Café virtuel avec Pierre-Yves Beaurepaire sur l’Atlas de la Révolution française, co-écrit avec Silvia Marzagalli, Autrement, 2021 Compte-rendu et podcast du café virtuel de l’APHG

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Le 19 février 2021, Pierre-Yves Beaurepaire [1] et Silvia Marzagalli [2] présentaient leur ouvrage Atlas de la Révolution française, paru aux éditions Autrement (3e édition, cartographie de Guillaume Balavoine, 2021), lors d’un moment d’échange virtuel animé par notre collègue David Feutry [3].
Ce café - modèle hybride entre la visioconférence en public et l’entretien - était d’une grande richesse, comme en témoigne le compte-rendu ci-dessous. Nous mettons aussi en accès libre le podcast de ce café histoire, en version audio pour protéger le droit à l’image des participants.

Par Lisa Ramecourt et Léa Forestier, étudiantes en CPGE au lycée Faidherbe de Lille.

L’APHG accueille Pierre-Yves Beaurepaire, Professeur d’Histoire moderne à l’Université Côte d’Azur, pour évoquer la troisième édition de l’Atlas de la Révolution française publiée en début d’année, atlas qu’il a réalisé en collaboration avec Silvia Marzagalli, Professeure d’Histoire moderne dans la même université, et Guillaume Balavoine, cartographe de l’ouvrage [4]. David Feutry anime cette rencontre et commence par aborder les caractéristiques de l’Atlas de la Révolution française.

Le premier élément spécifique à cet ouvrage sont les bornes spatio-temporelles choisies. L’atlas ne se limite pas à couvrir la période de 1789 à 1799, mais il couvre une cinquantaine d’années, de 1770 à 1820, et ouvre sur d’autres horizons géographiques. Un exemple de cette ouverture temporelle, mais aussi spatiale, est l’utilisation du personnage de Tùpac Amaru, leader indépendantiste au Pérou au cours du XVIIIe siècle. En effet, la France est un acteur majeur de cette révolution, mais elle n’est pas seule. L’objectif est de faire comprendre la Révolution française, mais aussi ses prémices et ses conséquences. C’est pourquoi les cartes sont essentielles, elles sont « un support de communication, du point de vue de la recherche et de la transmission », elles permettent de mettre en valeur et de synthétiser les informations pour un historien. Les cartes et les autres supports présents dans l’ouvrage tendent à retrouver une dynamique dans la Révolution française pour ne plus la penser comme un angle mort dans l’histoire.

Enfin, dans cette introduction ont été abordées les difficultés éditoriales, notamment le rapport à la double page et la cohérence entre les cartes et les textes. Après un rappel des différents chapitres de l’ouvrage, David Feutry poursuit l’échange avec Pierre-Yves Beaurepaire au moyen de quatre questions, aussi générales que précises, tout en prenant en considération la complexité de conception d’un atlas et toutes les problématiques que cela soulève :

 A la question de la plus grande difficulté rencontrée dans le processus de cartographie, Pierre-Yves Beaurepaire répond sans hésitation qu’il s’agit de la représentation des dynamiques spatiales. En effet, plusieurs facteurs entrent en compte, telles que les difficultés d’unification des données ou la représentation d’un phénomène dans l’espace et le temps, en tenant compte de la contrainte 2D. Grâce à des exemples précis, tirés de l’atlas, nous constatons l’efficacité des choix opérés dans l’ouvrage. Ils mettent en lumière le travail fourni par les historiens et cartographes mobilisés, pour rendre accessibles aux lecteurs et lectrices des phénomènes spatiaux jamais mis en carte jusqu’ici. Notre invité nous donne l’une des clés de la fabrique de l’Atlas : les auteurs tenaient à ce que les cartes se répondent pour permettre une lecture dynamique de celles-ci.

 Pierre-Yves Beaurepaire est ensuite confronté à la question de la carte la plus classique, la plus incontournable ou nécessaire dans l’atlas : il opte pour celle de la Grande Peur, car cette période est connue de tous, la carte nécessairement attendue, et éclairée ici avec d’autres documents permettant de prendre la mesure des acquis historiographiques récents. Pierre-Yves Beaurepaire insiste sur la nécessité de changer régulièrement d’échelle dans la représentation ; adopter un point de vue local peut permettre de déployer une visibilité d’ensemble sur la période et l’espace étudiés, de comprendre les débats qui y ont circulé. On trouve ainsi dans l’atlas quatre cartes du territoire français entre 1790 et 1793 pour marquer les évolutions des mobilités et de la circulation. Il insiste toutefois sur la difficulté de cartographier certains sujets et de varier les échelles sans perdre en efficacité.

 David Feutry interroge alors Pierre-Yves Beaurepaire sur la carte qui a été la plus difficile à cartographier selon lui. Chaque cartographe a dû faire face à des cartes contraignantes et a rencontré ses propres difficultés. En ce qui le concerne, il donne pour exemple la difficulté de rendre visibles et compréhensibles les réseaux transatlantiques puisque les sources et données font encore l’objet de recherches. Le travail de synthétisation rend donc le projet complexe et pourrait devenir un frein pour rendre attractifs les cartes, schémas et textes de l’atlas. David Feutry soulève justement un autre aspect surprenant de l’ouvrage : on pourrait s’attendre à un récit de la Révolution, alors que la mise en perspective des espaces peut se faire dans une logique bien locale. Par exemple, on retrouve une étude de cas à propos de La Beauce, favorisant l’accessibilité de cette espace qui était le siège de plusieurs dynamiques révolutionnaires.

 Pierre-Yves Beaurepaire répond à une dernière question de David Feutry, celle de la carte la plus inédite et la plus originale, d’autant que l’Atlas de la Révolution française a beaucoup évolué depuis la première édition. Pierre-Yves Beaurepaire présente alors une carte qu’il trouve particulièrement importante, représentant la couverture postale durant la période révolutionnaire. Effectivement, cette carte, absente dans l’édition précédente, constitue une nouveauté dans l’atlas. Il a donc fallu repartir des almanachs impériaux où des données sur les bureaux de postes et sur les départs de courriers étaient répertoriées. A travers cette carte, la collaboration entre l’historien et le cartographe prend toute son ampleur, pour aboutir à une carte synthétique et claire dans une approche complémentaire, comprendre les dynamiques et la diffusion des informations en France mais aussi dans l’espace régional. L’atlas cherche donc à montrer les dynamiques territoriales à différentes échelles pour éclairer des phénomènes parfois peu connus ou mal interprétés, autant que pour comprendre les enjeux de la période 1770-1820.

A l’image de l’atlas, cette visioconférence a su rendre des processus complexes et techniques accessibles et agréables à toutes et tous. L’échange s’est terminé avec différentes questions posées à Pierre-Yves Beaurepaire, reposant par exemple sur les cartes n’ayant pu être intégrées ou sur celles dont il aurait aimé disposer lorsqu’il enseignait dans le secondaire.

Ce café est à réécouter ici :

© Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 24/03/2021

Notes

[1Professeur à l’université Nice-Sophia-Antipolis, spécialiste de l’histoire culturelle de l’Europe et du monde au XVIIIe siècle.

[2Professeure à l’université Nice-Sophia-Antipolis, spécialiste du commerce maritime au XVIIIe siècle.

[3Docteur en histoire du XVIIIe siècle, archiviste paléographe et professeur en lycée.

[4Pierre-Yves Beaurepaire, Silvia Marzagalli, Guillaume Balavoine, Atlas de la Révolution Française, Autrement, 2021.