Note sur l’Histoire-Géo en Lycée Professionnel (Février 2018) Commission des Lycées professionnels - 3/02/2018 (Sorbonne)

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Par Iris Naget et Vincent Magne. [1]

État des lieux :

Dans le LP, on trouve des 3e Prépa Pro, des CAP, des Bac Pro, des BTS.

La situation actuelle découle de la Réforme Chatel de 2008 qui a réduit de 4 ans à 3 ans la durée d’études pour passer le Bac Pro, après la 3e, au nom d’une volonté d’égalité avec les autres bacs (Technologiques et Généraux) où les lycéens ont 3 ans pour l’obtenir ; en réalité pour des raisons budgétaires de suppressions de postes dans le cadre de la RGPP et de la LOLF. Ce qui est surprenant c’est que la commission Mathiot rompt avec ce principe d’égalité puisqu’elle n’est pas en charge de la réforme du Bac Pro.

Conséquence de la réforme Chatel, les élèves se sont vus privés d’une année entière d’enseignement, or on se rend compte aujourd’hui, que beaucoup n’ont pas la maturité suffisante pour le monde professionnel, d’ailleurs de plus en plus d’entreprises rechignent à accepter des élèves en PFMP en dessous de 16 voire 18 ans. Lorsqu’il y avait 2 ans de BEP et 2 ans de Bac, cela permettait aux élèves les plus en difficultés, de prendre le temps, de mûrir, et de réussir leur parcours dans la voie pro.

De plus, depuis les années 2000, le volume horaire consacré aux enseignements généraux (Français, et HG) s’est réduit comme peau de chagrin d’abord pour la mise en place des PPCP puis de l’EGLS, mais le volume disciplinaire de base n’a cessé d’être restreint pour des raisons budgétaires. Sous des apparences de projets et de pluridisciplinarité qui parfois fonctionnent, souvent cela est totalement artificiel, et le plus grave, c’est que les injonctions officielles considèrent certains éléments comme acquis en sortie de 3e, or cela est loin d’être le cas.

La réalité actuelle est que bien souvent les affectations en sortie de 3ème se font encore pour beaucoup par défaut, notamment dans les filières tertiaires, Gestion-administration par exemple, accentuant ainsi le manque de motivation et le sentiment de relégation.

Il y a une inégalité de traitement sur le territoire (entre les académies) et entre les EPLE notamment sur les effectifs en fonction des filières : classes à 36 ou à 12.

Concernant spécifiquement l’HG et l’EMC, actuellement l’HG et l’EMC est présente dans toutes les classes et à tous les niveaux du LP (BTS exceptés). De plus, l’HG et l’EMC sont présentes sous forme d’examen ponctuel à tous les examens (DNB, BEP, Bac Pro), ce qui garantit la dimension nationale de l’examen notamment au BEP et au Bac Pro et en CCF Oral au CAP.

La récente réforme interdisant les examens en classe de 2nde, rend la situation des collègues et des élèves passant un CAP en diplôme intermédiaire en classe de 1ère, intenable et problématique, les élèves passant quasiment leur année à la préparation des dossiers d’examens. Les collègues n’en peuvent plus des CCFs [contrôles en cours de formation] (toutes matières confondues). De plus les CCFs entraînent une distorsion dans la valeur de l’examen d’un EPLE à l’autre, sans compter les « arrangements » avec les notations prônées par l’administration locale pour tenter de tenir les pourcentages de réussites.

Ce qui marche :

L’Histoire-Géographie (HG) est indispensable dans la formation d’une culture citoyenne, générale des élèves de LP au même titre qu’une culture technique, professionnelle.

Dans les filières à petits effectifs, ou dans les classes lorsqu’elles sont dédoublées (or dans de nombreux EPLE, de nombreux cours d’HG se font classe entière avec des effectifs lourds (36 en GA ou dans certaines filières industrielles regroupées en enseignement général par exemple)), les élèves ont véritablement les moyens de reprendre confiance en eux, et nous pouvons mettre en place une réelle ouverture culturelle.

Les difficultés :

Le profil de nombreux élèves de Bac Pro est très hétérogène. Les collègues sont de plus en plus confrontés à des classes avec des élèves allophones, où la question première est la maîtrise de la langue avant celle des connaissances et compétences d’HG. Notre bivalence à ce titre est un atout, mais nous n’avons pas les moyens de venir en aide à ces jeunes quand les horaires sont faibles, les effectifs lourds et surtout des questions de comportement à gérer, voire des problèmes sociaux, avant d’envisager de faire cours.

Comme noté ci-dessus, les programmes partent souvent d’un supposé acquis du collège que les élèves non pas ou mal acquis, or les horaires impartis sont souvent bien en deçà de ce qu’il faudrait pour remettre à niveau et faire le programme.

De plus, certains pans de ces programmes, notamment en Bac Pro, sont soit trop redondants et rébarbatifs (Mondialisation en 1ère, Développement durable en 2nde) ou soit trop technique et local (Acteurs et aménagement du territoire en Terminale) pour la géographie. En Histoire, si les thématiques abordées sont intéressantes, les difficultés viennent surtout de l’incapacité de nombreux élèves à se positionner dans une perspective temporelle, associées bien souvent à des difficultés de langue.

Concernant les examens, sans vouloir polémiquer, mais depuis la mise en place du Bac Pro en 3 ans, nous constatons régulièrement une baisse des exigences, visible dans l’évolution des maquettes du BEP et de Bac Pro depuis 2009, et cette baisse des exigences à l’examen s’accompagne d’une distorsion de plus en plus grande avec les attendus des programmes en termes de connaissances et de compétences à acquérir sur l’année). L’objectif affiché depuis plusieurs sessions sous couvert d’un chantage insidieux est que l’HG ne doit pas pénaliser les élèves sous peine de disparaître des épreuves ponctuelles.

La mixité des publics au sein d’un groupe classe (Apprentis, élèves, Formation continue) est ingérable pour les collègues.

Les craintes :

  • Une disparition pure et simple de l’HG dans la voie pro et donc aux examens
  • Une disparition de l’enseignement professionnel sous statut scolaire au profit d’un apprentissage vu comme la panacée, or avant le Bac Pro, peu d’élèves ont réellement la maturité pour être autonome.
  • Fin du statut de fonctionnaire d’état pour les PLP. Il n’en est pas question.
  • Une stigmatisation de l’enseignement professionnel sous statut scolaire renforcé
  • La disparition de l’enseignement général (réduit à une portion congrue) pour ne dispenser qu’une culture technique. Ne faire des élèves de LP non pas des citoyens, mais simplement des agissants aux compétences techniques sans aucun recul et compréhension du monde, selon les volontés de certaines organisations patronales.

Iris Naget et Vincent Magne pour la Commission nationale des Lycées professionnels - APHG. 3 février 2018.

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Notes

[1Professeurs de Lettres-Histoire en Lycée Professionnel et co-Responsables nationaux de la Commission des Lycées professionnels de l’APHG.