Les sujets du baccalauréat sont tombés jeudi matin [2] pour les centres d’examen de France métropolitaine. Les candidats des séries ES et L ont eu à travailler sur un sujet leur laissant le choix entre deux thèmes difficiles mais appréciés. Que ce soit la lecture historique des mémoires de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre d’Algérie, ou le rôle des médias et de l’opinion publique dans les grandes crises politiques de la France contemporaine, il s’agit là de thèmes riches mais abordables par des candidats de ces filières. Quant à la carte sur les dynamiques territoriales des Etats-Unis, on ne peut envisager sujet plus classique !
On est loin d’une telle satisfaction à la lecture des sujets de la série S. Les élèves de ces classes scientifiques ont souffert toute l’année de la méchante conjonction d’un volume horaire excessivement restreint (2 heures hebdomadaires) et d’un programme très lourd qui avait été manifestement écrit dans l’espoir d’obtenir du temps supplémentaire alors que la nouvelle grille horaire était en discussion ! Arrive la fin de l’année et les voici interrogés sur trois des sujets les plus difficiles de leur programme.
Le croquis sur les difficultés du continent africain dans la mondialisation est certes un des cinq seuls à maîtriser en vue du bac, mais qu’il est difficile pour un élève de Terminale S en comparaison avec les quatre autres sujets possibles !
Quant aux deux sujets de composition… ! Le premier sujet, « le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », porte sur un chapitre supposé avoir été étudié pendant l’année « sur la base de 5 à 6 heures (évaluation comprise) ». Il s’agit d’une question très large dont chacun saisira la complexité. A l’inverse, le second sujet porte sur l’étude très pointue de « la gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht », un chapitre réduit dans sa chronologie pour tenir compte du volume horaire indécent réservé à nos disciplines. Prévu pour être traité « sur la base de 4 à 5 heures (évaluation comprise) », il s’agit là d’un des chapitres les plus ardus du programme par la nécessaire maîtrise d’éléments techniques et politiques particulièrement compliqués pour un lycéen.
A quoi cela rime-t-il de faire plancher les candidats sur des sujets aussi difficiles ? Bien sûr, on peut déjà être satisfaits qu’il n’y ait pas eu de pièges, chacun des sujets étant légitime. Ce n’était pas si évident, quand on se souvient des scandaleux dysfonctionnements de la session de juin 2013 ! Mais donner simultanément ces trois sujets ne peut que décourager les élèves même les plus sérieux. De fait, on condamne ainsi l’épreuve à se résumer à un bachotage indigeste.
Les modalités de l’épreuve posent déjà problème, alors qu’on attend en trois heures le même type d’exercices que ce que les ES et L font en quatre heures ! Bien sûr, les correcteurs sont appelés à l’indulgence, doivent comprendre qu’on ne peut pas exiger des candidats de la série S les mêmes qualités de réflexion, ni la même densité de connaissances que leurs camarades des autres séries générales.
L’Histoire-Géographie ne peut pas se limiter à la restitution de savoirs. Ce serait là restreindre considérablement les capacités et méthodes que les programmes nous obligent à travailler au lycée !
Il est nécessaire et urgent d’ouvrir le « dossier S ». Pour l’heure, on ne peut avoir que l’impression qu’on cherche, en haut lieu, à sacrifier l’Histoire-Géographie dans cette série.
La première urgence est de procéder immédiatement à des allègements de programme [3]. On pourra évidemment en faire profiter un peu les ES et L qui, eux aussi, sont condamnés à une course contre la montre pendant toute l’année, sans laisser le temps de la maturation et de la réflexion, sans même laisser le temps de faire le programme dans le volume horaire pour lequel il est prévu (si, si, recomptez bien ce qui est prévu et comparez avec ce qu’il est possible de faire réellement au lycée). Ces allègements de programme, s’ils ont lieu, doivent tenir compte des dates de la rentrée scolaire des académies ultramarines autant que de la réalité du travail des professeurs, qui n’attendent pas le mois de septembre pour préparer des cours.
La seconde urgence est de réunir les représentants des différents acteurs de l’éducation (syndicats de professeurs et d’inspecteurs, association disciplinaire, collectif de réflexion,…) sous l’égide de l’Inspection Générale, du Conseil National des Programmes et de la DGESCO pour que soient véritablement entendues les réalités du terrain, si éloignées de l’utopie proposée par la rue de Grenelle, et que puissent être réfléchis et mis en place un programme et des épreuves adaptés aux possibilités de nos élèves, au volume horaire restreint et aux exigences de l’après-bac.
Nous devons pouvoir faire réfléchir nos élèves et leur permettre d’acquérir des outils de compréhension du monde en leur présentant des approches et des thèmes profondément renouvelés.
© François da Rocha Carneiro - Tous droits réservés. 21 juin 2016.
© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes, 21/06/2016. Tous droits réservés.