Petit vade-mecum historique sur la laïcité et la liberté d’expression Ressources pédagogiques

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L’APHG Lorraine propose à tous les collègues un petit vade-mecum historique sur la laïcité et la liberté d’expression… Une ressource destinée à être partagée et que nous espérons utile.

A) LA LAÏCITE

Elle a pour origine l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui dit que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Jusqu’au moment où cet article a été écrit, les seules opinions licites étaient celles que validait l’Eglise catholique, la France étant alors une « monarchie de droit divin ». Cet article rend donc possible l’exercice d’autres religions que la religion catholique (le protestantisme et le judaïsme, à l’époque) et déconnecte l’identité française de l’identité catholique (jusqu’à ce moment encore, on n’était considéré français « de plein droit » que si on était catholique). C’est le point de départ de la laïcité.

Elle repose sur l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat qui dit que « La République assure la liberté de conscience » et qu’elle « garantit le libre exercice des cultes ».

La République se veut ainsi protectrice de toutes les croyances, la liberté de conscience permettant de croire en Dieu ou de ne pas y croire ; et si on y croit, de pratiquer la religion de son choix. La République ne prend partie en faveur d’aucune croyance et s’engage à les respecter toutes. C’est l’affirmation de la neutralité de l’Etat. Cette neutralité bénéficie à toutes les Eglises (au sens de communautés de croyants) mais en particulier aux Eglises « minoritaires » (les Eglise protestante et juive hier, musulmane aujourd’hui) qui obtiennent dès lors la garantie de disposer des mêmes droits que l’Eglise « majoritaire » (catholique).

Appliqué au collège et au lycée, l’exercice de la laïcité repose sur « La Charte de la Laïcité à l’Ecole » dont l’article 10 dit qu’« Il appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves le sens et la valeur de la laïcité », l’article 12 précisant : « Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme. » Or, notre collègue Samuel Paty a bien traité une « question au programme ».

Pour conclure ici, il n’existe pas de laïcité « ouverte » ou « fermée » : il n’existe que la laïcité mais sa mise en œuvre doit être inséparable du principe de fraternité qui est le « ciment » de tous les autres grands principes républicains. Car sans fraternité, il n’y a pas de liberté, d’égalité ou de laïcité qui tiennent.

B) LA LIBERTE D’EXPRESSION

Elle a pour origine l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui dit que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Première constatation : la liberté d’expression est un droit reconnu parmi les plus importants de tous. Deuxième constatation : on peut avoir à répondre de son usage devant la justice si on abuse de la liberté d’expression en calomniant quelqu’un (les journalistes sont régulièrement attaqués en diffamation) ou en lançant des appels à la haine ou au meurtre. C’est la mise en application de l’article 4 de la même déclaration qui dit que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. » Le principe est simple mais l’interprétation est plus compliquée qu’il n’y paraît car à partir de quel moment nuit-on à autrui ? C’est tout le problème des signes religieux à l’école ; c’est tout le problème aussi des caricatures. Quand on n’arrive pas à s’entendre sur la question, on s’en remet à la justice pour trancher. Or, il faut savoir que si la justice condamne toutes les atteintes aux personnes (une caricature raciste, antisémite, antimaghrébine sera interdite et ses auteurs condamnés), elle ne condamne pas les atteintes aux croyances, même si celles-ci peuvent être perçues comme insultantes par les gens qui les partagent. Et c’est logique, car si on condamne les atteintes à la croyance A, on sera obligé ensuite de condamner les atteintes à la croyance B, puis à la croyance C, etc. Et bientôt, personne ne pourrait plus rien dire. La liberté d’expression aurait alors de fait disparu.

Appliqué au collège et au lycée, l’exercice de la liberté d’expression repose encore une fois sur « La Charte de la Laïcité à l’Ecole » dont l’article 8 dit que « La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’Ecole comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions. » et dont l’article 11 ajoute que « Les personnels ont un devoir de stricte neutralité : ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuses dans l’exercice de leurs fonctions. »

APHG Lorraine
Novembre 2020

© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes, 01/11/2020. Tous droits réservés.