pas au sommet : on appelle « mousquets » celles qui, au bas de l’échelle ,sont supposées transmettre des maladies qui tuent.
Ce quartier spécialisé de Yoshiwara a disparu au 20e siècle.
Les scènes érotiques, voire pornographiques, malgré parfois une grande violence du sujet, sont toujours traitées avec une grande délicatesse, et souvent, beaucoup d’humour, accroché, si l’on peut dire, au thème des saisons : ainsi, « l’étreinte de printemps », ou celle qui a lieu « dans la barque », ou « dans la charrette », les amants qui se cachent « derrière la moustiquaire » ou « derrière les filets de pêche » sont cependant parfois « épiés par la servante ». Des textes souvent très crus accompagnent l’image : ce que se disent tout bas les partenaires, obligés d’être discrets, car les cloisons sont en papier !
© Françoise Debrebant pour la Rédaction de la revue Historiens & Géographes. 3 août 2016. Tous droits réservés.
Crédits photos avec l’aimable autorisation du Service de la communication / Musée national des arts asiatiques – Guimet.
Du 6 juillet au 10 octobre 2016.
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