Pour un moratoire sur la réforme du lycée et du baccalauréat Lettre ouverte des Associations des Professeurs

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La Conférence des Associations des Professeurs spécialistes dont l’APHG est membre fondateur publie ci-après la "Lettre ouverte" demandant un moratoire sur l’application de la réforme du lycée et du baccalauréat. L’APHG, association professionnelle représentative, qui a pris position et poursuit avec détermination et dans un esprit de responsabilité ses actions pour l’Histoire-Géographie-EMC dans le cadre de la concertation actuelle, s’ y associe, convaincue par la nécessité d’une expression commune des Professeurs, toutes disciplines confondues. [1]

Lettre ouverte à M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale

Paris, le 29 janvier 2018.
 
Monsieur le Ministre, 

Le rapport Baccalauréat 2021 vous a été remis par M. Pierre Mathiot le 24 janvier 2018 et vous avez aussitôt annoncé la présentation d’un projet final en Conseil des ministres le 14 février. Ce calendrier précipité ne laisse donc que trois semaines pour la concertation à laquelle vous vous êtes engagé. Aux dires mêmes de Pierre Mathiot, la réforme du baccalauréat entraîne nécessairement celle du lycée. Ce délai est donc dérisoire.

Le projet qui vous a été soumis prévoit une transformation substantielle du baccalauréat et du lycée. Une réforme d’une telle ampleur doit s’appuyer sur un large consensus. Elle suscite pourtant de vives inquiétudes et de fortes réserves.

La Conférence des associations de professeurs spécialistes s’inquiète de l’extension du contrôle continu. Ce mode d’évaluation pose la question de l’égalité de traitement entre les élèves. En outre, la responsabilité que représente cette forme d’évaluation risque de soumettre les enseignants à des pressions de divers ordres. Pierre Mathiot, dans son rapport, partage nos inquiétudes, mais, de son propre aveu, ne voit pas quelle solution satisfaisante y apporter. 

La semestrialisation proposée conduira à une discontinuité des apprentissages, alors que les élèves ont besoin de temps pour s’approprier des connaissances et développer des compétences disciplinaires, dans un cadre rigoureux qui évite la dispersion. 

La complexité de l’architecture envisagée, qui articule d’abord « unité générale », puis « unité d’approfondissement et de complément » et enfin « unité d’accompagnement », démultipliant « majeures », « mineures » et « mineures optionnelles », est telle qu’elle ne sera compréhensible que par les initiés. Cela renforcera les inégalités sociales, aboutira à une concurrence délétère entre les disciplines et les établissements, brouillera les repères de l’orientation, et compliquera à l’excès la rédaction des programmes.

Ce dispositif complexe ne garantit même pas une plus grande liberté aux élèves, puisque leur choix se limite à une option, contre deux aujourd’hui. Les établissements les plus isolés territorialement seront particulièrement pénalisés.

Nous nous inquiétons du silence du rapport quant aux groupes à effectifs réduits, qui sont pourtant une nécessité pédagogique, et plus généralement, quant aux moyens dégagés pour la mise en œuvre d’une telle architecture. 

Nous nous inquiétons également de la présence annoncée dans les jurys de l’épreuve dite de « Grand oral » d’une personne dont rien ne garantit les compétences pour évaluer équitablement un candidat. En outre, nous nous interrogeons sur cette nouvelle épreuve, aux attendus très flous, qui devrait représenter 15 % du baccalauréat.

Nous nous étonnons enfin du peu de place que le rapport réserve aux transformations envisagées dans la voie technologique.

Aucune réforme d’une telle ampleur ne peut se faire à marche forcée. Les délais annoncés conduiraient, en l’état, à définir des épreuves, et à écrire des programmes dans la précipitation. Un tel calendrier est manifestement déraisonnable. 

C’est pourquoi nous vous demandons un moratoire sur la réforme du baccalauréat et du lycée. 

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération,

© La Conférence des Associations des Professeurs spécialistes - Tous droits réservés.

Lien vers la pétition adressée à Monsieur le Ministre de l’Education nationale (5 970 signatures au 1/02/2018 à 14 h 30).

Lien vers le texte de l’APHG : "Les priorités de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie pour la réforme du Bac et l’organisation du lycée" remises à la Commission présidée par M. Pierre Mathiot.

© Le Secrétariat général de l’APHG avec les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes - 01/02/2018. Tous droits réservés.

Notes

[1La Conférence des associations de professeurs spécialistes, ou conférence des présidents est le regroupement volontaire de la plupart des associations de professeurs en une structure souple de discussion et d’action. C’est une instance unique en son genre, qui représente la très large majorité des disciplines, et un lieu rare où dialoguent aussi bien les disciplines techniques et professionnelles que les disciplines dites d’enseignement général, les disciplines littéraires que les disciplines scientifiques, les disciplines enseignées en classes préparatoires que les disciplines enseignées dans le premier et le second degré.

Relativement informelle, ses réunions n’ont pas de périodicité propre : la Conférence se réunit en fonction des besoins de l’actualité et de l’urgence, mais aussi pour traiter des questions de fond, comme la formation continuée.

Elle est un lieu de dialogue, au sein duquel les différentes disciplines peuvent faire entendre leurs voix et parvenir à un accord elle permet aux différentes associations de mieux se comprendre, par exemple en termes de vocabulaire et de notions (ainsi de compétence) qui varient parfois selon les différentes disciplines, et d’aboutir à des constats et des analyses partagées par tous.

Elle est aussi un lieu d’action. Ces discussions débouchent sur des perspectives concrètes, et donnent lieu à des actions concertées ou communes comme la Lettre ouverte ci-dessus.

L’APHG est membre fondateur de la Conférence. Elle y est représentée par ses Secrétaires généraux Christine Guimonnet et Hubert Tison.