Présentation par le Ministre : Commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques
Depuis toujours, commémorations et cérémonies structurent la mémoire collective des sociétés autour de valeurs partagées, tout en contribuant au sentiment d’appartenance commune. Les grandes commémorations nationales que nous célébrons aujourd’hui sont le produit de notre riche Histoire. Elles en rappellent, depuis l’établissement du régime républicain, à la fin du XIXe siècle, les heures glorieuses et les heures tragiques.
Au fil des temps, ces commémorations ont évolué, restant ainsi à l’écoute de la demande sociale contemporaine. Elles doivent aujourd’hui pouvoir s’adapter à nouveau, pour jouer pleinement leur rôle fédérateur et contribuer, pour reprendre les mots du Président de la République le 10 janvier 2008, à « une politique de mémoire mieux adaptée aux évolutions de notre société, plus conforme à la diversité de notre pays et plus en phase avec les attentes des jeunes générations ».
C’est pourquoi mon prédécesseur, Alain Marleix, a souhaité confier une mission de réflexion sur ce thème à une commission d’experts présidée par l’historien André Kaspi.
Arrivée au terme de ses travaux, la commission vient de me rendre son rapport. Je souhaite remercier chacun des membres de la commission pour son investissement personnel, mais aussi l’ensemble de la commission pour la richesse des regards croisés qu’elle a portés sur nos grandes commémorations. Je tiens à remercier tout particulièrement son président, le professeur André Kaspi, qui a mené les travaux de la commission avec une très grande autorité intellectuelle.
Il a souhaité procéder à une très large consultation, en donnant la parole à tous les acteurs concernés, monde combattant, élus, préfets, enseignants, mais aussi journalistes, acteurs du tourisme et de la culture, responsables associatifs et personnalités. Dans le concert des voix qui se sont exprimées, je tiens à saluer particulièrement les associations combattantes pour l’intérêt qu’elles ont manifesté, dès le début, pour cette démarche et pour les positions qu’elles ont tenu à exprimer.
Les propositions formulées par la commission l’ont été en toute indépendance. Elles s’appuient sur de multiples témoignages, relayées par une réflexion approfondie sur la mémoire et son rapport à l’Histoire. Elles sont d’une grande richesse et de nature à alimenter la réflexion et inspirer les décisions des pouvoirs publics. Les préfets, les élus, les associations, mais également les enseignants, y trouveront très certainement confirmation de leurs intuitions ou un encouragement à leurs pratiques.
La célébration du 90ème anniversaire de la Première Guerre mondiale et l’émotion suscitée par la disparition du dernier Poilu ont montré, encore récemment, l’attachement des Français à leur Histoire et aux grandes commémorations.
Ce rapport vient donc à point nommé. Je suis convaincu qu’il viendra utilement nourrir et stimuler le débat public.
Jean-Marie Bockel
Secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants
Principales conclusions du rapport
La commission avait pour objectif de réfléchir sur le nombre et le déroulement des commémorations publiques. Après avoir entendu les associations d’anciens combattants et une quarantaine d’invités, elle aboutit aux conclusions suivantes :
1. Les commémorations publiques ou nationales sont trop nombreuses. Elles atteignent aujourd’hui le nombre de 12, soit deux fois plus qu’en 1999. Leur nombre pourrait encore augmenter dans les années à venir. Ce qui entraîne une désaffection et une incompréhension de la part d’une très grande majorité de la population, un affaiblissement de la mémoire collective, des particularismes qui vont à l’encontre de l’unité nationale.
2. Trois dates devraient faire l’objet d’une commémoration nationale : le 11 novembre pour commémorer les morts du passé et du présent, le 8 mai pour rappeler la victoire sur le nazisme et la barbarie, le 14 juillet qui exalte les valeurs de la Révolution française. Bien entendu, dans toute la mesure du possible, les commémorations nationales seront intégrées dans le processus de la construction européenne.
3. Les autres dates ne seraient pas supprimées. Elles deviendraient des commémorations locales ou régionales. De temps à autre, elles revêtiraient un aspect exceptionnel, comme ce fut le cas en 2004 pour les débarquements alliés de 1944.
4. Il ne suffit pas d’exprimer des exigences à l’égard de l’Education nationale et des médias. Il faut inventer des formes nouvelles de commémoration, qui contribueront à transmettre la mémoire des grands événements de notre histoire. De là, un effort particulier dans plusieurs directions :
- donner une plus forte ampleur au tourisme de mémoire, qui offre la possibilité de visiter des lieux historiques, de rassembler sur le plan national et sur le plan international ;
- inciter les établissements scolaires à mettre au point des projets pédagogiques, qui ne seront pas limités à la date commémorée, mais permettront une réflexion approfondie sur sa signification ;
- préparer à l’intention de la presse écrite, de la presse radio - télévisée et électronique des programmes, des événements qui retiennent l’attention des lecteurs et des téléspectateurs.
5. Ne pas tout attendre de l’Etat central. Les collectivités territoriales doivent tenir une place primordiale. C’est d’elles que partiront les initiatives les plus novatrices. C’est elles qui mettront sur pied des journées de la mémoire, adaptées aux lieux. Chacune d’elles peut apporter sa contribution à la sauvegarde de la mémoire nationale.
Création et composition de la Commission
La commission « chargée de réfléchir à l’avenir et à la modernisation des commémorations et des célébrations publiques organisées par le secrétaire d’Etat à la Défense chargé des anciens combattants » a été créée le 13 décembre par un arrêté du 13 décembre 2007 du secrétaire d’Etat à la Défense chargé des anciens combattants.
La commission, présidée par le professeur André Kaspi, professeur émérite à l’Université de Paris I, est composée de :
- Jean-Pierre Bardet, professeur émérite à la Sorbonne
- Robert Belot, professeur à l’Université de technologie de Belfort
- Françoise Berger, maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble
- Bernard Cottret, professeur à l’Université de Saint-Quentin-en-Yvelines
- Frédérick Casadesus, journaliste à Réforme
- Gérard Delbauffe, président du Souvenir français
- Patrice Gélinet, journaliste à Radio-France
- Anne Grynberg, professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales
- Philippe Joutard, ancien Recteur
- Stéphane Khémis, directeur de l’Histoire, de la Recherche,et du Magazine littéraire
- Marie-Claire Lavabre, directrice de recherches au CNRS
- Le général d’Armée Hervé Le Riche, inspecteur général des armées
- Emmanuel Le Roy Ladurie, de l’Académie des sciences morales et politiques
- Bertrand de Saint-Vincent, journaliste au Figaro
- Jean-François Sirinelli, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris
- Hubert Tison, secrétaire général de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG)
- Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherches au CNRS
Les missions de la commission
- « 1° […] dresser le bilan de la situation actuelle, en ce qui concerne le nombre, les formes et le contenu des commémorations publiques existantes.
- 2° […] formuler des propositions susceptibles de renforcer l’appropriation des commémorations par les citoyens et notamment les jeunes générations : calendrier des commémorations, contenu et sens mémoriel, déroulement des cérémonies.
- 3° […] formuler toutes recommandations de nature pédagogique, culturelles ou liées au tourisme de mémoire quant à leur déroulement. »
C.V. d’André Kaspi, Président de la Commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques
Professeur émérite à l’Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), spécialiste de l’histoire des Etats-Unis, le professeur André Kaspi a été nommé en décembre 2007 président de la commission chargée par le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants de réfléchir à la modernisation des commémorations qui remet aujourd’hui ses conclusions.
Carrière universitaire et CNRS
Après une thèse de doctorat d’Etat sur Le concours américain à la France, 1917-1918 soutenue en 1974, André Kaspi a été professeur de civilisation américaine à l’Université de Lille III, puis à l’Université de Paris III, avant de devenir de 1988 à 2006 professeur d’histoire de l’Amérique du Nord à l’Université de Paris I, dont il fut également directeur du Centre d’histoire nord-américaine. Il est professeur émérite à la Sorbonne depuis 2006.
André Kaspi est également président du Comité pour l’histoire du CNRS depuis 1998, après avoir été directeur du département des Sciences de l’Homme et de la Société de 1994 à 1997.
En-dehors de l’Université
– Président - fondateur de la Société d’études nord-américaines, 1988-1992
– Président de la Commission interministérielle (Enseignement supérieur et Recherche-Education nationale) sur les Instituts universitaires de formation des maîtres, mai - juillet 1993
– Président de la Commission Sciences de l’Homme et de la Société au Centre national du livre, 1996-1999
– Président de l’Institut d’histoire des relations internationales contemporaines, 1994-2000
– Président de la Commission française des archives juives, 1993-2001
– Président de l’Association des amis de Jules Isaac depuis 2000
– Directeur de la revue Archives Juives
– Président du Comité historique pour la Mission de commémoration des Débarquements de 1944 et de la Libération (ministère des Anciens combattants)
– Président du Comité historique pour la commémoration de la libération des camps de concentration et d’extermination (ministère des Anciens combattants)
Principales publications
- La mission de Jean Monnet à Alger, mars-octobre 1943, Paris, Editions Richelieu et Publications de la Sorbonne, 1971.
- Le temps des Américains. Le concours américain à la France, 1917-1918, Paris, Publications de la Sorbonne, 1976. Ouvrage couronné par l’Académie des Sciences morales et politiques.
- L’Indépendance américaine, 1763-1789, Paris, Gallimard - Julliard, coll. Archives,1976.
- La vie quotidienne aux Etats-Unis au temps de la Prospérité, 1919-1929, Paris, Hachette, 1980, nouvelle édition 1993. Ouvrage couronné par l’Académie française.
- Le Watergate, 1972-1974. La démocratie américaine à l’épreuve, Bruxelles, Complexe, 1983.
- Les Américains. Les Etats-Unis de 1607 à nos jours, Paris, Le Seuil , 2 volumes, 1986, nouvelle édition 2002. Prix France - Amériques, 1987.
- Etats-Unis 68. L’année des contestations, Bruxelles, Complexe, 1988.
- Franklin Roosevelt, Paris, Fayard, 1988.
- Les Juifs pendant l’Occupation, Paris, Le Seuil, 1991. Nouvelle édition dans la collection Points Histoire, 1997.
- La guerre de Sécession, les Etats désunis, Paris, Gallimard, 1992.
- La Deuxième Guerre mondiale. Chronologie commentée, Paris, Perrin, 1980. Bruxelles, Complexe, 1995 (en collaboration).
- La Libération de la France, juin 1944 - janvier 1946, Paris, Perrin, 1995 (en collaboration).
- Histoire des relations internationales de 1919 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2 volumes, 13ème édition, 2002 (ouvrage écrit par Jean-Baptiste Duroselle, revu et complété par André Kaspi).
- Jules Isaac ou la passion de la vérité, Paris, Plon, 2002.
- La peine de mort aux Etats-Unis, Paris, Plon, 2003.
- La civilisation américaine, Paris, Presses Universitaires de France, nouvelle édition 2006 (en collaboration).
- John F. Kennedy. Une famille, un président, un mythe, Bruxelles, Complexe, 2007.
- Les Juifs américains, Paris, Plon, 2008.
- Comprendre les Etats-Unis d’aujourd’hui, Paris, Perrin, coll. Tempus, 2008.
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