Une VRP de la République
Car le sens du combat de Latifa, au-delà de cultiver la mémoire de son enfant, est celui d’une certaine idée de l’intégration, dont elle est l’incarnation. Après avoir quitté son emploi et fondé une association, Latifa est devenue une véritable VRP de la République. Elle sillonne dès lors la France, portant son discours aussi bien devant des collégiens que des lycéens, des adolescents en difficulté que des prisonniers, intervenant dans des institutions éducatives comme le Mémorial de Caen ou à l’Assemblée Nationale. Elle ne se contente pas d’ailleurs de la France. Les cinéastes la suivent ainsi au Maroc, en Chine, en Israël et dans les territoires palestiniens. Déterminée, Latifa est sur tous les fronts, du soir au matin, presque tous les jours. Son but, expliquer que l’intégration est toujours possible, que l’espérance est une vertu, que l’espoir est une valeur, et l’ambition, un moteur.
Un discours qui sort du cœur
Ses mots sont simples. Latifa Ibn Ziaten ne propose pas de modèles théoriques complexes. Elle évoque simplement son expérience de femme modeste, qui a su s’intégrer, sans renoncer à son identité, tout en embrassant celle de citoyenne de la République. Devant des collégiens ébahis, elle raconte qu’elle servait du porc dans les services de restauration où elle travaillait, sans qu’elle juge ce geste en contradiction avec ses sentiments religieux. Cette scène, au début du documentaire, nous offre une remarquable définition de la laïcité. De même, quand elle explique à l’Assemblée qu’elle ne porte pas de voile mais un foulard, expression de son deuil et que porter ce foulard ne l’empêche en rien d’être au service de l’intégration républicaine. Bref, le documentaire bouscule certaines idées reçues et nous incitera sans doute à réfléchir sur ce que peut recouvrir aujourd’hui le concept de laïcité. À cet égard, le documentaire est un vrai complément au livre de Bernard Ravet (Principal de collège ou imam de la République ?, Paris, Kéro, 2017).
Un combat inscrit dans un double contexte
Son combat s’inscrit dans un double contexte, d’abord celui du terrorisme. Le rappel du nombre des victimes ouvre d’ailleurs le documentaire. Le terrorisme a changé de modus operandi. Le djihadisme frappe aujourd’hui les représentants de la République (militaires, policiers), les défenseurs de ce qu’elle est (journalistes de Charlie Hebdo) et nos concitoyens sans distinction de classe et de religion. Mais sa lutte s’enracine également dans le climat, tout aussi délétère, de ce modèle d’intégration à la française qui ne fonctionne plus, et dont les déficiences nourrissent l’exclusion et peuvent conduire à la radicalisation. Ne mâchant pas ses mots, Latifa Ibn Ziaten pointe les responsabilités d’une politique publique devenue insuffisante, qui oublie d’offrir à toute une population de l’espoir, de l’intérêt et de la reconnaissance. Bien de nos collègues se reconnaîtront dans ce discours. Conséquence de ce contexte, les menaces que subit Latifa, qui doit être désormais accompagnée d’un policier. Elle offre ainsi une image de ce qu’est le courage, celui de toutes celles et de tous ceux qui servent la République, parce qu’ils y croient, en dépit de tout, envers et contre tout.
Souvent émouvant, mais jamais larmoyant, servi par une bande son adaptée, et un paysage sonore plié à la mise en scène, Latifa, le cœur au combat, est un documentaire qui est à voir. Mais il est surtout un film, dont nous autres enseignants d’histoire-géographie devons nous emparer, pour animer des séances d’EMC, pour susciter le débat et montrer ce que peut être, ce que devrait être, l’intégration dans notre société.
Plus de renseignements sur le site officiel :
http://www.hautetcourt.com/film/fiche/288/latifa-le-coeur-au-combat
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© Yohann Chanoir pour Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 01/10/2017.