Serge Barcellini élu Président général du Souvenir Français Compte-rendu de la Rédaction

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Le Souvenir Français a tenu son Congrès à Reims du jeudi 16 au samedi 18 avril 2015, en présence de Monsieur Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense.

Au cours de l’Assemblée générale du samedi matin, le Général Delbauffe, contrôleur général des Armées, a annoncé qu’au bout de 8 ans de mandat il quittait la Présidence. Il a dressé le bilan des 8 années qui ont vu le Souvenir grandir en notoriété et apparaître comme une formidable armée de bénévoles au service de la Mémoire.

Les ventes du Bleuet de France ont été rajeunies. Il s’est modernisé, informatisé, possède un site (50 000 connexions en un an). Les finances ont été l’objet, sous la houlette du trésorier, d’une rationalisation. Le Souvenir Français soutient de nombreuses actions pédagogiques, des voyages de mémoire, des projets d’expositions, de Cédéroms. [1] Il valorise le patrimoine (musées, tombes). [2] Il a vocation à accueillir des associations comme Rhin et Danube. Il salue René Roche, le Président d’Honneur de l’association Rhin et Danube qui a beaucoup aidé le Souvenir Français. L’Assemblée générale a élu Serge Barcellini, contrôleur général, ancien directeur de cabinet du secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants Jean-Marc Todeschini, comme président.

Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense - DR

Dans son discours inaugural, Serge Barcellini a remercié vivement le général Delbauffe pour son action de modernisation du Souvenir Français, association mémorielle majeure qui regroupe 200 000 bénévoles sur le territoire français et à l’étranger. Serge Barcellini a indiqué les quatre défis auxquels est confronté le Souvenir français :

 le défi conceptuel : la définition de la Nation selon Ernest Renan : une histoire commune, un souvenir partagé. Qu’en est-il aujourd’hui ? Il est nécessaire de la refonder.

 le défi démographique : le dernier poilu a disparu. Les combattants et les résistants de 1939-1945 et des guerres de Corée, d’Indochine et d’Algérie ont entre 75 ans et 90 ans. Le Souvenir français peut assurer la transmission de la mémoire lors des grandes cérémonies nationales ou régionales. Il faut tenir compte de l’évolution de la répartition de la population sur les territoires, des mobilités des Français et des familles recomposées. Le cimetière n’est plus le lieu privilégié du recueillement pour ces familles.

 l’évolution de l’armée et des ses effectifs : dans son excellent discours sur les nouveaux défis de notre pays aujourd’hui, le Ministre de la Défense Jean-Louis Le Drian a mis l’accent sur de nouveaux enjeux pour notre pays et l’Europe :

  • guerre en Europe Orientale (Ukraine, annexion de la Crimée),
  • terrorisme au Moyen Orient et en Afrique,
  • menaces sur notre territoire et en Europe des groupes terroristes ou des individus manipulés qui s’en prennent aux libertés et à la démocratie. La conscription a été suspendue par Jacques Chirac en 1995 pour laisser la place à une armée de métier capable d’être projetée à des milliers de kilomètres du territoire français dans le cadre d’opérations extérieures (Opex) comme au Tchad, en Afghanistan, au Liban, en Libye, au Mali, dans les Balkans, en Centrafrique... 50% des départements français n’ont plus aucune garnison ni présence militaire ! Les soldats de métier ont des contrats de 5 ans. Le ministère de la Défense a accepté la formation d’associations de militaires d’active qui pourront exprimer leurs points de vue. Le Souvenir Français doit avoir les anciens combattants des Opex : plus de 60 000 depuis le début de leur lancement.

 La place de la France dans le monde : il existe 197 pays dans le monde. 80% d’entre eux ont eu des liens avec la France par le souvenir militaire. Aujourd’hui, les réseaux consulaires se consacrent surtout aux relations économiques et n’ont plus la préoccupation de la mémoire. Le Souvenir Français peut prendre le relais et est seul capable de sauvegarder la trace de la France. Serge Barcellini est un passionné qui entend aller sur le terrain à l’écoute des bénévoles du Souvenir Français.

En annexe : le discours du nouveau Président Serge Barcellini.

Retrouvez les photographies du Congrès national annuel 2015 à Reims, réalisées par le Souvenir Français sur le compte » Google + » du Souvenir français [en cliquant sur le lien suivant : https://plus.google.com/115343144155696270264/posts/QkeZ86x3DLc

Les services de la rédaction de la revue Historiens et Géographes - Tous droits réservés. 25 avril 2015.

Gérard Delbauffe et Serge Barcellini - DR

Annexe. Discours d’investiture de Monsieur Serge Barcellini

Monsieur le Président d’honneur, Cher Gérard,
Madame et Messieurs les membres du Bureau,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d’administration,
Mesdames et Messieurs les Délégués généraux,

C’est avec émotion que je m’adresse à vous. Emotion car les discours d’investitures ne sont jamais facile – surtout lorsque l’on succède à un Ami, à qui vous devez beaucoup –, mon propos sera donc simple. Il sera centré autour de trois thèmes : Un Hommage, une Continuité et un Défi.

Un Hommage

Hommage à tous les adhérents du Souvenir Français, ces 200 000 bénévoles qui font vivre notre association sur le territoire national et au-delà sur l’ensemble de la planète. Ils sont le Souvenir Français.
Par leur mobilisation lors des cérémonies, des collectes, des initiatives de transmission pédagogique, ils sauvegardent la mémoire combattante de notre nation.

C’est vers eux que je me tourne aujourd’hui pour leur dire que le bénévolat est et restera la pierre angulaire de notre association alors même que les initiatives mémorielles – La gestion des Musées, les animations touristiques, les rencontres avec les scolaires – sont de plus en plus fréquemment animées par des « salariés de la Mémoire ». Notre association est et restera un grand creuset du bénévolat.
C’est aussi vers eux que je me tourne pour réaffirmer la passion du collectif qui nous anime. Alors que l’individualisme est partout à l’œuvre, alors que les associations qui fédèrent les bonnes volontés pour créer du vivre ensemble sont moins nombreuses, les adhérents du Souvenir Français sont eux les porteurs d’une philosophie du collectif.

Hommage à eux mais hommage aussi à vous, les Délégués généraux, ainsi qu’aux membres du Conseil d’administration, sans qui rien ne serait possible.
L’action de notre association passe quotidiennement par vous, par votre mobilisation et par votre passion.
A travers vous, le premier message que je souhaite adresser est celui de mon engagement personnel auprès de tous les adhérents de notre association. Je serais à vos côtés.

Une Continuité

Gérard Delbauffe quitte la présidence de notre association. Une présidence exceptionnelle qui fera date dans notre histoire associative. 8 années au service des autres, 8 années d’engagement, 8 années de refondation : c’est dans sa continuité que je place ma présidence.

Continuité dans la refondation des missions. Le Souvenir Français est confronté à une forte évolution de la gestion des tombes des Morts pour la France marquée à la fois par une restructuration des services gestionnaires de l’Etat et par un abandon de nombreuses tombes familiales. Une politique a été définie, elle sera poursuivie. Parallèlement, le Souvenir Français est confronté à l’entrée en déshérence de nombreuses stèles, monuments et plaques en raison de la disparition des associations qui en ont été les créateurs. Une politique est amorcée, elle sera approfondie. De plus, le Souvenir Français est confronté à la montée d’un calendrier commémoratif mal maîtrisé – à l’échelon national – 14 journées nationales existent désormais – comme à l’échelon local. Nous poursuivrons la réflexion amorcée sur ce calendrier. Enfin, le travail réalisé en direction des scolaires sera poursuivi car il est notre réponse à la nécessité de donner un socle mémoriel à la jeunesse de France - Continuité dans les partenariats. Les 8 années de présidence de Gérard Delbauffe ont été marquées par la création d’un dense réseau partenarial avec les fédérations et associations d’Anciens Combattants, avec les associations d’anciens militaires, avec l’Education Nationale,
avec les associations d’élus. Ce réseau partenarial existait à l’échelon départemental. Il était moins visible à l’échelon national. Il l’est devenu. Ces rencontres, ces signatures de conventions seront poursuivies. - Continuité enfin dans les moyens et leurs mises en œuvre. J’hérite d’une exceptionnelle situation financière ! Ces dernières années sont marquées par une progression de la collecte, par une progression des adhésions, par une progression des legs. Grâce à cette bonne santé financière, la Direction du Souvenir Français a entrepris une refondation du siège et un fort renouvellement des outils de communication.

Je tiens ici à rendre hommage au travail de notre Directeur général Michel Hadj qui se dévoue sans compter pour que vive notre grande association.
Cette refondation a également été conduite dans les organes de gouvernance. Le Conseil d’administration est rajeuni, s’est féminisé, s’est ouvert plus fortement à la société civile.

Ma présidence s’inscrira pleinement dans la continuité de cette refondation.

Un Défi

L’ambition d’un Président d’une grande association, c’est sa capacité à adapter cette
association aux défis du Temps présent. Pour notre association, ces défis sont nombreux, vous les connaissez et vous les subissez souvent. J’en retiendrai quatre essentiels :

Le défi conceptuel
Derrière cette expression, se cache la réalité vive de notre identité.
Le Souvenir Français a été créé en 1887. Cette date n’est pas neutre. Cette année-là en effet, était publié le discours fondateur prononcé par Ernest Renan à la Sorbonne en 1882, « Qu’est-ce qu’une Nation ? ».
« Une Nation est une âme, un principe spirituel » - l’une est dans le passé « C’est la
possession en commun d’un riche legs de souvenir » - l’autre dans le présent « le désir de vivre ensemble, la contrainte de faire valoir l’héritage qu’on a rendu indivis ! ».
Ernest Renan développe tout au long de cette conférence ce concept, en rappelant que le Souvenir est d’abord glorieux, « de la véritable gloire » et héroïque, « des grands hommes ».
Il impose l’idée du deuil comme base des politiques mémorielles, « la souffrance en commun, unit plus que la joie, les deuils valent mieux que les triomphes car ils commandent l’effort en commun ».
Ce concept porte en lui-même son versant négatif, « l’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses ».

En sauvegardant les tombes des Morts pour la France et en commémorant les pages de la mémoire glorieuse, le Souvenir Français s’inscrit pleinement dans cette orientation mémorielle.
Et c’est à partir d’elle qu’il participe à la transmission d’une connaissance historique aux jeunes français.

Le défi démographique
Le Souvenir Français est né, et s’est développé en harmonie avec les acteurs de la mémoire combattante. Dès sa création, le Souvenir Français accueillait en son sein de nombreux « vétérans » (car c’était le nom qu’on leur donnait alors) de la guerre de 1870. En 1918, il a fait de même en accueillant de nombreux anciens poilus et ainsi de suite au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et des guerres d’Indochine et d’Algérie.
Le Souvenir Français n’est pas une association d’Anciens combattants mais il est une
association qui est en harmonie avec les Anciens combattants.
Or, la démographie est en train de faire son œuvre. Les Anciens combattants sont moins nombreux – Ceux de la Grande Guerre ont disparu, ceux de la Seconde Guerre mondiale qui avaient 20 ans en 1945 ont aujourd’hui 90 ans, ceux de Diên Biên Phu ont dépassé 80 ans et ceux des Djebels approchent les 75 ans.

Cette évolution démographique a des conséquences tant pour la politique mémorielle que pour notre association. Pour la politique mémorielle, nous assistons à la disparition progressive des associations d’Anciens combattants qui ont structuré et animé la politique commémorative de la France.
Cette disparition n’est pas une banalité, car le monde combattant a joué et joue encore un rôle central dans la sauvegarde du vivre ensemble de notre nation.
Parallèlement, cette disparition se combine à la monté en puissance des « salariés de la mémoire » que j’ai déjà évoqué. Cette évolution inexorable constitue pour nous un défi. Le Souvenir Français doit s’adapter à cette évolution démographique. Il le fait en accueillant les OPEX, il le fait et il le fera encore plus en s’ouvrant pleinement à la société civile dans sa diversité.

Le défi militaire
Le Souvenir Français n’est pas une association militaire. Mais il est une association qui côtoie le monde militaire et qui accueille de nombreux anciens militaires.
En 1900, l’Almanach du Drapeau, une revue militaire décrivait le Souvenir Français comme une « association patriotique, toute d’émouvante piété ».

La date de la création du Souvenir Français n’est pas très éloignée de la grande cérémonie organisée à l’hippodrome de Longchamp le 14 juillet 1880. Ce jour-là, l’armée républicaine recevait ses emblèmes – geste que refera le 2 avril 1945 le Général de Gaulle, il y a tout juste 70 ans.
Or, depuis deux décennies, l’armée française connait une formidable refondation – marquée par la fin de la conscription, par la restructuration territoriale, par l’engagement sur les territoires extérieurs. Cette refondation va se poursuivre. Le ministère de la Défense vient d’annoncer la création d’associations de militaires d’actives.
Ces associations vont se mettre en place dans les prochains mois et prochaines années. Cela aura des conséquences pour le Souvenir Français qui devra savoir relever ce défi et aménager des passerelles.

Le défi de la sauvegarde de la mémoire française à l’étranger
La France a une mémoire longue et une mémoire partagée. Sur les 197 pays aujourd’hui reconnus par l’ONU, la quasi-totalité ont une histoire partagée avec la France et 80% de ces nations ont sur leur sol une stèle, un cimetière ou un monument qui porte la matérialisation de la mémoire combattante française.

Pendant des décennies, ces sites ont été sauvegardés par les services consulaires, par l’armée française, par les associations d’Anciens combattants français et par le Souvenir Français. Or, le réseau consulaire français est moins nombreux et son rôle évolue – les missions économiques sont de plus en plus importantes –, les réseaux militaires évoluent également – les OPEX succèdent aux garnisons, et les associations d’Anciens combattants, là comme ailleurs sont en déclin.
Il revient au Souvenir Français de relever ce défi car sauvegarder la mémoire française, toute la mémoire française, de par le monde est pour nous une mission centrale.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d’administration,
Mesdames et Messieurs les Délégués généraux,
Nous avons derrière nous une grande et belle Histoire, nous avons devant nous de grands défis, nous saurons les relever, pour que le Souvenir Français, dans la continuité, soit la grande association mémorielle du XXIème siècle dont la France a besoin.

Je vous remercie.

Serge Barcellini, Président général du Souvenir Français

Association « Le Souvenir Français »
20, rue Eugène Flachat
75017 PARIS
http://le-souvenir-francais.fr/

Les services de la Rédaction - Tous droits réservés. 26/04/2015.

Notes

[1280 voyages, 9 expositions, 7 autres actions.

[2Dans un entretien publié par L’Union, le Général Delbauffe souligne le rôle des professeurs d’Histoire et de Géographie dans cette transmission de la mémoire.