Nous tenons vivement à remercier Madame Sigler, directrice de la Maison de l’environnement et du développement durable de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, pour l’accord d’une visite des installations aéroportuaires, ainsi que Stéphane Devauchelle, chargé de relations publiques, pour ses excellentes explications. Un diaporama présentant Roissy nous a été projeté et commenté le matin, puis, une visite de l’aéroport a permis l’après-midi de découvrir plus précisément la plate-forme. Cette excursion a enfin été complétée par un circuit en bus afin de découvrir le village de Roissy-en-France, les complexes hôteliers, Goussainville, le « village fantôme » ou les installations de l’entreprise FedEx. Précisons qu’il est possible de visiter celle-ci en semaine et en soirée. Notre collègue Jean-Claude Cavard [1] nous a apporté de nombreuses et précieuses explications. Un dossier intitulé « L’aéroport de Paris-Nord Roissy. Analyse géographique d’une plate-forme aéroportuaire internationale. » a été remis à chaque collègue. Il comporte une sélection de documents, une synthèse intitulée « Paris-Roissy, aéroport international, acteur local et régional. » et une bibliographie commentée. Ce dossier est consultable sur le site internet de l’APHG Picardie, rubrique « Les excursions de la régionale », ou sur le site APHG National. La synthèse proposée dans ce dossier a été remaniée par notre collègue Jean-Claude Cavard et publiée dans le présent numéro. Notre collègue Françoise Drain [2] propose une étude de cas réalisée à partir de l’excursion et du dossier documentaire mis en ligne. Bonne lecture.
Christian Laude [3]
PARIS-CHARLES DE GAULLE, UN AÉROPORT INTERNATIONAL, UN ACTEUR RÉGIONAL ET LOCAL
Par Jean-Claude Cavard [4]
Le transport aérien français présente des déséquilibres marqués et l’aéroport de Roissy est la pièce principale du système aéroportuaire. Cette plate-forme toujours en évolution est basée sur le principe du hub. Le groupe Air France en a fait sa place-pivot. L’aéroport est source d’effets majeurs et parfois contradictoires : entraînement économique mais aussi source de nuisances chimiques et phoniques. Les réflexions et débats se multiplient aujourd’hui de manière à aboutir à un réel aménagement.
Le nouveau programme de géographie des classes de première a mis à l’étude le transport aérien et celle du hub de Roissy. Il s’agit d’une thématique capitale, mais qui ne peut occulter les autres éléments du sujet (transports, analyse spatiale, urbanisme, conflictualités, problèmes de gouvernance territoriale, nuisances phoniques et chimiques…). Le dossier du « Grand Roissy » est d’une extrême complexité et témoigne en terme d’aménagement du territoire (ou plutôt de non aménagement !) d’une multitude d’enjeux et de conflits. Les projets se multiplient autour de la plate-forme et les nouveaux sites économiques éclosent. Sans doute est-il aujourd’hui l’espace le plus « convoité » qui soit en France… et le plus débattu. En janvier 2 011, les « Rencontres du Grand Roissy » sous l’égide du Préfet de la Région Île-de-France ont ouvert un chantier de réflexions tant au niveau économique que dans la recherche d’une réduction des nuisances sonores. Une très petite partie seulement du sujet a été traité tant ce dossier obligerait à de multiples analyses beaucoup plus approfondies.
1 Le double déséquilibre du système aéroportuaire francilien.
En 2 010, il a été enregistré dans le monde un trafic de 2,5 milliards de passagers commerciaux. Malgré la crise économique et compte-tenu de toutes les incertitudes actuelles sur l’évolution du trafic international, la reprise des voyages d’affaires et de loisirs explique le redémarrage des flux. En 2 010, Aéroports de Paris a « traité » sur Orly et Roissy 83 millions de passagers, 2,5 millions de tonnes de fret et a enregistré plus de 708 000 mouvements d’avions (atterrissages et décollages). Le Bourget est fermé à l’aviation commerciale depuis 1981 et s’est spécialisé dans l’aviation d’affaires. Sur Paris-Roissy, terme officiel pour désigner en fait CDG, le trafic a été d’un peu plus de 58 millions de passagers l’année dernière contre 25, 2 sur Orly (aéroport plafonné à environ 200 000 mouvements). Le nombre de mouvements sur Roissy est un peu en baisse depuis 2 008 et a été en 2 010 de 492 000. A cela, deux raisons : le contexte économique actuel et un meilleur emport des appareils, c’est-à-dire un meilleur remplissage (nombre de passagers embarqués par avion). L’emport est cependant beaucoup plus faible sur Roissy (127) qu’à Londres (150). Il s’agit là d’un point important pour réduire les nuisances aériennes car la réduction du nombre des mouvements permet de répondre dans une certaine mesure à l’augmentation du nombre de passagers. A titre de comparaison, en 1983, Roissy comptabilisait 13 millions de passagers soit 400 mouvements par jour et en 2 000, 48 millions de passagers. Sur un temps assez court, la croissance de CDG a été considérable.
En terme de passagers, Roissy est ainsi le 7° aéroport international parmi les majors et la deuxième plate-forme européenne après Londres. Sur les 30 plus grands aéroports du monde, 13 sont cependant américains. Mais, la déréglementation du trafic aérien (c’est-à-dire l’ouverture à la libre concurrence), l’arrivée en force des compagnies low-cost et les effets du contexte international ont accentué considérablement les rivalités entre les aéroports, les compagnies aériennes et les villes mondiales. Le système du hub concentre les trafics sur les plates-formes les plus performantes. Paris, Londres, Francfort et Madrid sont en compétition pour être le gateway de l’Europe. Un aéroport international se doit de jouer en première division !
Les 10 aéroports internationaux ou Majors
Source : Aéroports de Paris, juillet 2011.
Aéroport | Fréquentation annuelle, en millions de passagers |
---|---|
Atlanta | 89,3 |
Beijing | 73,8 |
Chicago | 66,6 |
Londres-Heathrow | 65,8 |
Tokyo-Hanéda | 64,0 |
Los Angeles | 59,9 |
CDG | 58,2 |
Dallas | 56,9 |
Francfort | 53,0 |
Denver | 52,0 |
Selon Aéroports de Paris, les 2 principaux faisceaux de passagers en provenance ou à destination de CDG concernent l’Union européenne et la France, soit 67 % du total pour ces deux destinations. Le trafic domestique désigne celui qui est uniquement national. A ce niveau, des parts de marché ont été prises par les lignes grande vitesse (TGV) et ce aux dépens des compagnies aériennes. Ainsi, l’aéroport de Strasbourg a chuté dès la mise en service du TGV. Le faisceau national ne dépasse guère 8% du total et l’Europe constitue un des points forts du trafic de CDG. La concentration des flux sur les grands faisceaux géographiques est donc assez nette. (cf. Tableau). Ainsi, pour Orly et Roissy, 53% des passagers sont en relation avec seulement les 40 premières destinations. En effet, 24 destinations seulement ont pour pays, la France, les DOM-TOM et les capitales européennes, New-York arrivant au 6° rang et Djerba au 40° rang. Globalement, et selon la source utilisée, la reprise du trafic en 2 010 s’explique par l’essor des pays d’économie émergente et la croissance du tourisme international. Mais, le trafic aérien est particulièrement sensible aux cycles économiques et les enregistre immédiatement. C’est là sa grande fragilité. En outre, la concurrence des plates-formes étrangères (Moyen-Orient, Chine) est de plus en plus vive. L’Union européenne perd se sa puissance. Le transport aérien se recompose.
Trafic passagers CDG par faisceau en 2010
Source : Aéroports de Paris, juillet 2011
Aéroport | Trafic annuel, en millions de passagers |
---|---|
Intérieur (France) | 4,9 |
26 pays de l’Union Européenne | 23,3 |
Autres pays européens | 4,2 |
Amérique du Nord | 7,9 |
DOM-TOM | 0,4 |
Amérique du Sud | 2,4 |
Il existe un très important déséquilibre du système aéroportuaire français dans la mesure où le premier aéroport régional, Nice, arrive « seulement » à 10 millions de passagers en 2 010. On sait que les autres pays européens (Allemagne, par exemple) ont une distribution des aéroports beaucoup plus équilibrée. L’hyperconcentration française est flagrante. L’évolution du trafic aérien français est tout à fait significative de l’importance prise par l’avion dans la mobilité et des hommes et des marchandises. C’est seulement en 1951, que la barre du million de passagers est franchie sur Orly et Le Bourget. En 1961, le seuil des 3 millions était à peine franchi et en 1971 encore, les deux plates-formes ne « dépassaient » que les 10 millions ! On entra alors dans le transport de masse.
Les chiffres peuvent être utiles quand ils sont l’expression physique des flux. Ainsi, en juillet 2 011, Roissy et Orly ont fait transiter 8,9 millions de passagers alors que la région Île-de-France dépasse à « peine » 12 millions d’habitants ! Et pour le même mois, ce sont plus de 45 620 mouvements qui ont été enregistrés sur Roissy et 20 000 sur Orly. Pour une journée type certes moyenne, 1300 à 1400 avions décollent ou atterrissent sur CDG ce qui peut théoriquement « donner » un avion toutes les minutes en heure de pointe ! Les mouvements par tranche horaire sont tout à fait significatifs car c’est précisément à ce niveau que la gêne sonore tant par le type d’appareil que par la fréquence des passages peut-être contraignante pour les riverains. En moyenne, sur 2 010, Roissy a enregistré 161 vols de nuit (22 heures- 6 heures), mais 21 mouvements entre 0 heure et 1 heure, 4 entre 3 heures et 4 Heures du matin. Le « cœur de nuit » comme on dit dans le milieu aérien (O H -5 heures) voit certes « diminuer » le trafic, mais pour tout riverain de l’aéroport et y compris pour les habitants éloignés d’une vingtaine de kilomètres, l’émergence sonore de l’avion de fret est fortement ressentie. L’aéroport est « pratiquement » vide de ses voyageurs en cœur de nuit car il est dédié alors au trafic de fret et à la postale. C’est tout le débat actuel. Pour des raisons économiques, le couvre feu ne sera pas présentement institué sur Roissy alors qu’il l’est sur Orly depuis 1968 et que sur d’autres plates-formes européennes telle Heathrow le trafic de nuit est plus réduit. Le récent colloque des Rencontres de Roissy en janvier 2 011 clôturé par la Ministre de l’écologie a été formel sur ce point. Les effets pervers en sont connus et font l’objet de quantité de discussion en commission consultative de l’environnement [5].
On assiste en effet à un report du trafic de nuit sur les plages horaires d’avant 22 heures et sur celles d’après 5 heures. En journée, le trafic aérien varie en fonction des plages du hub : par exemple, 94 mouvements entre 14 et 15 heures, 100 entre 11 et 12 heures ou 87 entre 19 et 20 heures.
Il est évident que le problème de l’avenir de la place aéroportuaire francilienne est un élément clé dans une réflexion d’aménagement du territoire. L’abandon d’une 3° plate-forme à Chaulnes en Picardie en 2 001 ou les réflexions sur des alternatives de complémentarité obligeront peut-être à reposer la question capitale du devenir des aéroports franciliens. (cf. Le rapport de la Cour des comptes de 2 008 et les propositions de Jean-Pierre Blazy, Président de Ville et aéroport). Un groupe de parlementaires a déposé le 1° juin 2 011 un projet de loi relative à la desserte aérienne du Grand Paris. L’exposé des motifs s’appuie sur l’argument suivant : comment accueillir d’ici 15 ans en Ile-de-France une hausse de plusieurs centaines de milliers de mouvements supplémentaires sachant qu’Orly est plafonné à 200 000 mouvements et que Roissy commence à montrer ses limites techniques et environnementales. (710 000 mouvements possibles, source ADP de 2 011) ? Certes, les prévisions de trafic sont complexes et font l’objet d’hypothèses assez différentes. Les cycles économiques retentissent sur le trafic aérien mondial comme on le constate actuellement ; le renchérissement du pétrole oblige les compagnies à de sérieuses remises en question et les lois sur les quotas énergétiques sont âprement critiquées par les compagnies aériennes. Donc, toute prudence semble nécessaire quant à l’estimation des évolutions à long terme. Néanmoins, la DGAC (direction générale de l’aviation civile) prévoit une croissance du transport aérien de 3.5 % par an en moyenne pour l’horizon 2 020. L’important rapport parlementaire de la mission de François-Michel Gonnot (2 003) qui avait proposé de réfléchir à un autre système aéroportuaire formulait déjà l’hypothèse pour 2020-2 025 de 1, 25 million de mouvements en Ile-de-France pour les 3 aéroports de CDG, Orly, Le Bourget. Les services techniques estiment que le dispositif technique de Roissy est fait pour écouler au maximum 71 millions de passagers (source : mai 2 011) et qu’il « tiendra « jusqu’en 2 020-2 025, mais guère plus. Comment anticiper la gestion du trafic aérien francilien avant que l’asphyxie ne vienne aggraver la situation ? (cf. Débat Ville et aéroport du 26 septembre 2 011).
Le ciel européen est en effet un des plus chargés qui soit. Allant plus loin, un député du secteur d’Orly propose de fermer cette plate-forme et de la repousser dans un quadrant du sud-ouest de la région Ile-de-France ! Un article bien informé paru dans le journal Les Echos rappelle que les financements alloués au transport ferroviaire sont de 11 milliards et que l’aérien doit « se contenter » d’un seul » milliard d’euros ! L’auteur préconise donc une réflexion sur le secteur géographique cité précédemment. L’aéroport de Vatry situé en Champagne, mais à 150 km de Paris et qui pourrait être relié à l’actuelle ligne TGV, est considéré plus que jamais par certains élus, et en particulier par les associatifs, comme une alternative obligatoire pour le fret.
2 Le « dossier Roissy » : diagnostic.
CDG est situé à 23 km au nord de Paris et son emprise est de 3 200 hectares, soit le 1/3 de Paris intra-muros. Localisée sur 3 départements (Seine-et-Marne, Val d’Oise et Seine-Saint-Denis), ce qui pose le redoutable problème de gouvernance, la plate-forme est située sur 7 communes. Toute carte routière montre bien le corridor d’accès à Roissy sous forme d’un véritable cordon ombilical et CDG a été construit au-dessus de l’autoroute A 1. Les accès à Roissy sont de plus en plus problématiques et A 1 avec un trafic journalier de plus de 100 000 véhicules / jour dont beaucoup de poids lourds est saturée. En théorie, 20 minutes sont nécessaires pour gagner Paris par A1 ! La Francilienne venant de l’ouest ne ceinture pas encore l’aéroport vers l’est des projets d’amélioration de l’accessibilité surtout en Seine-et-Marne sont à signaler cependant. Les voyageurs en partance prennent pour 80 % un véhicule avec la précaution d’un temps élevé entre leur domicile et CDG. Seuls les taxis parisiens sont autorisés à accéder aux aérogares. L’accès ferroviaire se fait par la ligne B du RER mise en service en 1976 dont les difficultés et le manque de confort sont bien connus des usagers. De coûteux plans de modernisation ont été récemment finalisés (ex RER B). Il n’existe pas de ligne dédiée réservée aux seuls voyageurs et le projet CDG Express partant de la gare de l’Est vers Roissy est toujours en attente. Il est évident que les projets de gares prévus dans le programme du Grand Paris Express dont une nouvelle ligne de métro devraient améliorer la situation anormale d’un aéroport international mal relié à la ville centre . Tout un réseau complexe de lignes de bus et de cars existe certes mais 80 % des salariés utilisent un véhicule personnel. (cf. Site internet Picardie-Roissy, cahier d’acteurs n° 20).
Une gare TGV située sous le grand Hôtel Sheraton a été ouverte en 1994 et constitue un élément clé de l’intermodalité. La gare de RER venant de Châtelet-Les Halles y est accolée (cf. Cahiers du débat public Picardie- Roissy pour les cartes et informations précises). La montée en puissance de cette gare TGV est à signaler : 50 trains par jour s’y arrêtent et plus de 2 millions de voyageurs par an sont en correspondance avec l’avion. Il faut arriver par l’ouest de la plate-forme et passer le long de l’autoroute en y voyant les « colonnes » remontantes et descendantes de véhicules pour montrer aux élèves ce qu’il est d’usage d’appeler des flux de trafic. Nul ne sait sans doute exactement combien de personnes y compris les salariés « passent » en une journée par cet aéroport. C’est probablement l’équivalent de la ville d’Orléans ! En hiver, vers 19 heures, voir la Plaine de France depuis cette petite butte–témoin de Châtenay-en-France, la plus petite commune du Val d’Oise est toujours quelque chose d’impressionnant : scintillement partout des lumières des voitures, passages des avions et vers le sud le front urbain éclairé de la métropole. Le village qui n’a jamais construit de lotissement, mais qui a réalisé un beau bâtiment pour congressistes est situé dans le parc naturel régional Oise-Pays-de-France (cf. ; le numéro intéressant à ce sujet deRoissy.Mail.com, n° 31, 2010). Le journaliste a su montrer les contrastes entre la dynamique aéroportuaire et son hinterland.
L’aéroport est situé en Plaine de France dont les cartes IGN montrent bien les processus de périurbanisation classique. Rien d’original si ce n’est que les grands plans d’aménagement de la région parisienne de 1960 et 1965 (Schéma de Paul Delouvrier, 1965) en limitaient à très juste raison la constructibilité. A une époque où l’aménagement du territoire certes quelque peu autoritaire fonctionnait, cet espace non bâti se devait d’être « gelé » en prévision du futur aéroport Paris-Nord. L’ouvrage cité en bibliographie (IAU) explique très bien cartes à l’appui les processus complexes de l’aménagement. En simplifiant, ce sont environ aujourd’hui plus de 900 000 habitants qui vivent autour de l’aéroport en prenant en compte la vallée de Montmorency (sud-ouest de la carte IGN). On devine que les contraintes en termes d’urbanisme sont restrictives pour les communes situées autour de la plate-forme. Il est impossible d’expliquer rapidement les « effets » du PEB (plan d’exposition au bruit) dont la révision a été engagée en 2006 et entrée en application en 2 007. On renverra au dossier de l’APHG de Picardie mis en ligne (avec une carte et les références aux zonages) et aux sources citées. Les constructions en logements sont interdites en zones A et B (les plus proches de l’aéroport) et restrictives en zone C. L’actuelle zone D beaucoup plus large, ne limite pas la constructibilité, mais les actes notariés doivent en faire part. Le plan de gêne sonore (PGS) a été institué pour permettre l’indemnisation des personnes désirant effectuer des travaux d’insonorisation. Il concerne environ 64 000 logements et 60 communes. Il est évident que ce n’est que progressivement que les dossiers suivis par la commission technique sont rendus effectifs. Le montant d’indemnisation approche aujourd’hui les 90 %, voire les 100 % de dépenses. Chacun de ces plans est élaboré par les services techniques de l’Etat et les lignes de « plaque de couleur » correspondent aux indices de bruit. La dépréciation immobilière réelle sans doute dans certains quartiers touchés par les nuisances aériennes les plus fortes (15 à 20% ?) fait l’objet d’interrogations (étude en cours). Précisons enfin que la gêne sonore ressentie par les habitants (riverains proches et riverains éloignés) dépasse les courbes de bruit définies. Ce sont « officiellement » pour la DGAC, 127 communes qui sont dites riveraines soit plus d’un million d’habitants. Les problèmes très complexes, mais fort importantes des nuisances sonores et chimiques, ceux aussi des tentatives de réduction de bruit à la source et les actuelles préconisations présentées en janvier 2 011 par la Ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet, n’ont pu être étudiés dans le cadre de cet article.
Cependant, la plate-forme est une entité technique qui fait travailler (mais pas en même temps !) plus de 85 600 personnes (2 009) et 92 000 si on englobe la commune de Roissy (RGP de 2 008). Une étude récente d’ADP parue en septembre 2 011 avait recensé pour 2 009 sur l’aéroport 620 établissements. Roissy est donc le premier pôle d’emploi du nord francilien et le premier pour la croissance relative au niveau des effectifs. Mais l’influence géoéconomique par le biais des entreprises de sous-traitance est beaucoup plus forte. On estime qu’un million de passagers supplémentaires ou 100 000 tonnes de fret se traduisent par la création de 1 500 emplois directs et 3 000 emplois indirects. La palette des activités est diversifiée. Cependant, du fait des gains de productivité, le ratio tend à baisser. Roissy n’est pas devenu ce centre d’entraînement technopolitain que l’on imaginait il y a 20 ans, mais tel spécialiste du sujet pense que Roissy s’orientera plus aujourd’hui vers un pôle des échanges, d’affaires et vers une « économie d’évènement d’affaires ». (Jean-François Benon, Directeur Général du CEEVO, agence de développement économique du Val d’Oise.) Actuellement, en effet, les activités de maintenance, de logistique et d’appui au fonctionnement de l’aéroport sont encore dominantes. Dans l’aire géographique soumise à l’influence de Roissy, on « parle » d’environ 120 000 emplois indirects supplémentaires concernés. Il s’agit aussi d’un pôle d’emploi de niveau régional qui recrute de plus en plus loin. Les départements riverains tout comme l’Oise voire l’Aisne sont concernés. La polarisation exercée par l’aéroport se voit très bien sur les cartes de flux d’actifs des les migrants alternants. (cf. En particulier le débat public Picardie-Roissy). Mais, ce pôle est aussi générateur de contradictions et témoigne d’un certain nombre de fragilités (explosion de la sous-traitance avec ses conséquences). Des jeunes sans voiture mais habitant à quelques kilomètres de la plate-forme trouvent difficilement à s’embaucher. Travailler sur la plate-forme, cela signifie concrètement « retourner » à la gare du Nord par le RER D, revenir ensuite vers Roissy par le RER B et gagner enfin un lieu de travail dispersé. La voiture est donc quasiment obligatoire et ce malgré les alternatives pour faciliter l’accès à l’aéroport mises en place par ADP (Jérémie).
3 La plate-forme de Roissy : pièce maîtresse du système.
Aéroports de Paris (ADP) quasiment privatisé, ne possède pas d’avions mais construit, aménage et exploite les plates-formes de l’Ile-de-France. Son changement de statut juridique explique qu’il se soit orienté vers l’immobilier d’entreprises, la construction d’un centre commercial géant (Aéroville) et vers des opérations financièrement rentables. Il est symptomatique que le satellite S 3 par ailleurs de grande qualité esthétique ait reçu le terme de « Galerie parisienne » (enseignes de luxe). Orly s’est spécialisé dans le trafic dit point à point (ville à ville), dans le trafic domestique et vers l’Europe. Mais, son rôle est désormais beaucoup plus limité. Plus de 320 entreprises y sont localisées. Le Bourget, aéroport historique, constitue le premier aéroport d’affaires en Europe : 58 000 mouvements en 2 010, 15 compagnies aériennes, 800 destinations dont 70 % vers les pays d’Europe élargie et une centaine d’entreprises. Les grands projets actuels de ce territoire s’orientent vers la réalisation d’un pôle industriel aéronautique de première importance. Les projets de gare du métro automatique de Paris-Express seront une donnée majeure dans les mutations de l’espace urbain allant de la Seine-Saint-Denis à l’aéroport de Roissy. D’ores et déjà des CDT (contrats de développement territoriaux–projets contractualisés entre les collectivités et l’Etat) sont bien avancés.
Les informations techniques concernant la plate-forme peuvent se retrouver sur le site « aéroport » (Wikipédia, à jour) et surtout sur le site internet tout à fait intéressant au niveau informatif d’Aéroports de Paris (Entre Voisins). Ouvert le 9 mars 1974, l’aéroport de Roissy n’a cessé de s’agrandir à l’intérieur de ses 30 kilomètres de « grillage » et l’architecture aéroportuaire d’évoluer. Les modules et les satellites ont pu et peuvent répondre à l’évolution progressive du trafic. Les investissements sont considérables et chaque élément supplémentaire de l’édifice, mais ce d’une manière horizontale, contribue au fonctionnement de l’ensemble (les satellites). Un seul exemple : le satellite S 4 en cours de construction pourra « écouler » plus de 7 millions de passagers avec 16 portes de contact. Il renforcera le hub d’Air France et optimisera les satellites 2 E et 2F. (cf. Carte). Environ 1 500 ouvriers et 500 sociétés participent aux travaux. Le satellite sera mis en service en 2 012 et ce sont 560 millions d’euros qui auront été investis. Le projet d’un terminal 4 est envisagé au nord de la plate-forme pour supporter un trafic de 30 millions de passagers. Il s’agit donc d’un aéroport toujours en travaux. L’ouverture du satellite 3 qui fut inauguré par le Président de la république en juin 2 007 a augmenté la capacité de 8,5 millions de passagers. C’est lors de l’inauguration de ce satellite que le Chef de l’Etat avait lancé le projet du Grand Paris et encouragé les autorités aéroportuaires à se développer (« Je vous y aiderai »). Une mission de réflexion chargée de concilier développement durable et croissance de l’aéroport (Mission dite de Jacques Dermagne, Président du CES national) avait été lancée. De cette mission sont issus les débats et réflexions en cours sous l’égide du Préfet de Région, Daniel Canépa. (Les rencontres du Grand Roissy). Une charte du développement durable avait été promise. Elle n’ a pas encore été rendue effective. Cependant en septembre 2 011, la Ministre de l’écologie s’est engagée à ouvrir un débat sur ce sujet
La gestion du trafic assurée par les aiguilleurs du ciel reste terriblement complexe. Les exposés techniques effectués par les services de la DGAC (direction de l’aviation civile) et les rapports soumis par exemple aux membres des CCE montrent bien les enjeux. Les avions arrivent par 7 points d’entrée et les cartes des chevelus de trafic qui peuvent être consultées en ligne témoignent de ce qu’est l’organisation de la circulation aérienne sur l’espace du Bassin Parisien et du nord-ouest de l’Europe en particulier. (Mise en place le 21 mars 2 002). Les pistes extérieures (3 et 4) sont réservées aux décollages car elles sont plus longues et les pistes intérieures aux atterrissages. De nouvelles procédures d’approche dites descente lisse (sans paliers) seront mises en place en 2 012 de manière à diminuer la gêne sonore. Toujours est-il que le problème récurrent, toujours posé et nullement réglé demeure celui d’un aéroport localisé bien trop près des zones urbaines denses. Certes, l’indice global sonore annuel calculé par les techniciens selon l’indice 100 pour 1999 n’a pas augmenté. (cf. Site APHG).
Les archives de Roissy et les très nombreux articles ou dossiers de la période de construction entre 1966 et 1974 sont d’un grand intérêt pour renseigner sur cette époque pionnière. Les techniciens et les ingénieurs en ont bien parlé. La presse départementale en Seine-et-Marne et en Val d’Oise a effectué des numéros anniversaires copieux et tout à fait intéressants. Le bel ouvrage réalisé par ADP en 1995 richement illustré et les numéros spéciaux réalisés en 1 999 par ADP seraient à lire. La photographie réalisée par un technicien d’Aéroports de Paris qui montrait un troupeau de moutons là où allaient ensuite s’élever les aérogares fit le tour du monde ! La réalisation en des délais de temps très courts d’une telle plate-forme, générant des travaux considérables et des flux de camions de chantier intenses fut ressentie par les habitants des communes et surtout celle de Roissy comme un véritable traumatisme.
Par ailleurs, deux catastrophes d’avions un peu avant l’ouverture de Roissy (l’une sur Goussainville pendant la fête du Bourget et l’autre dans la forêt d’Ermenonville) avaient été un deuxième traumatisme. En outre, les grandes « cartes noires » de bruit parues dans les journaux et dont personne, y compris les élus, ne savait, hormis les techniciens, ce qu’il en était exactement, augmentèrent les craintes. Les avions étaient beaucoup plus bruyants qu’aujourd’hui et le Concorde avait été prévu pour Roissy ! Les très nombreuses séances et débats du Conseil général du Val d’Oise, les publications spéciales que cette assemblée en fit dans les années 1970-1977 surtout, sont autant de témoignages. L’aéroport de Paris publiait depuis 1958 une revue, Entre Voisins et les associations de défense contre l’aéroport eurent là leur, Entre Riverains ! Globalement, les élus val d’oisiens ont, dans les années 1970, vu l’aéroport comme une pièce rapportée et un isolat. Les relations entre Aéroports de Paris et « leurs voisins » furent donc à cette époque toujours très tendues. Les POS des communes soumises au bruit ont été longtemps bloqués pour éviter une urbanisation dans les courbes de bruit. Et, encore au milieu des années 1980, l’ancien maire de Châtenay ne comparait il pas Roissy à un « immense champignon vénéneux » !
Les premières études qui ont choisi Roissy l’ont été dès 1957. La plaine de France est une zone plane ; une seule ferme a été détruite et les expropriations rapidement effectuées. CDG dispose depuis 2 000 de 4 pistes, 2 au nord et 2 au sud (les doublets), ce qui en fait l’aéroport européen aux capacités techniques de croissance les plus fortes (réserves foncières et possibilités d’extension). C’est d’ailleurs l’argument toujours mis en avant dans la concurrence que se font les aéroports internationaux. Le site de Roissy fut retenu officiellement en 1964 parmi 7 possibles (dont un dans le département de l’Eure) du fait de la faible densité de population de la Plaine-de-France. Mais, contrairement à ce qui est dit assez souvent, dans les années 196O, elle était loin d’être « vide », seulement moins peuplée. Ce secteur non encore périurbanisé à l’époque semblait assez loin de Paris ! Le plan de masse initial prévoyait 5 très grandes aérogares et 5 pistes dont une nord-sud (abandonnée aujourd’hui). Rien de tout cela ne s’est réalisé et pendant longtemps jusque vers le milieu des années 198O, la plate-forme donnait l’impression d’être un peu vide !
Du fait des vents d’ouest dominants, 61 % des décollages se font vers l’ouest donc vers la partie la plus urbanisée du département du Val d’Oise (au sud, vallée de Montmorency, au nord, Plaine de France). Les décollages sont plus bruyants pour les communes les plus proches de l’aéroport (ici, Gonesse, Le Thillay ou Goussainville), mais moins pénalisants pour celles qui sont plus éloignées. La « montée » très rapide des avions (en général) en est l’explication. Par contre, les atterrissages sont gênants pour les villes plus lointaines du fait de l’angle d’approche plus faible (vallée de Montmorency). Les avions suivent des « rails » et sont parfois en véritable file d’attente au moment des heures très chargées en trafic ! Si les avions sont objectivement moins bruyants grâce aux apports technologiques effectués ces dernières années par les motoristes, l’augmentation de la fréquence surtout lors des plages horaires de fort trafic annihile en partie les gains en question. Une baisse de trafic (gênante financièrement pour les aéroports et les compagnies !) est importante pour les riverains en terme non pas de statistique mais de ressenti ou de vécu. Ainsi, une baisse de 6% de trafic entre 2 008 et 2 009 s’est traduite par une diminution de 30 000 mouvements commerciaux d’avions soit en moyenne une baisse journalière de 83 avions ! Le trafic par correspondance est donc caractéristique de Roissy et des grands aéroports internationaux. Ainsi, 50 % des vols d’Air-France sont en correspondance avec un pic sur les aérogares E, F et G (49 % sur CDG 2). Or, on sait que ce type de trafic peut être repris par d’autres hubs européens. Ils sont en effet facilement délocalisables. La concurrence de places telles que Dubaï ou Abu Dhabi est réelle.
4 Les Trois hubs, le fret, le « marketing territorial » et l’immobilier d’entreprises.
Le mot hub est un terme anglo-saxon signifiant « moyeu » où arrivent et d’où partent les rayons d’une roue. Le concept de hub a été créé par un étudiant de Yale, Frédéric W.Smith lequel remit en 1965 une dissertation sur la logistique à son professeur d’économie ! C’est en 1971 qu’il créa une petite entreprise de messagerie de colis, Fédéral Express (devenu FedEx en 2 000). Il proposait alors des liaisons rapides en 24 heures à des clients industriels dans 11 villes américaines. On connaît la suite, la croissance fulgurante de l’entreprise et le rôle de Memphis comme place internationale de son hub. FedEx s’est spécialisée dans les activités de fret express. Elle a choisi ensuite l’Europe comme seconde base et c’est à partir de 1999 que FedEx s’installa sur Roissy. L’absence de couvre feu, les relations que l’entreprise avait tissées avec tous les milieux d’affaires régionaux et locaux, l’appui des pouvoirs public au plus haut niveau, celui des collectivités et aussi de substantiels avantages fiscaux, autant de raisons qui expliquent le choix de Paris. Pour l’aéroport, FedEx est une entreprise prestigieuse. Un paquet partant de Bâle à 17 heures, expédié de Roissy à 21 heures arrive à New-York à 21 heures, heure locale. (Principe du J + 1). FedEx emploie environ 1800 salariés. Ainsi, le hub est devenu le modèle d’organisation aéroportuaire qui offre aux passagers la possibilité de voyager d’un point à l’autre de la planète en passant par une seule plate-forme de correspondance. Air France a fait de Roissy « son royaume » (Eric Veillon). Le groupe employait en 2 010 environ 42 000 salariés sur le site de CDG (15% résidant dans l’Oise, 12% dans le Val d’Oise et 19 % en Seine-et-Marne). Cependant, le groupe Air France montre des difficultés et le système du hub lui-même des fragilités. (cf. Presse nationale et économique). Les gains de productivité s’essoufflent.
Pour Air France, il s’agit d’une plate-forme de correspondance puissante en Europe car elle offre une maximalisation des correspondances. Mais, elle est talonnée par les autres hubs européens. En 2 009, Air France a pris en charge plus de 33 millions de passagers soit en moyenne plus de 110 000 par jour. Et sur CDG, en période de journée de fort trafic, plus de 30 000 passagers sont en correspondance, soit en moyenne 828 vols par jour dont 70 de longs courriers ! Air France-KLM et filiales représentent 54,6 % des mouvements et 50 % sont des vols de correspondance. Air France s’est installé sur Roissy en 1996 et a mis en place alors un remarquable « meccano ». Il s’agit de regrouper le maximum d’atterrissages sur une tranche horaire réduite pour faire décoller des avions le plus rapidement possible. On est ainsi passé d’une gestion de 45 vols en 2 heures à une gestion de 45 vols en une heure. D’où ce « ballet d’avions » qui se reproduit 6 fois par jour (exemple, fin de matinée, début après-midi, heures de soirée). Les vagues sont cadencées de manière à permettre le maximum de correspondances dans le délai le plus court. On a pu comparer un hub à une « pompe qui aspire et qui refoule le trafic selon un rythme précis et régulier » (Jean-Jacques Bavoux). Les passagers habitués aux grands aéroports connaissent bien les affichages sur le premier tableau lequel permet de savoir comment rejoindre le plus rapidement possible la destination choisie : d’où la concurrence acharnée entre les compagnies, dont celle d’air France et l’obligation de créer des alliances ; (Air France- KLM par exemple). Air France est de plus en concurrencée par le TGV et les compagnies low-cost. Sa stratégie actuelle est précisément de reconquérir des places de marché sur les aéroports régionaux français.
La gestion des flux a impliqué un considérable et complexe réaménagement de tout le système aéroportuaire sur CDG. On imagine les problèmes techniques et financiers d’un « déménagement » en cas de création d’un troisième aéroport voire d’ une autre plate-forme chargée de « capter » une partie du trafic de Roissy. On a pu dire avec juste raison que l’invention du hub aux USA dans les années 1970 avait été un peu l’équivalent de la révolution de la conteneurisation pour la navigation maritime. Le système abaisse les coûts, accélère les ruptures de charge tout en procurant une beaucoup plus grande fluidité. Mais, de facto, le hub déclenche la compétition entre les grands aéroports. Par ailleurs, la logistique interne a dû être totalement modifiée : augmentation du nombre des banques d’enregistrement et du nombre de passerelles pour recevoir à certaines heures les flux de voyageurs.
Le fret aérien est une partie importante de l’activité de Roissy. On renverra le lecteur à l’article paru dans Bénéfice Net, 6 janvier 2 000 et mis en ligne. Le trafic de fret est celui qui pose le plus de problèmes pour les riverains car il s’agit pour une partie au moins d’un trafic nocturne du fait du décalage horaire. FedEx, Air France-Cargo et la postale sont présentement sur la plate-forme les utilisateurs. Mais, plus de 70 % du fret « voyage » dans des soutes d’avions commerciaux (avions mixtes). En 10 ans, le tonnage du fret a plus que doublé passant de 940 000 tonnes à plus de 2,5 millions de tonnes. Roissy CDG est ainsi au 2°rang européen derrière Francfort et loin devant Londres. Roissy est donc devenu la porte d’entrée internationale pour le fret à très haute valeur ajoutée. Certes, le fret aérien ne représente que 2% des marchandises transportées dans le monde en volume mais le 1/4 en valeur des échanges internationaux. Les 6 zones de fret situées à l’ouest de la plate-forme représentent 1/4 des emplois de Roissy soit en 2 010 environ 23 000 emplois .Enfin, l’aéroport s’inscrit dans un véritable corridor logistique qui va de la Seine-Saint-Denis jusqu’au Sud de l’Oise. L’Est du Val d’Oise et le nord ouest de la Seine-et-Marne sont en terme d’immobilier d’entreprises les sites des grands logisticiens (Prologis par exemple). On signalera le projet Eurocarex de transport de fret par ligne TGV. Ainsi, chaque rame TGV de fret pourrait transporter 100 tonnes de marchandises soit autant que 7 Boeings. (cf. site internet pour plus d’informations). Le Grenelle de l’environnement a acté l’intérêt de ce projet.
L’attrait indiscutable de l’aéroport pour toutes les communes situées autour de lui explique que les entreprises se sont multipliées dans les nouvelles zones d’activités économiques créées ces dernières années. Mais, les « gros permis de construire « et les très grands projets d’aménagement ne sont pas sans conséquence non plus sur la consommation de l’espace agricole. (Exemple, le Triangle de Gonesse). L’agence de développement de la communauté de communes Roissy Porte de France, 18 communes, est particulièrement active : présence sur les salons nationaux et internationaux de l’immobilier d’entreprises (MIPIM à Cannes et le SIMI à Paris). Ce sont 24 parcs d’activités économiques et près de 200 hectares de terrain en cours de commercialisation et/ou en projet. (cf.sur internet, le Bilan du ceevo de 2 011 et le tableau des ZAE). Les investisseurs internationaux, allemands en particulier, y sont présents. La commune de Roissy a un projet de World Trade Center pour un total de 640 millions d’euros : 6 hôtels, un centre de congrès de 75 salles. Partout et ce en dépit de la crise, les grues s’activent dans les ZAE en construction (Roissy par exemple, communes riveraines, Gonesse sur le Parc des Tulipes) [6]. Les communes de Seine-et-Marne jouent « à fond » aujourd’hui et depuis peu la carte de l’aéroport et se lancent dans la réalisation de programmes immobiliers. L’Oise s’y intéresse de plus en plus aussi comme l’a bien montré le débat public de 2 010 sur le projet ferré Creil-Roissy. Les institutionnels (Régions, départements, communes) font de Roissy un site prioritaire et tous les adjectifs utilisés témoignent de l’attention qu’on lui porte. Les Chambres de commerce en ont fait un « Tem » (territoire majeur) ; le nouveau schéma régional d’Ile-de-France parle de territoire stratégique et prioritaire. Son agence de développement économique, ARD, le « priorise » et le Grand-Paris » (Etat) en a fait un de ses 9 sites majeurs. Le marketing territorial destiné à la promotion du territoire de Roissy en terme d’attractivité pour des investisseurs nationaux et étrangers s’exprime à travers toute une série d’initiatives dans des organismes tels que Datagora ( départements de support de la plate-forme ), Aérotropolis ( réunion des acteurs économiques dont FedEx ), le but étant d’attirer des entreprises sur et autour de Roissy à l’image de ce qui existe sur Memphis. Hubstar Paris est portée par la Région, les départements et les agences de développement économique. (cf. Site internet au mot clé).
Certes, la crise économique actuelle a ralenti certains investissements. Des programmes n’aboutiront peut-être pas et la prudence reste de mise. Cependant, il existe une dynamique immobilière d’entreprises tout à fait significative. Aéroports de Paris joue à fond la carte du « business ». Ainsi, dans ses objectifs à 5 ans, 2 011-2 015, ADP envisage de construire près de 360 000 m2 de bâtiments, en locaux directement liés à l’aérien mais aussi en bureaux, hôtels, activités diverses. ADP est donc un « développeur » économique ce qui n’était pas sa vocation première. C’est ici un changement fondamental que la quasi privatisation a renforcé. Les taxes professionnelles engrangées étaient considérables [7]. L’aéroport est donc un acteur d’enrichissement conséquent pour quelques communes riveraines malgré les effets de la péréquation. Ainsi, pour la commune de Roissy, le potentiel fiscal c’est à dire le niveau de richesse communal est considérable. En 2 009, il était de 7 723 euros par habitant soit plus de 10 fois plus que la moyenne des communes du département du Val d’ Oise ( 692 euros ) ! Une toute petite commune comme Epiais- les-Louvres (76 habitants) avait un potentiel de 8 165 euros et le Plessis-Gassot, 77 habitants se montait à 4 676 euros ! Par comparaison, une commune pauvre située en dehors des retombées fiscales comme Villiers-le Bel qui a un poste de dépenses sociales important n’avait un potentiel fiscal que de 406 euros ! On comprend pourquoi les communes défavorisées de l’est du Val d’Oise et toutes éligibles à la politique de la ville (Sarcelles, Garges-les-Gonesse, Villiers-le-Bel) voudraient bénéficier d’une redistribution plus équitable des richesses. Dans les petites communes périurbaines de Seine-et-Marne qui bénéficient aussi de ces retombées fiscales, le promeneur peut observer des espaces publics bien aménagés, des équipements de qualité et du mobilier urbain de grande prestation. (cf. par exemple Thieux ou Saint-Mesme). La commune a pu se doter d’une salle de spectacle, d’une piscine et d’équipements de grande qualité.
Conclusion
De très nombreuses questions restent posées. (Avenir du trafic aérien à moyen et long terme, devenir de la plate-forme de Roissy face à l’évolution du trafic, urbanisation et nuisances surtout). Les travaux et études en cours diligentés par l’Etat et les collectivités se traduiront dans les mois à venir par des avancées au niveau de l’aménagement spatial autour de Roissy. Présentement, l’ « espace flou » de Roissy a été construit au coup par coup sans véritable cohérence, en fonction des politiques départementales et communales. L’immobilier d’entreprises autour de l’aéroport est comme on dit « boosté » par l’aéroport mais ce, sans trop de cohérence non plus. Les intercommunalités se recomposent et travaillent à des projets de territoire. Or, cet espace géographique aéroportuaire se doit d’avoir un « pilote » et la gouvernance est toujours en attente. Il y va de l’avenir de tout le nord francilien. C’est d’ailleurs la conclusion forte des « Rencontres ». Enfin, les problèmes d’environnement se doivent d’être priorisés. Au total, un secteur où l’aménagement global du territoire s’impose en urgence. Dans un colloque, Roissy CDG avait pu être comparé à une sorte de « trou noir » ou de « centrifugeuse » voire d’ « ovni » ! L’image n’est pas dénuée de réalité. Et…dans une commune très proche de l’aéroport, la librairie-presse proche vend le Herald Tribune mais pas le Monde du soir ! Un espace, donc, tout en contraste et… à visiter avec les classes.
Références bibliographiques
L’article n’a pu que suggérer quelques « pistes » d’information. Un travail beaucoup plus conséquent serait nécessaire. Au colloque Ville et aéroport, il a bien été précisé par les intervenants qu’actuellement ni 3° aéroport, ni complément d’infrastructure ne sont envisagés. On vit aujourd’hui sur le statut quo. Il n’est pas prévu de gap technologique dans la réduction des nuisances à la source, mais seulement des améliorations.
On renverra au document mis sur le site internet de l’APHG Picardie en mars 2011 et réalisé par Jean-Claude Cavard et Christian Laude (cartes, complément informatif et bibliographie, 34 pages). On y trouvera les principales sources et les sites internet (en particulier, les références aux cahiers d’acteurs du Grand Paris très précieux pour les cartes et informations). Les ouvrages, les travaux et articles relatifs à l’aéroport sont considérables et la littérature « grise » est immense. Les cartes de Dammartin-en-Goelle et de la forêt de Montmorency au 1/ 25 000° sont un précieux instrument de travail. On se reportera aussi à la carte murale éditée par le journaliste Eric Veillon et aux 32 numéros de la revue mis en ligne sur Roissy mail. (Bénéfice net et roissy.mag). La carte est disponible au coût de 25 euros frais de port compris (agence au 01 30 29 04 32). Le comité d’expansion économique de Seine-Saint-Denis a réalisé une grande carte économique (disponible gratuitement au 01 49 98 10 00 et ce dans la limite des stocks). Le Comité d’expansion économique du Val d’Oise (CEEVO) a remis à jour sa carte économique (conditions identiques au 01 34 25 32 42).
Gérard Maoui, Nicolas Neiertz, Entre Ciel et Terre, aéroports de Paris, novembre 1995
Pierre Merlin, Les aéroports, NED, documentation française, juillet 2 000
Jean-Pierre Blazy, Réconcilier développement aéroportuaire et qualité de l’environnement, Assemblée nationale, rapport n° 1671, 2 juin 1999 (cf. Site Ville et aéroport pour ses contributions récentes qui développent les thèses de l’auteur ; cf. bibliographie APHG)
Etienne Berthon (direction), Aéroports et territoires, IAU, n° 139-140, 280 p. 2 004 (ouvrage de base), en vente au prix de 37 euros, 01 77 49 79 17 (mediatec@iau-idf.fr)
Guillaume Faburel, Nuisances urbaines, polarisations sociales et inégalité environnementales. Le cas du bruit des transports aériens, Ville et environnement, chapitre 6, 2 006, A. Colin, (cf. aussi très nombreux ouvrages de l’auteur sur le bruit aérien non cités ici ; cf. bibliographie APHG).
Les aéroports français face aux mutations du transport aérien, rapport public thématique, Cour des comptes, documentation française, 2 008 (capital)
Yves Boquet, Les hubs de fret aérien express, Bulletin des l’Association des géographes français, décembre 2009, pages 446/495 (direction de Jean Varlet).
Advocnar, Dossier spécial, nuisances aériennes, 2 010 (www.advocnar.fr).
Ville et aéroport (association d’élus présidée par Jean-Pierre Blazy), Quelle politique aéroportuaire pour la France en 2012 ? (colloque du 26 septembre 2011, mis en ligne, contact@villaeroport.org, dossier capital pour l’analyse du fait aéroportuaire français et francilien).
Bilan économique et social, comité d’expansion économique du Val d’Oise, annuel (excellentes mises au point sur le trafic aérien, l’emploi et informations sur l’Est du département et le Val d’Oise), mis sur internet.www.ceevo95.fr (direction Jean-François Benon, rédacteur, Nicolas Legrand) et L’économie en Val d’Oise.
Lettre (la) de l’entreprise Val d’Oise, Béatrice Monomakhoff, (nombreux articles intéressants sur FedEx, Beauvais, Le Bourget, l’avenir d’Air France). L’article n’a pu tenir compte du dernier numéro sur les deux derniers thèmes ; disponible par abonnement au prix de 10 euros (www.lalettredelentreprise.com).
Maison de l’environnement et du développement durable de Paris-Charles de Gaulle (www.aeroportsdeparis.fr ). Documentation, visite, renseignements sur la plate-forme.
Illustration : source : Régionale de Picardie de l’APHG